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Disparition

Miss. Tic, fin de combat pour une guérillera poétique

La street artiste parisienne, féministe et doucement provocatrice, s’était fait connaître dans les années 80, en participant au développement du graff en France. Elle s’est éteinte à l’âge de 66 ans.
L'artiste Miss Tic pose à côté de l'une de ses œuvres dans son atelier à Paris, en janvier 2006. (BERTRAND GUAY/AFP)
publié le 22 mai 2022 à 20h02

Miss. Tic a tombé «l’art mur» et ne bombardera plus ses «mots cœurs». Elle est partie ce dimanche 22 mai, des suites d’une longue maladie, à l’âge de 66 ans. Depuis le milieu des années 80, cette artiste de rue écumait en rouge et noir les rues de Paris avec ses poèmes au pochoir et ses silhouettes plus Manara que Jeanne Mas.

Titi parisienne née en 1956 dans le Xe arrondissement d’un père tunisien et d’une mère normande disparus prématurément, c’est finalement dans le Quartier latin puis le Nord-Est parisien, plutôt que dans les quartiers huppés, qu’elle apprendra à jouer au chat et à la souris, avec la flicaille d’abord, puis, suite à un flagrant délit à la fin des années 90, avec les commerçants amateurs de poésie urbaine qui lui offriront leurs pas-de-porte et un peu de tranquillité.

Radhia est devenue Miss. Tic au milieu des années 80, au retour d’un voyage de trois ans aux Etats-Unis et en Amérique centrale où elle a vu monter la vague hip-hop, découvert le graff et les peintres muralistes. A cette époque, à Paris, l’heure est à la figuration Libre, les étudiants des Beaux-arts sortent leurs toiles dans la rue, découvrent le spray et le pochoir. Ils s’appellent Jef Aérosol, Nemo, Jérôme Mesnager ou les frères Ripoulin. Miss. Tic, rare femme du milieu, sera l’une d’entre eux.

Toute féminité dehors

Sans jamais chercher à damer le pion à ses camarades noctambules et mandibules, Miss. Tic, qui emprunte son nom à la petite sorcière qui cherchait à voler le sou fétiche de Picsou sans jamais y arriver, mène sa guérilla poétique et, au fond, très féministe. «Pute et insoumise», comme elle le tague à l’occasion d’une Journée de la femme, elle se met en scène, seins nus et chevelure de jais, ironise en porte-jarretelles «je serai ta gueuse», interpelle la «France du bas résille», milite pour «l’impôt sur l’infortune» et tacle, toute féminité dehors, «le masculin l’emporte… mais où ?»

«Ne relevant ni tout à fait de l’histoire du street art, ni tout à fait de celle du graffiti», pour le spécialiste du street art et commissaire d’exposition au Palais de Tokyo Hugo Vitrani, Miss. Tic est à part : «elle représente une veine poétique de l’art de la rue, avec ses jeux de mots mis en dessins.» Si sa poésie urbaine n’a pas vraiment fait école, c’est au fond plutôt du côté des Femen et des colleuses que l’on pourrait lui chercher une descendance. Une féministe d’avant MeToo.

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