La chauve-souris : à l'origine d'un animal "diabolique"

La chauve-souris, animal "diabolique" en Occident
La chauve-souris, animal "diabolique" en Occident
La chauve-souris : à l'origine d'un animal "diabolique" - #CulturePrime
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La chauve-souris : à l'origine d'un animal "diabolique"

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Accusée de transporter les coronavirus qui affectent les hommes, la chauve-souris est pourtant un animal positif en Chine où elle est vue comme un symbole de bonne fortune. En Occident, elle est depuis des siècles classée dans la catégories des animaux nuisibles et diabolisée en conséquence.

Animal hybride, invisible en plein jour, c’est le seul mammifère capable de voler. En Chine, la chauve-souris est symbole de bonheur et de longévité  “chauve-souris” se dit “biān fú” et le terme “fú” peut signifier “prospérité”.

Leur longévité, jusqu’à 40 ans, en a aussi fait un ingrédient de choix dans la médecine traditionnelle chinoise, notamment contre l’asthme et les affections rénales. 

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Sa viande est même consommée dans certaines zones tropicales d’Asie et du Pacifique. Grâce à son système immunitaire incroyablement efficace, elle transporte de nombreux virus pathogènes sans être elle-même affectée.  La perturbation de son habitat naturel, son commerce ont déclenché plusieurs épidémies en quelques décennies.

Un "oiseau impur"

Mais en Occident, la chauve-souris est diabolisée justement pour ses caractéristiques hors-norme. Dans la Torah par exemple, la chauve-souris est considérée comme “un oiseau impur à la consommation”.

Son nom vient d’ailleurs de ses mœurs nocturnes, en grec "cawa sorix" signifier la chouette souris. Pour le chiroptérologue Jean-François Julien, “elles occupent un créneau qui est un peu délaissé par les oiseaux. La nuit, c’est un abri contre les regards, les regards des prédateurs, en particulier les oiseaux”.

Mais sa préférence pour les ténèbres et la nuit est perçue comme une malédiction. Ovide raconte que l’une des filles du roi Minyas fut punie et changée en chauve-souris pour avoir refusé de célébrer Dionysos. Son hybridité entre oiseau et mammifère en fait un animal contre-nature et maudit.

Cette hybridité lui confère dans les récits un caractère duplique et fourbe qu’on retrouve dans les fables d’Esope et de La Fontaine. La chauve-souris est considérée comme le double maléfique de l’hirondelle et classée dans le bestiaire satanique par l'Église. Démons, gargouilles et créatures du diable sont affublées de ses ailes sans plumes. 

Responsable de tous les maux

Au Moyen Âge, on prête de nombreux maux à la chauve-souris, elle serait responsable de stérilité, de calvitie et de cécité. On pense aussi qu’elle s’accroche dans la chevelure des femmes. Jusqu’au XIXe siècle, des paysans clouent des chauves-souris sur leur porte pour éloigner le mauvais sort. L'animal ferait d'ailleurs partie de la pharmacopée des sorcières.

Lorsque les Lumières se diffusent en Europe au XVIIIe siècle, la chauve-souris reste un symbole d’obscurantisme et d’ignorance. Au XIXe siècle, des naturalistes européens rapportent des comportements hématophages chez des spécimens d’Amérique du Sud. Des chauves-souris “vampires” qui avaient même inspiré un dieu sanguinaire chez les Mayas : Camazotz. Ces récits de voyage inquiétants et exagérés influencent Bram Stoker dans l’écriture de son roman Dracula, en 1897. L'héritage gothique et obscur de la chauve-souris s’incarne pleinement dans le comte Dracula. 

La peur de la chauve-souris s’atténue dans les années 1940, avec un héros de comics : Batman. Batman incarne un retournement positif de la phobie de la chauve-souris. Le jeune Bruce Wayne parvient à vaincre sa propre peur de l’animal et l’utilise comme une force pour terroriser ses adversaires. Comme la chauve-souris, Batman est insaisissable, indomptable et incorruptible.

En quelques décennies, les populations de chauves-souris ont été décimées par les pesticides, la déforestation, l’étalement urbain. Son rôle vital au sein de la biodiversité est mis en avant. Mangeuse de nuisibles, elle régule les populations de moustiques et pollinisent les fruits et les fleurs. Mais elle continue de souffrir d’une mauvaise réputation.

Grâce à son système immunitaire incroyablement efficace, elle transporte de nombreux virus pathogènes sans être elle-même affectée. Mais la perturbation de son habitat naturel et son commerce ont déclenché plusieurs épidémies en quelques décennies.

La Méthode scientifique
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