A l'inverse d'autres nations, « la France n'a jamais connu de grandes vagues d'émigration forcée pour des raisons religieuses, économiques ou sanitaires », rappelle Hélène Conway-Mouret, sénatrice représentant les Français établis hors de France, dans son rapport sur le « Retour en France des Français de l'étranger » remis au Premier ministre en juillet 2015. « Il n'est donc pas dans la tradition française de voir partir ses jeunes pour un tour du monde, quasiment obligatoire dans beaucoup de pays. Le “Grand Tour” a toujours plutôt été le fait des jeunesses anglaises ou allemandes. Dans ces pays, il relève pratiquement du passage initiatique à l'âge adulte. »

Le nombre de Français qui s'exilent augmente toutefois chaque année. « La tradition se heurte à la mondialisation avec un effet positif, analyse la sénatrice. L'élan constaté depuis plusieurs années est à la fois naturel, globalisation des échanges oblige, et bienvenu. La mobilité des individus est inéluctable et promet de s'accentuer. »

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Au 31 décembre 2015, le registre des Français établis hors de l'Hexagone totalisait ainsi 1.710.945 noms, en augmentation de 1,8% en un an. Une information à relativiser : l'inscription à ce registre établi par les services consulaires est en effet volontaire, et la modification en cas de changement de situation non obligatoire. C'est pourquoi, en rendant ce chiffre public, le ministère des Affaires étrangères et du Développement international y ajoutait la précision suivante : « Pour mémoire, on estime le nombre de Français vivant à l'étranger, y compris ceux qui ne sont pas inscrits au registre, entre 2 et 2,5 millions », soit de 3 à 3,7% de la population française.

>> À lire aussi - Inscription consulaire : principe, démarches et renouvellement

Bien que la France soit historiquement une terre d'immigration et non d'émigration, le nombre d'inscrits au registre a fait un bond de 35% (!) en dix ans, soit une moyenne de + 3% par an. L'expérience séduit hommes et femmes, à parts égales ou presque, et toutes les tranches d'âge, jusqu'aux seniors de 60 ans et plus.

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Si le désir d'ailleurs se répand, les raisons de l'expatriation sont donc multiples et variées. Quels motifs poussent les « géo-réacs » – ainsi surnommés dans une chronique de France Culture : « Si, pour les réacs, “c'était forcément mieux avant”, pour les “géo-réacs”, “c'est forcément mieux ailleurs” » – à se déraciner ?

ESPOIR, DÉFI OU ENVIE…

Dans un récent sondage Ipsos-Banque Transatlantique, les motivations premières invoquées par les candidats au départ sont, dans l'ordre : pour progresser dans sa vie professionnelle ; pour vivre avec un (ou des) proche(s) ; pour avoir un meilleur niveau de vie ; pour découvrir, voyager, partir à l'aventure ; pour trouver du travail).

Des réponses un poil conventionnelles, à compléter par d'autres, plus personnelles, exposées largement sur Internet, à l'instar de « la remise en cause de ses certitudes » et « la découverte de nouvelles passions ». La blogosphère regorge de récits d'expatriés, qui sont autant de sources d'inspiration. On s'éloigne – de son pays, de sa famille, de ses amis – quelques mois, des années ou pour toujours, en réaction à un contexte familial, social, politique ou professionnel.

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> Vidéo. Rester en France ? 5 bonnes raisons de croire que nos entreprises vont mieux...

Pour les expatriés, progresser dans sa carrière, … c'est la première des 11 raisons de s'établir hors de l'Hexagone invoquées par les Français « de l'étranger » (toutes tranches d'âge confondues), dans une enquête Ipsos-Banque Transatlantique dévoilée en octobre 2015, lors du colloque « Les Français à l'étranger, un atout pour la France ».

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Pour les jeunes diplômés, progresser dans sa pratique d’une langue étrangère… Les « raisons culturelles » (langue, environnement, façon de travailler) sont celles qui mobilisent le plus les jeunes de niveau bac à bac + 5 depuis moins de trois ans et en poste ou en recherche d'emploi dans le secteur privé qui envisagent de s'expatrier. C'est ce que révèle la 5 e édition du baromètre Deloitte-OpinionWay de l'humeur des jeunes diplômés, publiée en décembre 2015.

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Certains franchissent le pas à 20 ans par besoin d'indépendance et goût du risque ou, plus prosaïquement, parce que trouver un boulot en phase avec ses attentes, un master en poche, relève désormais de l'exploit. D'autres tentent le coup à 40 ans, en pleine crise du milieu de vie, après un divorce, ou banalement parce que tout les étouffe, la hiérarchie, la paperasse, le fisc, la crise qui dure, qui dure…

Analystes et professionnels s'accordent toutefois sur un point : l'emploi (l'emploi salarié et l'entrepreneuriat) reste un moteur fondamental du processus d'expatriation. Un espoir, un défi ou une envie exacerbés par la mondialisation.

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Les sites d’information sur l’emploi, comme ceux de certaines compagnies d'assurances, livrent de nombreux arguments justifiant le départ. Pas tous optimistes ! Sur le site de l'Apec, « la fuite d'un système qui ne marcherait plus » et « la peur de l'échec en France » sont ainsi avancées, conjointement au « désir de se réaliser et trouver des terrains d'expression pour ses potentiels ». La société ACS (Assurances, courtages et services), spécialisée dans l'assurance voyage et l'expatriation évoque « l'attrait pour une nouvelle vie », « la volonté d'être plus ouvert et sociable » et « la possibilité de se faire un nouveau réseau d'amis ». Sans oublier l'aspect fiscal, car « l'expatriation procure quelques avantages sur [ce] plan », confirme l'expert…

Quelles que soient toutes ces raisons de partir, bonnes ou mauvaises, des plus ordinaires aux plus intimes, il importe en revanche de les identifier clairement. C'est la condition essentielle d'un éventuel succès. Ainsi, pour un départ fondé sur une ambition professionnelle, il est des questions incontournables comme : « Pourquoi partir travailler à l'étranger ? Est-on vraiment prêt à s'intégrer ? Quels sont nos atouts pour réussir : compétences, motivations, relationnels ? », énonce un conseiller de l'Apec sur le site de l'association.

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Avant de conclure : « L'expatriation professionnelle est rarement une fin en soi. L'expérience sera d'autant plus bénéfique si elle est, dès le début, envisagée comme une étape à part entière de votre parcours professionnel. Il faut donc s'interroger sur son intérêt. » Alors, prêt pour le grand saut ?

> Vidéo. Pourquoi prenons-nous des décisions irrationnelles ? Réponse étonnante en images :

POURQUOI NE PAS RESTER ?

La capacité d'adaptation – à une culture, une tradition ou encore une méthode de management étrangères – varie selon chaque individu. Dès lors, s'expatrier n'est pas sans danger, pour soi, pour son couple et ses enfants, sans oublier les proches restés sur place. « Partir pour échapper à un quotidien professionnel sans perspective est risqué. Dans le même esprit, partir pour apprendre une langue étrangère ou faire des “petits boulots” sera chronophage et ne constituera pas nécessairement une expérience professionnelle transférable », affirme un conseiller de l'Apec.

D'où l'importance de se poser les bonnes questions en amont. Mieux vaut « oser le monde » seulement quand le projet, parvenu à maturité, a trouvé une réelle cohérence.

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De surcroît, n'en déplaise aux adeptes du french bashing, qui adorent dénigrer l'Hexagone, « il y a des réussites en France, ainsi que des possibilités », clame Bertrand Moulin Ollagnier, consultant RH pour l'Apec.

«Pour de jeunes diplômés ou de jeunes cadres, quoi de plus à l'étranger et pour faire quoi ? Si c'est pour faire autre chose que le métier dans lequel on est, alors pourquoi partir, changer de pays, de système social, de langues, de culture ? Je suis ingénieur, bien, nous en manquons, alors pourquoi partir ? Les conditions de travail ? Les modes et fonctionnements managériaux sont-ils la cause de tous les maux ? J'ai un emploi artisanal avec un réel savoir-faire technique, la demande est toujours présente, alors ? » Un argumentaire qui mérite d'être entendu…