Pneu - GET OLD OR DIE TRYIN'

10 ans! 10 ans qu'on attend le retour du duo mathrock/noise tourangeaux, 10 ans qu'on se languit du retour de la meilleure version française de Lightning Bolt, 10 ans depuis Destination Qualité. C'est long 10 ans...

Pneu a toujours été un ovni pour moi, et je gage qu'ils l'ont été pour beaucoup. Un duo fou, à la complémentarité habitée, mû par une synergie énergique qui s'ébroue dans une espèce de mathrock instrumental, expérimental, textural, artistique qui ne trouve sa place dans aucune scène particulière ni aucun courant spécifique. Une espèce d'ornithorynque musical, un genre de Quentin Dupieux du mathrock, talentueux, humble et incorruptible dans leur démarche artistique aussi reconnaissable qu'inclassable. Mais j'avoue qu'après une telle attente, et à la lecture de l'annonce de cette sortie conséquente (11 titres pour 30 minutes), j'étais aussi enjoué qu'effrayé. Faut être réaliste, les gens vieillissent et il en est souvent de même pour leurs ardeurs musicales débridées, leur inventivité qui flirte avec la prise de risque, ou tout simplement l'énergie.. Ces quelques ingrédients essentiels à un bon album (en tout cas de Pneu) peuvent avoir tendance à perdre en vigueur avec les années. En outre, les projets annexes des deux compères (qui sont nombreux entre Binidu, La Colonie de Vacances, Franky Goes to Pointe à Pitre, Gamut,Tachycardie, Institutrice) ont une fibre, une essence plus calme et mesurée que dans Pneu. 

Sauf que...non! Franchement, non! Non! Ne cherchez pas, Pneu ne vieillit pas, qu'on se le dise. Et ils n'ont rien perdu que ce soit en ardeur, en inventivité, en énergie ou en prise de risque. Rien que pour cela, je leur tire mon chapeau. Nous revoilà donc exactement là où on en était il y a 10 ans...

On retrouve donc Jey, sa Telecaster rouge, ses accords quantiques, sa main droite frénétique, son manche de guitares qui semble être devenu le terrain de jeu de quelques lemmings gigotant d'une frette à l'autre. On retrouve Jean-Baptiste et sa batterie urgentesque, oscilloscopique, méta(a-)rythmique. On trouve aussi Amaury Sauvé à l'enregistrement et la qualité est bien meilleure que Destination Qualité. Il fallait bien ça car si le style du groupe n'a pas changé dans les grandes lignes, il s'agrémente de nouvelles composantes électroniques, subtiles, mais qui s'incorporent à merveille dans leur musique et méritaient d'être mises en valeur par un mixage généreux. 

En outre, le son est tellement dense et riche que la mise en valeur réussie de ces sons triturés, ring-modés et pitch-shiftés est une composante essentielle à la qualité générale de "Get Old or Die Trying". 

L'album a une saveur encore plus live que précédemment, le groupe offre une expérience de proximité auditive ultra satisfaisante. Et, évidemment, point d'editing, point de rafistolage, point de filtre pour faire joli; chez Pneu, ça mange la ligne blanche, ça roule sur le bas côté et c'est tant mieux. 

Plus rapide, plus dense, un peu plus électronique, et peut-être un peu plus expérimental dans la recherche sonore, Pneu se renouvelle tout en restant ancré dans ce qui a fait sa belle unicité. On retrouve aussi les quelques écueils que le groupe pouvait déjà présenter par le passé. Ce kick très métronomique, parfois un peu trop et qui peut rendre ici ou là l'assise de l'ensemble un peu trop linéaire. On pense notamment à son utilisation seul dans les transitions comme un simple marqueur de temps, un gimmick très cool, certes, mais un peu trop présent peut-être. Mais c'est aussi l'occasion pour le batteur de se reposer et de reposer l'auditeur tant les fills sont riches par ailleurs. On a aussi cet aspect toujours très expérimental, pas forcément dans les structures mais plutôt dans les sonorités, la densité. Pneu ne cultive pas l'inécoutable mais ne sera pas amical à toutes les oreilles. Cependant, c'est parfois tellement incongru, tellement surprenant que l'auditeur au delà du plaisir (ou déplaisir) de la musique pourrait largement se laisser happer par la simple envie de "faire l'expérience",  de la "constatation de l'incroyable".
 

Pneu est de retour, toujours plein de cette hasardeuse et talentueuse humilité musicale bru(i)tiste et expérimentale. Ils continuent à mettre la gomme et à laisser des traces qui ont cette agréable odeur de caoutchouc chauffé sur l'asphalte.

On aime bien : un retour grandement réussi pour un groupe dont le talent et l'énergie n'a pas vieilli

On aime moins : c'est toujours du Pneu, donc faut aimer...

8oris

le 25/03/2025