Le standard Passivhaus écrase les coûts d’exploitation des bâtiments

Face à l’explosion des prix des énergies, les bâtiments certifiés passif, aussi bien en construction neuve qu’en rénovation, affichent des coûts d’exploitation remarquablement réduits. Les Maîtres d’Ouvrage publics le remarquent.

Le Hangar 108, livré à Rouen Métropole en 2017 par l'architecte Jacques Ferrier est à la fois certifié passif et Bepos. Il porte en effet 2000 m² de panneaux photovoltaïques. Le chauffage et le rafraîchissement sont assurés par deux thermo-frigo-pompes eau glycolée/eau, raccordées à 35 sondes géothermiques.
Pascal Poggi pour Batimédia

Le Hangar 108, livré à Rouen Métropole en 2017 par l’architecte Jacques Ferrier est à la fois certifié passif et Bepos. Il porte en effet 2000 m² de panneaux photovoltaïques. Le chauffage et le rafraîchissement sont assurés par deux thermo-frigo-pompes eau glycolée/eau, raccordées à 35 sondes géothermiques. Le bâtiment utilise simultanément la production de chaleur et d’eau glacée de ces deux thermo-frigo-pompes. Sa consommation de chauffage est < 15 kWhep/m².an et sa consommation d’énergie totales demeure < 111 kWhep/m².an. doc. PP

Longtemps, les Maîtres d’Ouvrage ont investi dans un bâtiment neuf ou rénové certifié passif en raison de sa vertitude et de son confort. En maison individuelle, la plupart des ménages étaient des pionniers, convaincus de la nécessité de préserver l’environnement. Et le passif, avec ses consommations de chauffage et de rafraîchissement < 15 kWh/m².an et des besoins d’énergie primaire annuels totaux, électroménager et éclairage inclus, < 120 KWh/m².an, illustrait parfaitement ce point.

Construite à Gosné (35) près de Rennes en décembre 2012, cette maison de 146 m² SHON limite ses besoins de chauffage à 7 kWh/m².an. Son coût de construction (valeur 2012) est de seulement 2200 €/m². Elle a consommé 29 333 kWh d’électricité en 10 ans, soit une dépense totale de 5 587 €. doc. GF Architecture
Pascal Poggi pour Batimédia

Lors du congrès Passibat’, organisée par La Maison du Passif, les 28 et 29 Mars dernier au Pavillon Baltard à Nogent-sur-Marne, Gwenn Flachot, de GF Architecture, a présenté 10 ans de retour d’expérience dans une maison passive, sans chauffage actif, ni climatisation. Construite à Gosné (35) près de Rennes en décembre 2012, cette maison de 146 m² SHON limite ses besoins de chauffage à 7 kWh/m².an. Son coût de construction (valeur 2012) est de seulement 2200 €/m². Elle a consommé 29 333 kWh d’électricité en 10 ans, soit une dépense totale de 5 587 €. Autrement dit, une dépense moyenne annuelle de 3,83 € TTC/m².an pour l’énergie, tous usages confondus, sauf la cuisine, équipée de bouteilles de propane. Qui dit mieux ? Le passif écrase les coûts d’exploitation ! doc. GF Architecture

Et, si les concepteurs réfléchissent bien, la construction au standard passif ne coûte pas plus cher que la construction respectant les règlementations en vigueur : RT2012, RE2020, etc.

 Prudente, l’Association La Maison du Passif https://www.lamaisonpassive.fr/ indique un surcoût de construction moyen de 0 à 10% et une dépense énergétique annuelle deux à trois fois inférieure à celle d’un bâtiment conforme à la RE2020. Avec l’augmentation du prix des énergies, le surcoût de construction, lorsqu’il existe, est amorti de plus en plus rapidement, soit en moins de 5 ans.

Le passif s’est étendu aux bâtiments tertiaires, notamment au tertiaire public. Certains Maîtres d’Ouvrage publics sont convaincus des avantages du standard passif.

Le bâtiment réhabilité, agrandi de 500 m² sur sa façade Est, a été livré en Mai 2019 et labellisé « Enerphit Passivhaus – bâtiment passif en rénovation ». En un an d’exploitation, la consommation du bâtiment pour le chauffage a été inférieure à 25 kWhep/m².an. Le coût total des travaux a atteint 5 M€ H.T. doc. Conseil Général de la Loire
Pascal Poggi pur Batimédia
Le bâtiment réhabilité, agrandi de 500 m² sur sa façade Est, a été livré en Mai 2019 et labellisé « Enerphit Passivhaus – bâtiment passif en rénovation ». En un an d’exploitation, la consommation du bâtiment pour le chauffage a été inférieure à 25 kWhep/m².an. Le coût total des travaux a atteint 5 M€ H.T. doc. Conseil Général de la Loire
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En 2019, le Conseil Général de la Loire a installé deux de ses services à Saint-Etienne dans un bâtiment de 5 075 m², construit en 1962. Sous la conduite de l’Atelier d’Architecture Rivat, architecte mandataire, avec l’Atelier des Vergers comme architecte associé, les études pour une réhabilitation au standard Passivhaus ont commencé en 2016. Le bâtiment réhabilité, agrandi de 500 m² sur sa façade Est, a été livré en Mai 2019 et labellisé « Enerphit Passivhaus – bâtiment passif en rénovation ». En un an d’exploitation, la consommation du bâtiment pour le chauffage a été inférieure à 25 kWhep/m².an. Le coût total des travaux a atteint 5 M€ H.T. doc. Conseil Général de la Loire

Le Val-de-Marne construit et rénove en passif

De son côté, le département du Val-de-Marne en Île-de-France a décidé de toujours construire et rénover au standard Passivhaus. Outre le désir de protéger la planète et de bien faire pour les générations à venir, le Conseil Général est poussé par une considération bien plus terre-à-terre. Les factures d’énergies pour l’ensemble des bâtiments (collèges, crèches, etc.) appartenant au département s’élevaient à 13 M € TTC en 2019. Avec l’augmentation des coûts des énergies, les prévisions atteignent à 35 M € TTC pour l’année 2023. Soit une multiplication par presque trois en 4 ans. Continuer sur cette lancée n’est pas soutenable.

Au-delà de la vertitude des bâtiments certifiés passif, ce qui motive le Conseil Général du Val-de-Marne, c’est leur sobriété, gage de faibles coûts d’exploitation.

L’exemple du Collège Samuel-Paty à Valenton

Du coup, le Département du Val-de-Marne a également modifié ses habitudes de commande. Pour ses bâtiments neufs, il utilise désormais la formule du marché global de performance, soit un marché en conception-réalisation-exploitation-maintenance, qui permet de sécuriser le résultat, puisque le marché comporte un engagement de performance.

Associé à Maître Cube http://www.maitrecube.fr/, premier opérateur national de construction bois, l’Agence d’architectes Archipente https://www.archipente.com/, au sein d’un groupement de conception-construction-exploitation-maintenance, a conçu le collège Samuel-Paty de Valenton. Outre Archipente, ce groupement dirigé par Maître Cube, rassemble Enertech (BE thermique), Betrec IG (structure), Tribu (calculs environnementaux) et Omnibus (paysagiste).

Ce sera le premier collège certifié passif en France et le premier construit en structure bois en Île-de-France. Il est aussi certifié HQE niveau Excellent et E4C1. Doc. Nicolas Trouillard
Pascal Poggi pour Batimédia

Ce sera le premier collège certifié passif en France et le premier construit en structure bois en Île-de-France. Il est aussi certifié HQE niveau Excellent et E4C1. Doc. Nicolas Trouillard

Engie Axima assure l’exploitation-maintenance dans le cadre du groupement jusqu’en 2024. Soit deux ans pour vérifier que les consommations prévues ne sont pas dépassées : 15 kWhEP pour le chauffage et, en ce qui concerne le confort d’été, aucun jour avec une température intérieure > 25°C. Le calcul selon le PHPP – l’applicatif Excel qui sert au calcul des bâtiments passifs – indique 12,2 kWhEP/m².an de consommation de chauffage, une puissance installée pour le chauffage de 10 W/m² et une consommation globale d’énergie, tous usages confondus, de 73,6 kWh.

A l’issue de ces deux années, le collège et son exploitation-maintenance seront transféré au département du Val-de-Marne.

D’une surface de 8 500 m², le collège accueillera 750 élèves. Il composé de trois bâtiments, dont la structure est identique : un socle en béton et deux étages en poteaux-poutres bois.

Les façades non-porteuses sont en murs à ossature bois, habillés de panneaux de fibrociment (Equitone) gris clair. Elles ont été préfabriquées par Meha Charpente, l’entité Île-de-France de Maître Cube qui est en réalité un rassemblement de charpentiers, puis livrées sur chantier par panneaux verticaux comprenant deux niveaux. Doc. Nicolas Trouillard/Maître Cube
Pascal Poggi pour Batimédia

Les façades non-porteuses sont en murs à ossature bois, habillés de panneaux de fibrociment (Equitone) gris clair. Elles ont été préfabriquées par Meha Charpente, l’entité Île-de-France de Maître Cube qui est en réalité un rassemblement de charpentiers, puis livrées sur chantier par panneaux verticaux comprenant deux niveaux. Doc. Nicolas Trouillard/Maître Cube

Pascal Poggi pour Batimédia
Des mantilles en acier laqué, qui font office de brise-soleil, sont apposées devant les escaliers et les espaces atypiques (CDI, gymnase), afin de créer des ambiances lumineuses variées, dont la cinétique est commandée par les heures de la journée et l’ensoleillement. Doc. Nicolas Trouillard
Pascal Poggi pour Batimédia

Des mantilles en acier laqué, qui font office de brise-soleil, sont apposées devant les escaliers et les espaces atypiques (CDI, gymnase), afin de créer des ambiances lumineuses variées, dont la cinétique est commandée par les heures de la journée et l’ensoleillement. Doc. Nicolas Trouillard

L’abondance de lumière est obtenue par des bandes continues de triple vitrage enchâssé dans des menuiseries mixtes en bois-aluminium. Plus d’une centaine de lumiduc Solartube éclairent naturellement les circulations centrales et le fond des salles. Doc. Maître Cube
Pascal Poggi pour Batimédia

L’abondance de lumière est obtenue par des bandes continues de triple vitrage enchâssé dans des menuiseries mixtes en bois-aluminium. Plus d’une centaine de lumiduc Solartube éclairent naturellement les circulations centrales et le fond des salles. Doc. Maître Cube

Compromis et anticipations

Pour parvenir à construire un bâtiment passif à un coût raisonnable – 19 M€ HT de coûts de travaux, soit 2 235 € HT/m² -, tout en tenant compte des conditions particulières du site – survol par des avions atterrissant ou décollant d’Orly toutes les 4 minutes, voie routière très passante à proximité immédiate, … – Archipente a passé deux fois 3 mois sur la conception du bâtiment. Les architectes ont réalisé 16 études d’ensoleillement héliodon et 16 plans masse différents avant de parvenir à l’implantation définitive.

Comme le souligne Edouard Molard, architecte associé et co-gérant d’Archipente : « Aucun refend ne contrarie le principe du plan libre des bâtiments, qui offre la possibilité de modifier le cloisonnement en fonction l’évolution des besoins ». doc. Archipente
Pascal Poggi pour Batimédia

Comme le souligne Edouard Molard, architecte associé et co-gérant d’Archipente : « Aucun refend ne contrarie le principe du plan libre des bâtiments, qui offre la possibilité de modifier le cloisonnement en fonction l’évolution des besoins ». doc. Archipente

Archipente a également déployé son concept de « trame active » dans ce bâtiment. Sur les trois niveaux des bâtiments, de part et d’autre des circulations, une longue gaine ou plutôt un long placard de 65 cm de large, non-cloisonné, distribue les fluides : électricité, ventilation, fibre, etc.

Comme l’explique Edouard Molard, « cette stratégie permet de gérer plus simplement l’encombrement de la ventilation double flux, de réduire la hauteur de plénum des faux plafonds et d’autoriser l’accès aux éléments techniques depuis les couloirs, sans perturber les cours ». Si cette gaine est vide à un endroit particulier, elle devient un placard accessible depuis la salle de classe.

Les planchers sont en bois-béton collaborant pour une protection acoustique, notamment contre les bruits de choc. Doc. Archipente
Pascal Poggi pour Batimédia

Les planchers sont en bois-béton collaborant pour une protection acoustique, notamment contre les bruits de choc. Doc. Archipente

Les CTA double-flux Swegon à récupération de chaleur et les principales gaines de reprise et de distribution d’air se trouvent dans les combles techniques, sous les pans de toiture en pente. Doc. Archipente
Pascal Poggi pour Batimédia

Les CTA double-flux Swegon à récupération de chaleur et les principales gaines de reprise et de distribution d’air se trouvent dans les combles techniques, sous les pans de toiture en pente. Doc. Archipente

De son côté, le département du Val-de-Marne, Maître d’Ouvrage, a accepté de modifier l’organisation architecturale du collège par rapport à l’habitude : pas de hall monumental, par exemple, pour favoriser la compacité du bâtiment et réduire ses consommations d’énergie.

Archipente, pour sa part, a soigneusement prévu des pans de toiture en pente, bien exposés au sud, destinés à recevoir des panneaux photovoltaïques. Leur installation est en cours et le département du Val-de-Marne estime que la production d’électricité sur site couvrira 70% des besoins d’électricité du collège. Doc. Archipente
Pascal Poggi pour Batimédia

Archipente, pour sa part, a soigneusement prévu des pans de toiture en pente, bien exposés au sud, destinés à recevoir des panneaux photovoltaïques. Leur installation est en cours et le département du Val-de-Marne estime que la production d’électricité sur site couvrira 70% des besoins d’électricité du collège. Doc. Archipente

Le département envisage d’ailleurs d’installer du photovoltaïque sur tous ses bâtiments qui s’y prêtent et devenir le plus important producteur public d’électricité photovoltaïque en France.

La solution du Val-de-Marne pour surmonter l’augmentation des coûts des énergies consiste donc, premièrement, à construire et à rénover au standard Passivhaus pour réduire très fortement les consommations d’énergie, puis à installer autant de photovoltaïque que possible sur ses bâtiments pour couvrir la plus grosse partie des consommations d’énergie résiduelles.