Exposition

Japon : la photographe Katherine Longly questionne la tyrannie de la minceur en dix témoignages bouleversants

© Katherine Longly

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Par Xavier Ess

Hasard du calendrier, deux expositions sont consacrées à l’identité en Asie du Sud-Est. D’une part, l’expo Who Am I traite de l’autoportrait à travers les images de cinq photographes sud-coréen.ne.s, d’autre part l’expo "Pour dire mes vraies intentions, je veux manger seulement de la brume comme un ermite"(ce titre !) dans la Galerie du Botanique qui traite du rapport à la nourriture dans la société japonaise et singulièrement du corps maltraité des jeunes filles soumises au diktat de la minceur. Un travail photographique collaboratif réalisé par Katherine Longly. Un projet de livre développé en photos, témoignages, objets, collages.

© Katherine Longly

La photographe a fait sept voyages au Japon et y a découvert la violence faites aux corps des jeunes gens, principalement des jeunes filles, pour correspondre à une image normative, au risque de l’exclusion sociale voire professionnelle. Ce tabou de la grosseur – qu’ici on considèrerait comme un poids normal – a, évidemment, des conséquences physiques et mentales : anorexie, angoisse, solitude, boulimie… Mais quelquefois (heureusement) la nourriture sert aussi à recréer du lien.

© Katherine Longly

Sur place, Katherine Longly a longuement interrogé une dizaine de personnes, aux profils et âges variés, souffrant ou non de troubles alimentaires, au sujet du rapport qu’elles entretiennent avec la nourriture et avec leur corps. Ensuite, elle a donné à chaque personne un appareil photo jetable pour illustrer sa relation à l’alimentation. Des photos témoin sans filtres.

© Katherine Longly
©  - Katherine Longly

Les histoires de ces victimes de la police des corps sont bouleversantes par la violence qu’elles et ils se sont imposé.e.s. Ainsi, Rika a dissimulé sa boulimie à tout son entourage pendant plus de vingt ans. Ren a retrouvé l’école où s’est matérialisé son traumatisme lié à la nourriture. Kenichi a été catégorisé " métabo " suite à la mesure de son tour de taille par sa municipalité. Mina raconte comment elle est parvenue à recréer une communication avec une mère disparue en cuisinant avec ses frères. Mais Yuki, souffrant d’anorexie, n’a photographié que des aliments sans calories.

© Katherine Longly

"Petit-déjeuner. 100 calories. Lunch. Ce que ma mère a cuisiné. 800 calories. Dîner. D’habitude je mange du riz et de la viande. Mais la viande est riche en calories, donc j’évite. Seulement du riz et un peu de lait.

Soudainement j’ai évité beaucoup de choses

Petit-déjeuner yaourt : pas de confiture. Lunch : plus de riz, seulement des œufs et des légumes. Dîner : juste une salade sans vinaigrette."

Finalement, je ne pouvais plus rien manger. Seulement boire du café.

Un travail d’une telle intimité ne pouvait que se réaliser dans une collaboration étroite avec chacun.e sur la manière de se dévoiler.

Dans une série de collages créés à partir de publicités et d’articles dans les magazines féminins, Katherine Longly montre l’obsession de la société japonaise pour une jeunesse saine où le surpoids serait une marque de négligence personnelle. Et dans le même temps, dans les villes, l’omniprésence d’une nourriture industrielle aux emballages criards accessible 24 heures sur 24 dans des mini-markets et les distributeurs de sodas aux coins des rues. Une expo qui doit aussi nous interroger sur les injonctions à la minceur dans notre propre société.

© Katherine Longly
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