"Nous sommes dans une situation où toutes les entreprises naviguent à vue sur leur stratégie, leur façon de travailler, leur process. La capacité à faire face rapidement au changement est cruciale en ce moment", avance Dany El Jallad. Pour ce directeur au sein du cabinet de recrutement Robert Half, la recherche de candidats agiles, flexibles et adaptables ne date pourtant pas d'hier. A la fois qualité et compétence, l'adaptabilité est LA soft skill du moment… depuis un moment. Ce ne sont pas les salariés de PayFit qui diront le contraire. Passée en trois ans de 20 à 500 collaborateurs, cette start-up en hypercroissance redéfinit de façon récurrente le rôle de ses employés à l'aune de ses perpétuelles réorganisations.

"Notre équipe commerciale a changé deux fois de logiciel CRM (gestion de relation client) en six mois pour suivre notre croissance. Des managers ont vu leur équipe doubler en quelques semaines", illustre Amandine Braillard, directrice des ressources humaines. Un environnement très mouvant que les salariés doivent intégrer. "Pour que ça marche, il faut créer en interne les conditions de l'agilité, prévient Florent Lothon, expert en méthodes agiles et management d'équipe. Pour cela, il faut désigner des “sponsors” dans l'organisation. Par exemple, un membre de la direction, des chefs et cheffes de service, chargés de soutenir la démarche." Un préalable que la future licorne a bien anticipé. Tous ses managers suivent en effet dès leur recrutement une formation complète de cinq jours autour du changement… et de la connaissance de soi.

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Evaluez vos aptitudes cognitives

"Dans une start-up, vous baignez dans une culture apprenante qui vous aide et vous pousse au mouvement. Dans un environnement moins agile, vous devrez davantage vous appuyer sur la connaissance que vous avez de vous-même pour vous adapter aux circonstances", rappelle Jean-Christophe Walter, coach et fondateur du cabinet EQuanimité Conseil Accordeur de soi. Comment faire? Alexandra Didry, directrice R & D chez PerformanSe, nous met sur la voie: "L'adaptation, c'est le volet comportemental d'une aptitude cognitive, la flexibilité mentale."

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Pour évaluer cette aptitude, la docteure en psychologie sociale préconise l'identification de trois freins: "La difficulté à lâcher prise, le souci du regard des autres et enfin la peur de la critique." Si vous n'avez aucune difficulté à mettre un point final à un travail, quitte à ce qu'il ne soit pas absolument parfait, monter sur scène pour chanter My Way devant vos amis ou sortir en short sur l'esplanade de la Défense, il y a de fortes chances que vous soyiez "adaptable".

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Poussez plus loin votre réflexion en repérant ce que Christophe Deval nomme vos "deux ou trois peaux de banane". A savoir: êtes-vous plutôt pessimiste, critique, enthousiaste, naïf, confiant ? Pour ce spécialiste en thérapies comportementales et cognitives, il faut évaluer ses propres réactions dans un contexte donné : lorsqu'un changement survient dans votre environnement professionnel, avez-vous la tentation de préserver votre point de vue ? Ou est-ce que votre première pensée, c'est plutôt "il faut que ça marche"? "Le premier réflexe auquel il faut résister est la réticence, explique le coach. Ne vous dites pas: “Mon environnement change, je n'y arriverai pas.” Demandez-vous plutôt ce qui ne change pas et ce que vous savez déjà faire pour répondre à la demande. Evaluez ensuite ce qui vous manque et quelles ressources vous devrez mettre en œuvre pour y parvenir."

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Inhibez vos émotions négatives

Surtout, ne pas céder à ses premières émotions lorsqu'elles s'apparentent à la colère et à la révolte. "Lorsque survient un changement, il faut être en mesure de bloquer sa nature. Si votre tendance naturelle est au pessimisme ou au cynisme, il faut être assez rusé pour les inhiber de façon à ne pas se saboter soi-même", prévient Alexandra Didry. Concrètement, cela se traduit d'abord par un effort sur le vocabulaire employé. Evitez la négation et la critique; aux "mais" et autres "ce n'est pas clair", préférez le "et", inclusif, le "comment", pragmatique, et le "dans quel but", qui vous situe dans l'action.

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Bref, ne faites pas état de l'intégralité de vos pensées mais servez-vous-en. "En cas de bouleversement des règles du jeu dans votre job, l'enjeu n'est pas de nier vos émotions mais de les écouter. Celles-ci sont la plupart du temps fonctionnelles et utiles", rappelle Christophe Haag, professeur en comportement organisationnel à l'EMLyon Business School.

Modifiez vos process

S'adapter, c'est aussi… jouer. "Reconsidérez sous un autre angle les sujets que vous traitez au travail : faites-le à plusieurs, en changeant de cadre ou de lieu", conseille Alexandra Didry. Le confinement est l'occasion d'échanger sur votre travail avec un regard neuf, via messageries et groupes de tchat ! En temps normal, Fabien, manager d'une grande collectivité locale, entraîne chaque mois son équipe de direction à tenir sa réunion hors les murs. Dans la cuisine centrale d'un collège, dans la salle de pause des agents d'un gymnase… Chaque fois, dans un lieu administré par la collectivité qu'ils gèrent ensemble, afin de permettre aux managers de discuter avec les agents de terrain. En délogeant la hiérarchie de sa tour d'ivoire, le responsable bouscule son mode de fonctionnement et ses modes de pensée.

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"S'adapter, c'est sortir d'une habitude qui utilise les mêmes processus et arrive toujours au même résultat", note Rébecca Prévost, psychologue du travail et coach en entreprise. Pour améliorer votre souplesse mentale, commencez donc par changer une ou deux petites choses dans votre façon de faire. Remettez vos process en question. Observez d'autres manières de faire. "Intégrez des réseaux pros et échangez vos bonnes pratiques", conseille la coach. Clubs d'entrepreneurs, associations, réseaux sociaux, meet-up, toutes sortes de communautés de métiers existent pour transformer votre job, et votre vie, en learning expedition.

Allez sur le terrain (mental) de l'autre

Enfin, pour intégrer l'agilité dans votre mode de fonctionnement, il faut savoir sortir de votre zone de confort physique et mentale. "Cela implique de se mettre en position d'étonnement et d'apprentissage. Et surtout d'arrêter de se dire qu'on sait, sinon on arrête d'écouter les autres", assure Christophe Deval. Responsable commerciale dans une petite entreprise de textile, Alice Amar Voirin travaille à distance avec deux techniciens en transport de marchandises basés en Chine. "On ne se comprend pas toujours ! Quand je leur envoie une consigne, je leur demande de m'expliquer ce qu'ils en retiennent et je la reformule avec leurs mots à eux." Ecouter plutôt que répéter, c'est aussi ça, s'adapter!

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Attention à la suradaptabilité

Vous dites toujours oui quel que soit le contexte ? Pour ne pas déplaire ? Pour prouver votre motivation ? Gare à la perte de crédibilité et au risque de burn-out ! En effet, la suradaptabilité est facilement considérée comme un manque de personnalité. Le vrai risque est surtout de perdre le lien avec vos valeurs profondes, votre identité professionnelle (expertise) pour coller à des contraintes imposées. Ce "faux self" vous éloigne de vos propres envies et limite, du coup, votre créativité et votre capacité à prendre des décisions.