Pourquoi les assureurs ne paieront pas les pertes d’exploitation du coronavirus ?

Pourquoi les assureurs ne paieront pas les pertes d’exploitation du coronavirus ?

Le pactole caché des assureurs !

C’est celui que pointe du doigt le gouvernement dans la crise sanitaire mondiale. Après-tout, les assureurs ne sont-ils pas les professionnels du risque ? Ont-ils failli à leur mission ? Vont-ils remettre l’économie d’aplomb ?

En tout état de cause, la participation des assureurs à l’effort du coronavirus devrait être faible, tout simplement car les assureurs n’ont pas provisionné pour ce risque. S’il avait fallu le faire, cela aurait été via un contrat complexe à tarifer et à commercialiser ou via un fonds de garantie spécifique. Combien de chefs d’entreprise auraient souscrit un contrat pour interruption d’activité à la suite d’une pandémie que nous n’avions pas connue sur plusieurs générations ?

Enfin, jamais les assureurs ne seront en mesure de proposer une couverture sur les pertes d’exploitation aux entreprises d’un pays mis à l’arrêt. C’est un risque impossible à mutualiser car trop systémique...


Parlons un peu mathématiques,

Il y a 4,7 millions d’entreprises en France. Pour la partie dommages aux entreprises, les assureurs ont collecté 7,9 milliards d’euros en 2018 soit 1680€ par entreprise en moyenne.

Lorsque les assureurs ont payé les sinistres et toutes les charges inhérentes à la gestion du contrat, il ressort un ratio combiné de 95%. La rentabilité de l’assureur est donc de 5% soit peu ou prou, 245 millions d’euros. Ce n’est pas avec cette somme que les assureurs pourront indemniser les pertes d’exploitation. (Source des chiffres : FFA - données clés)

Il faut comprendre que si l’assureur décide de s’engager sur un risque qu’il ne peut couvrir seul, il va s’aider des Réassureurs : les assureurs des assureurs. Des traités de réassurance sont rédigés en vue d’intervenir si la rentabilité technique n’est pas atteinte sur un risque bien défini. Ils permettent par exemple de couvrir des risques comme la catastrophe naturelle sans compromettre la survie des assureurs en cas de catastrophe de forte intensité. Les réassureurs essuient les pertes techniques des assureurs. Ici, comme l’assureur ne couvre pas la pandémie, il n’y a pas de traité de réassurance.

Imaginons que l’Etat obtienne des assureurs que des fonds soient débloqués pour les entreprises ayant souscrit une assurance perte d’exploitation. Celle-ci ne couvrant jamais la pandémie, l’Etat pourrait demander à l’assureur de déroger.

Mais les assureurs ne pourront pas faire de miracle ni se mettre excessivement en perte sans vérifier si le réassureur est prêt à les suivre. Mais pourquoi les réassureurs suivraient ? Ces entreprises sont souvent à l’étranger et n’ont qu’un lien contractuel avec l’assureur, nous ne pourrons solliciter leur patriotisme économique ! Si un réassureur accepte d’éponger les pertes techniques des assureurs sur le marché Français, nul doute que les assureurs du monde entier leur demanderont la même chose. Cette piste semble très limitée.


Mais quid des fonds de catastrophe naturelle ?

La pandémie n’est pas une catastrophe naturelle. Donc ces fonds ne sont pas du tout calibrés pour une perte d’exploitation des entreprises à l’échelle du territoire national. 664 millions d’euros collectés auprès des entreprises en 2018. Ces fonds servent initialement à indemniser un dommage et jamais une perte d’exploitation. Ils seront utiles si des inondations ou tempêtes se produisent dans le courant de l’année mais ne seront pas mobilisables dans ce contexte.


Comment les assureurs peuvent-ils aider ?

Deux pistes de réflexion :


  • Soit en intervenant sur les cotisations, en les réduisant significativement pendant la période ou en les suspendant.
  • Autre option, mesurer l’impact positif sur les sinistres de l’arrêt de l’activité. L’absence de circulation, le confinement et l’arrêt de l’activité va permettre de diminuer fortement la sinistralité sur une durée indéterminée. Les assureurs pourraient essayer d’estimer le profit réalisé sur cette période et le mettre à contribution pour renflouer les pertes de la branche perte d’exploitation qui seront faites sur 2020. Si l’idée semble morale, elle reste saugrenue et complexe à mettre en place. D’autant que nous ne connaissons pas encore la durée du confinement ni l’impact exact sur la sinistralité.


Enfin, l’assureur ne pourra pas faire de miracle alors même que le crash financier vient peut-être de dégrader certains de ses actifs et donc ses ratios de solvabilité. De ce point de vue-là, les mesures prises sur la protection des dettes privées étaient indispensables et les assureurs sont peu exposés aux actions (4% de leur bilan en 2016).


La plupart des chiffres cités sont issus de la Fédération Française de l’assurance : https://www.ffa-assurance.fr/etudes-et-chiffres-cles/assurance-francaise-donnees-cles-2018

Cédric KOSLOWSKI

Responsable Applications Finance

3y

Je pense qu'à l'instar d'autres secteurs comme la banque le secteur de l'assurance s'est fortement mobilisé tant humainement que financièrement. Pourquoi je cite la banque : car elle continue de fonctionner, va accorder des crédits sans risque car garantis par l'état (et donc percevoir des intérêts). Certes le PNB va un peu baisser mais le secteur continue de fonctionner, sans réinjecter autour de 5 milliards dans l’économie comme le fait le secteur assurantiel par solidarité. Nous sommes dans un pays ou "tout va bien" et ou depuis plus de 100 ans aucun risque de ce type ne s'est réalisé. De nouvelle garanties vont apparaître, les produits vont évoluer très certainement. Il faut garder à l'esprit qu'en assurance, on a ce que l'on paye, et que nous sommes souvent tenté d'aller au moins cher... Une fois ce nouveau risque tarifé, je ne suis pas sur que les professionnels le souscrive car il sera optionnel et coûteux, (à vue de nez cela impactera fortement la partie de la prime correspondant à la perte d'exploitation, avec des franchises classiques à 15/ 30/ 60 ou 90 jours). Enfin tout le monde raisonne en instantané, et je pense, mais cela n'engage que moi, qu'il faudra mesurer les impacts sur une année compète une fois écoulée.

LUC MORON

Inspecteur Régleur Bâtiment chez Matmut

3y

Bien sûr que les assureurs ne pourront couvrir les pertes d'exploitation des entreprises. Autre chose, un assureur est une entreprise privée: à quel titre une entreprise privée devrait venir en aide à la collectivité ? et en aide à un gouvernement qui a failli ? Alors dans ce cas, le gouvernement appuyé par les merdias mainstream devraient demander à LVMH, LAGARDERE,... de payer les pertes d'exploitation des entreprises. Mutualisation des pertes mais jamais des profits, où va-t-on ?.

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(Partie 2)  L’article est très bien construit et je comprends que si tout le monde veut être indemnisé, ça va poser de graves problèmes pour tous les gens qui vivent de l’assurance. Tout le monde défend sa paroisse, c’est normal à vrai dire.  Par contre effectivement comme ça a été dit dans les commentaires, il y a le contexte financier et il y a le contexte moral, humain. Dans cette situation inédite, on se rend compte des limites de nos contrats et que l’humain reste secondaire.  Oui, on va taper sur les assureurs car ça sera facile et ça nous donnera un sentiment temporaire de justice.  Je lisais que le coup de bâton va être rude, il va l’être. Des groupes d’indépendants se créent sur FB. Je ne lis rien qui apaise l’hostilité envers les assureurs. Cela promet un départ massif après cette crise et surement une double peine pour la finance des assureurs. L’histoire pouvait consolider la confiance donnée aux assureurs lors de nos signatures, elle n’aura fait que la dilapider.  Pour l’assurance, le pire est peut-être devant vous …

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(Partie 1) C’est un article intéressant qui permet de comprendre la situation des assureurs. Je suis indépendant (Osteopathe) et j’ai fermé mon cabinet pour la santé des patients. Je n’ai pas été obligé de le faire administrativement. Les aides promises par l’Etat sont des effets d’annonces. Il faut soit, avoir eu l’obligation de fermer son cabinet soit avoir perdu plus de 70% de son CA par rapport à Mars 2019. Cela permet d’avoir une aide compensatrice allant jusqu’à 1500€. On a fermé le 16 Mars (…). Qui fait moins de 30% de son CA au 16 Mars ? A part ceux qui sont partie en vacances, je ne vois pas… Donc, peu rentre dans les cases.  Les 200 M des assureurs est un geste fort. Ce geste va dans un fond dont peu d’indépendants pourront bénéficier. Pour ma part, effet d’annonce des assureurs aussi.  Nous avons cette sensation d’être lâchés de toute part, un par l’Etat et deux par nos contrats de prévoyance. Exemple, en début de crise, mon assureur m’a parlé d’une possibilité de prise en charge si arrêt-maladie pour garde d’enfant puis ça a changé pour finalement ne plus être pris en charge (…).  Rien qui rentre, tout le monde se défile. Je suis en colère.

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