Dossier

Relever les défis de l’hydrogène

En France, on pense hydrogène avec un grand H ! À l’automne dernier, le gouvernement a lancé un plan doté de 7,2 milliards d’euros de fonds publics destiné à faire décoller la filière de l’hydrogène décarboné dans l’Hexagone, dont 2  milliards d’ici à 2022. Cette nouvelle stratégie donne des moyens et de la visibilité sur dix ans.


À nos yeux, l’hydrogène “vert” peut devenir un atout de taille pour la boîte à outils de la transition écologique française, résume Luc Bodineau, coordinateur hydrogène à l’ADEME. Nous pensons qu’il peut contribuer à décarboner la chaîne énergétique tout en apportant une flexibilité nouvelle, tant du point de vue des usages que de la production et des réseaux énergétiques. » L’hydrogène « vert » est d’autant plus intéressant qu’il peut répondre à de multiples applications, dans l’industrie – particulièrement pour la chimie et à terme la sidérurgie – et la mobilité, qu’il s’agisse de transport terrestre, maritime, fluvial et aérien. « Nous sommes convaincus que l’hydrogène peut représenter un levier de dynamisme des territoires sur le plan de l’autonomie énergétique comme sur celui de l’emploi durable, précise Luc Bodineau. Le gouvernement affiche d’ailleurs des objectifs ambitieux, tablant sur la création ou le maintien de 50 000 à 100 000 emplois à l’horizon 2030. »

Un coût encore élevé

Mais les défis à relever d’ici là sont nombreux. Le premier d’entre eux est celui du coût des technologies, encore très élevé, compte tenu d’une demande et donc de volumes encore très limités. Pour l’heure, les prix d’un kilo d’hydrogène décarboné ou de l’acquisition d’un véhicule hydrogène sont de 3 à 4 fois supérieurs à leur équivalent traditionnel. Un autre challenge concerne la qualité de service et la fiabilité des équipements, sur lesquelles on ne dispose que de peu de recul. Se pose enfin la question des métiers et des compétences humaines, avec un enjeu majeur de formation de techniciens compétents au plus près des applications. « Le développement de la filière hydrogène aura besoin du soutien des pouvoirs publics pendant plusieurs années, pour massifier la demande et encourager ainsi la diminution des prix. Cet appui sera particulièrement essentiel pour la production d’hydrogène vert (issu d’électrolyse) », reconnaît Luc Bodineau.

Booster l’innovation

Alors quel rôle pour l’ADEME ? Opérateur du plan France Relance, du Programme d’investissements d’avenir (PIA) et partenaire historique de la filière hydrogène, l’Agence est au cœur du dispositif de soutien pour accompagner les innovations technologiques et le déploiement de solutions. Elle le fait en lien étroit avec les Régions, sur l’ensemble du territoire national. En amont, l’ADEME mobilise plusieurs types d’outils pour encourager l’innovation : appels à projets de recherche, financement de thèses, accompagnement de démonstrateurs industriels, notamment via l’appel à projets « Briques technologiques et démonstrateurs » financé par le PIA. « Depuis 2018, nous pilotons l’appel à projets “Écosystèmes territoriaux hydrogène” pour favoriser un déploiement, associant infrastructures et usages de l’hydrogène dans ­l’industrie ou dans le domaine de la mobilité. Dix-neuf consortiums ont d’ores et déjà bénéficié de ce dispositif », affirme Luc Bodineau. À la suite de l’annonce du plan hydrogène, l’ADEME a lancé une nouvelle édition de ce programme, auquel s’associent désormais onze conseils régionaux.

6,5 GW d’électrolyse

seront déployés d’ici à 2030 dans le cadre de la stratégie nationale hydrogène.

6 millions de tonnes de CO2

pourraient ainsi être évitées chaque année, ce qui correspond aux émissions de la ville de Paris.

Quel rôle dans la transition écologique ?

Au-delà de ces outils de financement, l’ADEME mène des réflexions sur le pilotage des politiques publiques et le rôle futur de l’hydrogène dans la transition écologique. « C’est dans ce cadre que s’inscrivent notamment l’étude menée en partenariat avec la SNCF sur les potentiels du train hydrogène, l’étude d’Analyse du Cycle de Vie que nous avons publiée en décembre dernier, ou encore les travaux prospectifs pour la neutralité carbone à l’horizon 2050. Ces exercices permettent d’identifier les potentiels mais aussi les points de vigilance, comme l’origine du gaz ou de l’électricité utilisés (voir page 9). Ils permettent aussi de conforter ou d’orienter les appels à projets que nous lançons, pour être en phase avec les objectifs de long terme », conclut Luc Bodineau. 

L’hydrogène sur de bons rails

À l’automne dernier, la SNCF, Tech4rail et l’ADEME ont révélé les résultats d’une étude (1) destinée à évaluer le potentiel de l’hydrogène pour décarboner le secteur ferroviaire. Le bilan de ce travail souligne la pertinence de cette solution, qui pourrait être utilisée en substitution à l’électrification des voies, notamment pour les lignes régionales au trafic peu dense. 34 lignes représentant 200 à 250 trains pourraient être concernées. Parallèlement à ces travaux prospectifs, la SNCF a lancé le projet TER H2 destiné à valider les performances d’un train hydrogène français avec la mise en circulation commerciale de rames H2 « Regiolis » dès 2025 dans les régions Grand-Est, Nouvelle-Aquitaine et Occitanie.
1. Étude sur les perspectives du train hydrogène en France, ADEME, SNCF, sept. 2020.