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« En préhistoire, il faut faire le deuil de l’événement »

Est-il pertinent de distinguer la préhistoire de l’histoire ? La césure entre les deux étant fluctuante, l’archéologue Boris Valentin tranche : l’apparition de l’homme, il y a 3 millions d’années, marque selon lui le début de l’histoire.

Propos recueillis par 

Publié le 20 décembre 2020 à 18h30

Temps de Lecture 6 min.

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Boris Valentin, archéologue, dans le parc de Sceaux (Hauts-de-Seine), le 30 novembre 2020.

Archéologue, professeur à l’université Paris I-Panthéon-Sorbonne, Boris Valentin est spécialiste des dernières sociétés de chasseurs-cueilleurs en Europe occidentale. Coauteur, avec son collègue Jean-Michel Geneste, d’un livre d’entretiens intitulé Si loin, si près. Pour en finir avec la préhistoire (Flammarion, 2019), il a coorganisé, le 20 novembre, une journée d’étude dont le titre était lui aussi un tantinet provocateur : « Que faire avec la préhistoire ? ».

Une première question directe : quel est le problème avec la notion de préhistoire ?

C’est une notion compliquée, à la fois une démarche et un champ de recherches, une discipline et une période. Elle est ambiguë car on ne sait pas bien où la préhistoire commence ni où elle s’arrête. Faut-il y mettre les premières bactéries et les tyrannosaures, ou seulement les humains ? Faut-il inclure les premiers fabricants d’outils qui, semble-t-il, étaient des australopithèques ? Et pour ce qui est de sa fin, certains disent que la préhistoire se termine – et donc que l’histoire commence – avec l’écriture. D’autres sont tentés de remonter à cette transformation importante des sociétés humaines qu’est l’apparition de l’agriculture et de l’élevage au néolithique. D’autres encore disent, plus timidement, que l’histoire commence avec l’apparition de l’art. D’autres enfin, comme Yuval Noah Harari, proposent de faire remonter l’histoire aux premiers récits imaginaires et aux premières sépultures.

Le mot lui-même, « préhistoire », est problématique…

Effectivement, dans ce mot « préhistoire » qui a été choisi au XIXe siècle pour désigner cette partie très ancienne de l’histoire humaine, le préfixe est absurde, « cocasse », disait l’historien Lucien Febvre. Il laisse penser qu’on est en dehors de l’histoire et dans une espèce de passé mythique, figé, sans durée, ce que l’on voit bien dans certaines transcriptions populaires comme le film La Guerre du feu (1981) : on nous montre toute une galerie d’espèces humaines, dont on sait qu’elles se sont échelonnées dans le temps mais qui, là, coexistent, comme s’il n’y avait plus de durée. Du point de vue de la terminologie, les Allemands sont avantagés par rapport à nous car ils disposent du mot Urgeschichte, qui veut dire « l’histoire des commencements ».

La séparation préhistoire/histoire a-t-elle encore du sens aujourd’hui ?

Si l’histoire est l’étude de l’humanité d’un point de vue sociologique, ce n’est qu’un continuum et cette césure n’a pas de sens. Cela n’empêche pas qu’il y ait eu des ruptures, des transformations importantes, des seuils dans l’histoire sociale des humains. Mais certaines révolutions dans les périodes anciennes n’en sont peut-être pas vraiment. Beaucoup d’entre nous disent ainsi que la « révolution néolithique » n’a jamais eu lieu : c’est un ensemble de longs processus car il y a eu plusieurs néolithisations. Elles ont introduit progressivement un autre rapport au monde : la domestication des espèces a entraîné une transformation des idéologies, des cosmogonies, etc.

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