23 décembre 1992. La date restera gravée dans la mémoire de Laurent Desormeaux. Ce jour-là, juste avant Noël, il a reçu un sacré cadeau : un rein.
Près de 27 ans plus tard, le quadragénaire et une dizaine de camarades sportifs représentaient la France lors du premier tournoi international de football des transplantés, du 21 au 26 octobre 2019 à Tours.
Et si l’équipe tricolore a fini troisième (sur trois pays représentés), la victoire se situe ailleurs : « On avait une équipe avec des greffés de rein, du cœur, de moelle osseuse, du foie… Des hommes, des femmes, de 16 à 50 ans, des soignants aussi. Chacun a donné le meilleur de lui-même, peu importe le niveau. On a fièrement défendu les couleurs de la France », sourit Laurent Desormeaux.
Une victoire de plus pour ce combattant, qui n’a de cesse d’aller de l’avant, notamment par le biais du sport.
Des poussins de Gravigny à la greffe
Il est tombé dans le football tout petit. Chez les poussins, les minimes dans l’équipe de la commune de Gravigny (Eure), puis jusqu’aux juniors. Il aurait pu pousser plus loin dans son sport de prédilection… si la maladie n’en avait pas décidé autrement. Déjà privé de l’usage d’un rein depuis la petite enfance, le sportif perd l’usage du second à l’âge de 18 ans :
Le deuxième rein a cessé de fonctionner, sans explication.
Pendant plusieurs mois, le jeune homme doit donc se résigner, comme les quelque 40 000 personnes souffrant d’insuffisance rénale en France, à effectuer des dialyses péritonéales « 4 fois par jour, toutes les 4 heures, pendant 30 à 45 minutes », pour filtrer son sang à la place des organes défaillants.
Jusqu’à ce fameux 23 décembre : « Ce jour-là, j’ai reçu un rein d’un donneur décédé. Un beau cadeau de Noël… » De son sauveur, Laurent ne sait rien.
C’est un des principes de la greffe : le don est gratuit et anonyme. Aujourd’hui, il peut y avoir un échange de courriers entre les proches du donneur et le receveur, de façon anonyme toujours. Mais ça n’existait pas à l’époque
En 2018, selon l’Agence de biomédecine, 5805 greffes ont été réalisées, dont 92% viennent d’une personne décédée. 60% concernent un rein. En France, le don d’organes est régi par trois grands principes : le consentement présumé (au nom de la solidarité nationale), la gratuité du don et l’anonymat entre donneur et receveur.
Course à pied et tacles interdits
Toujours est-il que des années après, le greffé, en excellente santé, se sent toujours redevable :
C’est un cadeau inestimable. Pour celui qui le reçoit, ça mérite d’emmener ce capital le plus loin possible, par respect pour ceux qui donnent et pour tous ceux qui attendent d’en bénéficier
Alors Laurent s’astreint à une hygiène de vie irréprochable : observance scrupuleuse des prescriptions médicamenteuses bien sûr, mais aussi pratique sportive régulière. Malgré son greffon, ou plutôt grâce à lui, Laurent Desormeaux peut donc courir 10 km en moins de 45 minutes, ou participer, donc, à un tournoi international de football. Cela fait partie de ce qu’il appelle son « contrat moral » :
Je veux montrer que ça marche. C’est toujours compliqué : parler de don d’organes avec ses proches, c’est parler de la mort. Ce que je voudrais, c’est qu’on désacralise cette question : parler de don d’organes, c’est parler de la vie, de son prolongement.
Et si la pratique sportive comporte forcément quelques contraintes, sur le terrain, le plaisir est le même : « Il faut éviter les contacts au niveau du greffon. Les tacles sont interdits par exemple. Mais dans le feu de l’action, ce n’est pas toujours évident : pour avoir vécu les matches, on n’avait pas vraiment l’impression que les gens se retenaient ! » rigole-t-il.
« Favoriser le lien social pour les transplantés »
Permettre aux greffés de pratiquer le football à l’envi, c’est un des buts de l’association Trans-forme, qui a organisé l’événement à Tours cette année : « On veut montrer la réussite des greffes à travers des événements sportifs, explique Nathalie Cassagnes, attachée de presse de l’association. Le football est un sport collectif et populaire, qui permet de favoriser le lien social pour des transplantés qui se sentent parfois isolés après une greffe. »
Et si pour cette première édition, seuls trois pays ont répondu présents (Italie, Espagne et France), l’association et les joueurs espèrent que l’événement prendra de l’ampleur dans les années à venir.
« Ces événements permettent de sensibiliser le public au don d’organes, pour que chacun puisse se positionner et le dire autour de soi. Tout le monde peut avoir besoin d’un organe vital à un moment dans sa vie », rappelle Nathalie Cassagnes.
Pour Laurent Desormeaux aussi, c’est primordial : « Le manque d’organes est important en France : plus de 20 000 personnes sont en attente de greffe chaque année, et un quart seulement en bénéficiera. »
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