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Accueil/ Actualités - La Quotidienne/ Immobilier/ Responsabilité des constructeurs

La garantie décennale s’étend au préjudice économique de jouissance consécutif à un désordre de nature décennal

Le préjudice économique de jouissance consécutif à des désordres rendant l’ouvrage impropre à sa destination entre dans le champ du dommage réparable au titre de la garantie décennale de l’article 1792 du Code civil.

Cass. 3e civ. 13-7-2022 n° 21-13.567 F-D, M. c/ Sté mutuelles d’assurance du bâtiment et des travaux publics


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©Gettyimages

Des travaux de gros œuvre et de toiture sont confiés à une entreprise qui abandonne le chantier. Le maître de l’ouvrage lui réclame, ainsi qu’à son assureur, l’indemnisation de ses préjudices économique et moral.

La cour d’appel écarte la garantie de l’assureur en relevant qu’elle ne couvrait pas les préjudices immatériels. Sur ce point, l’arrêt est cassé car la cour d’appel avait relevé un moyen d’office sans avoir invité les parties à présenter leurs observations.

La cour d’appel rejette l’ensemble de la demande au fond, qui était fondée sur la garantie décennale. Elle relève qu’en application de l’article 1792 du Code civil le maître de l’ouvrage ne peut pas prétendre, au titre des désordres, à l’indemnisation des préjudices économiques invoqués, dès lors que ceux-ci, générés par le non-achèvement de l’ouvrage, relèvent de la responsabilité contractuelle de droit commun. Elle ajoute, en se fondant sur l’ancien article 1150 du Code civil, que le préjudice de jouissance lié à la non-perception des loyers en raison de l’abandon de chantier n’est pas entré dans le champ contractuel, dès lors que le défaut de perception des loyers n’était pas prévisible au moment de la conclusion de la convention. La cour d’appel retient que la finalité locative de l’ouvrage n’était mentionnée dans aucun document contractuel.

Cassation. Sur la portée de l’article 1792 du Code civil, l’arrêt censure la cour d’appel en retenant qu’elle avait relevé que les désordres affectant l’ouvrage non achevé rendaient celui-ci impropre à sa destination, de sorte que le préjudice économique de jouissance était consécutif à ces désordres.

Sur le caractère non prévisible des pertes de loyers, l’arrêt d’appel est censuré au motif qu’un entrepreneur chargé de la construction d’un ouvrage peut prévoir, lors de la formation du contrat, que le maître de l’ouvrage en jouira après son exécution, lui-même ou en le louant.

A noter :

Encore un arrêt qui aurait mérité la publication, au moins sur la portée de l’article 1792 du Code civil. La cour d’appel ne pouvait pas soulever d’office le moyen tiré de la limitation de garantie de l’assureur sans violer l’article 16 du Code de procédure civile. Par ailleurs, par application de l’article 1231-3 du Code civil (anciennement C. civ. art. 1150), le préjudice lié à la jouissance directe ou par location est manifestement dans le champ prévisible du contrat de construction lorsqu’il est conclu.

En revanche, la question de savoir si le préjudice économique entrait dans le champ de l’article 1792 du Code civil, alors que le chantier a été abandonné, mérite réflexion. La garantie décennale est encourue lorsque l’ouvrage est impropre à sa destination et la réparation doit être intégrale et couvrir tous les préjudices, dont le préjudice économique. L’impropriété de l’ouvrage à sa destination est généralement caractérisée en cas d’abandon de chantier. Mais cela ne suffit pas à justifier l’application de l’article 1792. Il faut qu’il y ait une réception. La réception peut être expresse, mais l’arrêt n’en dit rien, ou être tacite. Il faut, dans ce dernier cas, une volonté caractérisée du maître de l’ouvrage de recevoir les travaux, à défaut de quoi la réception ne peut pas être retenue (Cass. 3e civ. 5-3-2020 n° 19-13.024 FS-D : BPIM 3/20 inf. 197). Y a-t-il eu un accord sur l’existence d’une réception dans ce litige ou la condition de la réception n’est-elle plus nécessaire en cas d’abandon de chantier ? Il faut reconnaître que cette question méritait une réponse ou au moins une piste…

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© Editions Francis Lefebvre - La Quotidienne