Dans la fureur de la Seconde Guerre mondiale, que scandent les persécutions antisémites, le régime de Vichy, l'odieuse occupation allemande ou la bataille de Stalingrad, un point mobilise l'attention anxieuse de Paul Morand : sera-t-il, enfin, élu à l'Académie française ? Cette obsession suffit à résumer la tonalité d'un journal, tout à la fois passionnant et détestable. Exhumé des fonds personnels de l'écrivain, où il dormait depuis plusieurs décennies, ce texte est à double entrée. Il présente d'abord le quotidien d'un romancier, hanté par sa gloire, amateur de mondanités, pour qui, malgré les malheurs du temps, the show must go on. L'homme fréquente donc les Allemands qui comptent, place ses articles dans la presse, se débat avec les difficultés du ravitaillement et suit, avec attention, les progrès de sa carrière d'homme de lettres. De ce point de vue, le témoignage présente une chronique particulièrement vivante de la vie littéraire durant les années sombres.
Aveuglement
Mais l'auteur est également diplomate. Patron de la mission économique à Londres entre 1939 et juillet 1940, écarté de la carrière en 1940, il revient aux affaires en mai 1942 avec le retour de Pierre Laval, avant d'être nommé ambassadeur à Bucarest en 1943 - date à laquelle s'achève le premier tome de cet opus. Le lecteur dispose donc d'un témoignage de premier ordre sur les coulisses du pouvoir. Non que Morand ait joué un rôle éminent. Attaché au cabinet du Président, le diplomate rêvait sans doute de le