« N’ayons pas de pudeurs de gazelle ! » Le 2 septembre, devant des sénateurs, le ministre de l’intérieur, Christophe Castaner, a la ferme intention de lancer le débat sur la reconnaissance faciale. « Lors de l’attentat à Lyon [en mai], nous avons identifié l’auteur par le biais de la vidéoprotection. L’événement a eu lieu à 16 h 30, mais il a été interpellé le lendemain, le temps qu’une trentaine d’enquêteurs regardent image par image l’ensemble du réseau pour refaire son parcours. Avec un système d’intelligence artificielle, quinze minutes après on aurait su où il était allé. »
Comme le ministre de l’intérieur, responsables politiques et forces de l’ordre lorgnent depuis plusieurs années les technologies de reconnaissance faciale. En juin, la mairie de Nice a mené une médiatique expérimentation sur la voie publique. Pour sécuriser les démarches en ligne, le gouvernement teste Alicem, une application mobile comparant des photos prises « en selfie » à celles contenues dans les passeports. Non sans polémique.
« J’aimerais expérimenter dans les transports la reconnaissance faciale (…) au moins pour des personnes condamnées pour faits de terrorisme », a encore récemment réclamé Valérie Pécresse, présidente de la région Ile-de-France. Face à ces tentations, le cadre légal français, s’il n’interdit pas la reconnaissance faciale, est encore très strict. Si bien que Cédric O, le secrétaire d’Etat au numérique, a décidé d’annoncer lundi 14 octobre dans nos colonnes vouloir un comité chargé de susciter davantage d’expérimentations de cette technologie.
Fichier massif de 7 millions de personnes
Dans les interstices laissés par la loi, les utilisations de la reconnaissance faciale aux lourds enjeux de libertés publiques ont pourtant progressé. Les forces de l’ordre peuvent d’ores et déjà interroger un fichier de police à l’aide d’une photo, pour retrouver l’identité d’un suspect : le massif fichier des antécédents judiciaires, qui contient les photos de plus de 7 millions de personnes. Et ce en dépit des réserves de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL), qui pointait « des risques importants pour les libertés individuelles ».
Les enquêteurs aimeraient étendre cet outil à d’autres fichiers, notamment ceux des personnes recherchées (FPR) et des ressortissants étrangers en France. Techniquement possible, elle ne l’est pas en l’état du droit : l’utilisation de la reconnaissance faciale est explicitement prohibée dans ces deux fichiers, comme pour beaucoup d’autres.
Il vous reste 62.46% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.