jeudi 13 février 2020

Droits voisins : la malice de SoundExchange

Dans un réquisitoire écrit soumis au Bureau du représentant américain du commerce, l'organisme SoundExchange - qui administre les droits des artistes et des producteurs de musique aux Etats-Unis pour l'exploitation de leurs enregistrements par les webradios, les radios interactives et les radios par satellite - accuse six pays, dont la France, de ne pas assurer le même traitement aux artistes et producteurs américains qu'à leurs ressortissants nationaux, contrairement à ce à quoi les engage les traités internationaux.

Certaines sociétés de répartition françaises, dénonce SoundExchange (sont citées l'ADAMI et la SPEDIDAM pour le collège des artistes-interprètes; la SPPF et la SCPP pour celui des producteurs), ne reversent pas de droits d'exécution publique aux artistes et producteurs américains au titre de la diffusion de leurs enregistrements en radio, en TV et dans les lieux sonorisés (bars, restaurants, commerces, discothèques, etc.). Une rémunération équitable est pourtant bien perçue sur ces exploitations en France, par un organisme qui s'appelle la SPRE (Société de perception de la rémunération équitable). En 2018, cette rémunération équitable, qui est répartie équitablement (50/50) entre les collèges d'artistes et de producteurs via leurs sociétés de gestion collective respectives, s'est élevée à 129,6 M€.

Les artistes et producteurs américains ne percevraient donc pas leur dû sur cette manne, qui représente autour de 15 % des revenus bruts des labels en France ? SoundExchange va un peu vite en besogne en l'affirmant.

De fait, tous les enregistrements d'artistes internationaux édités en France par les filiales de majors, ou sortis sous contrat de licence par des labels français, sont éligibles à la répartition de la rémunération équitable perçue par la SPRE. Ne sont pas éligibles à cette répartition, en revanche, les enregistrements importés ou distribués sur notre territoire qui n'ont pas été édités en France, et dont le pays d'origine ne respecte pas certaines règles de réciprocité en matière de protection des droits voisins des artistes et des producteurs.

A la marge, et seulement à la marge, il est donc vrai qu'une très faible proportion d'enregistrements d'artistes étrangers n'est éligible à aucune rémunération équitable en France, parmi lesquels ceux d'artistes américains. Mais SoundExchange a beau jeu de généraliser.

Lors de la signature des accords internationaux qui imposent une égalité de traitement entre artistes nationaux et étrangers sur un territoire donné, la France, comme d'autres pays, a fait valoir une exception de réciprocité, qui exclue de fait les productions purement américaines du bénéfice de son régime de rémunération équitable. Il n'y a en effet aucune réciprocité entre les Etats-Unis et la France sur ce point : aucune rémunération équitable des droits voisins des artistes et des producteurs n'est en effet perçue sur le territoire américain - et encore moins répartie à des artistes et labels étrangers via leurs SPRD - pour la diffusion de leurs enregistrements à la radio, à la TV et dans les lieux sonorisés.

Une chose est sûre, les droits voisins des artistes et producteurs étrangers ne sont pas plus protégés aux Etats-Unis (sauf pour les exploitations numériques) que ne le sont ceux des artistes et producteurs américains. Ce en quoi il y a effectivement égalité de traitement, mais aussi nivellement par le bas ; quand SoundExchange réclame un nivellement par le haut sur les autres territoires.

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