Publicité

Une trompette gallo-romaine découverte à Bavay

La trompette a été découverte dans un très bon état de conservation.
La trompette a été découverte dans un très bon état de conservation. C. Leroy/Département du Nord

ARCHÉOLOGIE - Découvert dans un dépôt votif du IIIe-IVe siècle, cet instrument très bien conservé pourrait alimenter la recherche sur les musiques antiques.

La découverte de l'instrument à vent a coupé le souffle des archéologues. Les chercheurs du département du Nord ont eu la surprise de découvrir en avril, sur le chantier de fouille qui doit précéder la réalisation du nouveau grand parcours couvert du Forum antique de Bavay, trois grandes dalles suspectes dans l'angle nord-ouest du cryptoportique gallo-romain. Isolés, d'une allure curieuse et soigneusement calés par de petites pierres, ces trois blocs de calcaire remployés du forum de l'antique Bagacum renfermaient en leur sein un curieux dépôt votif : celui de plusieurs petits tubes en alliage cuivreux. Derrière leur apparence de baguettes métalliques, ces vestiges du IIIe-IVe siècle ap. J.-C., n'avaient pourtant rien de l'instrument de sorcellerie et tout de l'instrument de musique, puisqu'il s'agissait des restes démontés d'une trompette gallo-romaine. Mesurant près de 2,70 m, cet objet droit et décoré serait l'une des trompettes les plus longues, les plus complètes et les mieux conservées découvertes à ce jour.

«Nous avons la chance d'avoir un objet très bien conservé en plus d'avoir un contexte de fouille», s'est réjoui Patrice Herbin, à la tête du Service archéologie et patrimoine du Département du Nord. Parvenu jusqu'à notre XXIe siècle dans un excellent état, de son embouchure au pavillon, l'instrument de Bavay était composé de plusieurs tubes reliés et détachables, dont le démontage assurait le transport facile de cet encombrant attirail de musique. D'un genre bien connu par une abondance de sources iconographiques, cette trompette vient augmenter de manière éclatante un corpus aussi rare qu'inégal, comme l'indique Patrice Herbin : «C'est vraiment très nouveau puisqu'on ne connaissait que deux autres exemplaires qui avaient été trouvés au XIXe siècle et restaurés, ce qui veut dire qu'on ne peut plus en faire grand-chose».

Une taille conséquente

Mieux encore, l'instrument découvert paraît être plus grand que la moyenne des trompettes romaines qui avoisinent d'habitude les 180 cm de long, même si le chef de chantier préfère rester prudent à ce sujet. «Il est possible qu'il paraisse plus grand parce que nous avons tous les éléments, alors que les autres ne sont pas complets», s'empresse-t-il de préciser. «Les autres trompettes connues ont été remontées au XIXe siècle», abonde Véronique Beirnaert-Mary, la directrice du Forum antique de Bavay, «il est par conséquent très difficile de savoir si des morceaux n'ont pas été supprimés pour faire des assemblages un petit peu radicaux». Malgré ses grandes proportions, la trompette gallo-romaine de Bavay reste tout de même inscrite dans un ordre de grandeur qui pourrait avoir été tout à fait commun, et qui ne jure finalement qu'avec les quelques rares objets découverts. «Sur la colonne Trajane on a aussi de grandes trompettes, très longues, et qui paraissent un peu disproportionnées», rappelle Véronique Beirnaert-Mary.

Une trompette gallo-romaine découverte au Forum antique de Bavay

Accéder au diaporama (3)

Autrefois entreposé dans un étui - ou avec une lanière - en cuir dont les archéologues n'ont pu retrouver que quelques traces, l'instrument diffère peu des trompettes circulaires et des cors retrouvés sur le site italien de Pompéi. «Il n'y a pas de pistons, il n'y a pas de trous, l'instrument est vraiment assez simple», observe Véronique Beirnaert-Mary. L'objet n'en reste pas moins très habilement réalisé. «Ce sont des instruments assez précieux», indique Patrice Herbin, qui attend beaucoup de la datation au carbone 14 des traces de cuir. Non contente de mieux dater la trompette, celle-ci pourrait en effet mettre en évidence, par la confrontation de l'âge de la trompette avec son contexte archéologique, une éventuelle thésaurisation plus ou moins longue de l'instrument, à la manière des statuettes en bronzes du Forum de Bavay ou de la vaisselle précieuse, par exemple.

Un dépôt votif tardif

Pourquoi a-t-on dédié et entreposé cette trompette ? Sa situation stratigraphique et son enfouissement sous des blocs remployés indiquent clairement un dépôt votif tardif, à une époque où le forum monumental de Bavay est abandonné et sert de carrière à ciel ouvert, notamment pour l'édification d'un réduit fortifié de 2,5 hectares au cours du Bas-Empire et de ses deux enceintes successives. L'identification aux IIIe-IVe siècle ap. J.-C. correspond à une période difficile pour la Gaule romaine et ses cités, un moment où la Pax Romana vacille, où les tissus urbains se rétractent et où l'on érige de nouvelles murailles. «On a quelques éléments qui montrent pour cette époque la présence probable d'une garnison militaire, note Patrice Herbin, qui a découvert, sur le site, de plus en plus d'éléments relatifs à l'armée : des traces de cotte de mailles, de l'armement, des harnachements militaires, des casernements».

Or la trompette était un instrument phare de la panoplie musicale des armées romaines qui lui accordaient une place de choix, avec le cor, pour faire tonner sur le champ de bataille des airs correspondants à des ordres précis. La chose militaire n'était pas pour autant l'unique usage de la trompette. «Elle servait également pour les cérémonies funéraires, pour toutes les cérémonies un peu officielles», rappelle Patrice Herbin. Par extension, l'objet du dépôt votif pourrait être tout à fait multiple : «elle pourrait avoir célébré une installation sur les lieux, un fait d'armes, une cérémonie religieuse, …» énumère l'archéologue, qui estime - selon l'état actuel des fouilles - que le cryptoportique où a été retrouvée la trompette pourrait avoir été un espace domestique sous le Bas-Empire. «Toutes les hypothèses sont ouvertes ; nous sommes vraiment au tout début de l'enquête».

Bientôt confié aux experts parisiens du Centre de recherche et de restauration des musées de France, l'instrument antique devrait faire dans les prochains mois l'objet d'un nettoyage minutieux et d'une étude archéo-métallurgique et musicologique. La trompette retrouvera par la suite, peut-être d'ici 2023, le Forum antique de Bavay et ses collections romaines, au plus grand plaisir de sa directrice. «Il n'y en a pas en Angleterre, il n'y en a pas en Belgique, il n'y en a pas en Allemagne ; on est vraiment sur quelque chose de rare», se réjouit Véronique Beirnaert-Mary. Avec les autres objets exhumés pendant la fouille préventive du forum, et son futur parcours couvert, le musée archéologique se félicite d'ores et déjà d'une découverte «arrivée à point nommé», une poignée d'années seulement avant le nouveau grand chapitre de son histoire.

Une trompette gallo-romaine découverte à Bavay

S'ABONNER
Partager

Partager via :

Plus d'options

S'abonner
8 commentaires
  • Lou Becarut

    le

    @taxibe06: vous n'êtes pas descendant de romain, mais de celtes.

  • machin-choses

    le

    Reste de trouver son propriétaire trompettiste.

  • taxibe06

    le

    Et dire que certains veulent nous arracher à cette histoire dont nous sommes les descendants.

À lire aussi