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Une histoire de riens #13

" Chaque matin de la semaine, un autobus qui a serpenté sur les départementales sinueuses des alentours, nous a moissonnés, nous pose alors à ras du mur marquant la limite entre la route et l'aire occupée par l'école, l'église, les deux se situant en surplomb, étant accessibles chacune par un escalier qui, pour celui de l'école, est étroit, engoncé entre ses murs aussi le faisant ressembler à une tranchée guère différente de celles qu'on connaît par ici, pas très loin, et c'est sans doute pour cela, cette fermeture des murs dissimulant nos silhouettes à laquelle s'ajoute l'absence de trottoir qui pourrait permettre malgré tout aux automobilistes déboulant de nous voir, de freiner, sans doute pour cela, donc, pour nous protéger, que le conducteur, un taiseux aux cheveux toujours impeccablement lisses sur sa tête tenus à grand renfort de gomina, à la blouse grise enfilée au moment de prendre le volant, se garait systématiquement très exactement en face de la bouche de l'escalier, notre liberté de courir en tous sens se voyant limitée de fait à un seul mouvement, enfiler sans broncher la volée de marches grises, monter ou bien descendre dans les échos des cris de ceux derrière et puis atteindre, quand nous montions, à l'espace plat de la cour mitée par nos piétinements pendant que sa cargaison déposée, disparue, enfermée, le bus redémarrait lourdement laissant derrière son parfum mou de gasoil chaud... "