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Les cellules d'écoute sur les violences sexistes et sexuelles dans les partis sont-elles efficaces?

Adrien Quatennens, Taha Bouhafs, Julien Bayou... depuis quelques semaines, des affaires de violences sexistes et sexuelles font la une de l'actualité à gauche. Ces partis ont mis en place des cellules d'écoutes qui semblent voir ces cas passer entre les mailles du filet. Enquête sur l'efficacité de ces cellules, à la fois pas en avant dans la lutte contre les violences et limitées par leur statut interne aux partis.

"Tout le monde peut faire mieux, moi aussi". Telle est la première réaction de Jean-Luc Mélenchon, samedi soir sur France 2, après la polémique sur son tweet dans l'affaire Quatennens. Il a expliqué ne pas "avoir voulu se mêler" du divorce de ses amis et déclare "accepter les critiques".

Mais le chef de fil de la France Insoumise n'a pas parlé du "comité de suivi contre les violences sexistes et sexuelles" mis en place par son mouvement. Pourtant, cette cellule d'écoute n'a pas été utile dans cette affaire. Chez Europe Ecologie les Verts, une même cellule a été mise en place mais Julien Bayou, accusé de violences psychologiques par une ex-compagne, n'y a jamais été entendu.

"On ne peut pas être juge et partie"

Ce samedi, la ministre déléguée à l’Egalité entre les femmes et les hommes, Isabelle Rome, s'en est prise à ces cellules qui "étouffent la parole des victimes" et estime qu'elles sont "inopérantes". Pourtant, la mise en place de ces structures a été un vrai pas en avant pour mieux lutter contre les VSS. Aujourd'hui, elles semblent malgré tout confrontées à certaines limites.

Pour Mathilde, militante féministe proche de la France insoumise, ces cellules sont indispensables pour libérer la parole, "de la même manière que dans une entreprise, on est obligé de remonter et d'avoir une enquête interne s'il y a un signalement, c'est nécessaire d'avoir une cellule dédiée à chaque mouvement." Mais elle estime que ces cellules ne sont pas assez indépendantes pour bien fonctionner:

"Cette cellule doit-elle être interne? C'est cela que l'on doit questionner. On ne peut pas être juge et partie. Il va y avoir des questions d'affects, ça va mettre des gens en porte à faux. Il est nécessaire que chaque structure ait une cellule avec le maximum de neutralité possible et forcément ça veut dire externaliser."

Les cellules recueillent des informations mais n'ont pas d'obligation légale ensuite à en aviser un procureur car "il n'y a pas d'obligation judiciaire mis à part la non-dénonciation de crime qui est un délit. C'est la seule limite légale qui existe" explique Nelly Bertrand, juge et secrétaire nationale du syndicat de la magistrature qui considère que c'est "aux partis de déterminer ou non, pour des raisons qui leur sont propres, des règles claires."

"Nous ne nous substituons pas la justice mais il y a des femmes qui demandent à pouvoir militer en toute sérénité, notre travail, notre devoir, c'est de leur permettre ça", avait aussi expliqué cette semaine la députée écologiste Sandra Regol.

Même analyse chez Osez le féminisme. Invitée de la Matinale week-end, sa porte parole Céline Piques estime que "les cellules d'écoutes n'ont pas à se substituer à la justice" et que "tous les partis doivent se remettre en cause sur leur façon d'aborder les violences conjugales et balayer devant leur porte."

Vers une structure transpartisane?

Pour régler ce problème, l'observatoire des violences sexuelles et sexistes en politique demande au gouvernement la création d'une structure transpartisane qui lutte contre ces violences. "On a su le faire pour la transparence financière il y a quelques années avec l'affaire Cahuzac. On pense que les violences faites aux femmes ne sont pas un problème de moindre importance qu'avoir un compte en Suisse", explique Fiona Texeire, cofondatrice de cet observatoire.

"Il est temps d'avoir une réponse concertée et de haut niveau. Il y a une réponse immédiate qui peut être apportée: la formation de l'ensemble des élus à ces questions et des mesures par la loi comme l'extension des compétences de la haute autorité de transparence de la vie publique qui pourrait devenir compétente sur les sujets de violences sexistes et sexuelles."

Si, à gauche, toutes les formations ont une cellule d'écoute, Renaissance, la République en Marche, le Rassemblement national ou Reconquête n'en ont aucune. Les Républicains ne disposent pas de cellule d'enquête contre les violences sexistes et sexuelles, le patron des sénateurs LR Bruno Retailleau se dit prêt à réfléchir à la question. Ses adversaires à la présidence du parti Eric Ciotti et Aurélien Pradié n'y sont pas favorables

Mahauld Becker-Granier (avec MM)