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Interview

Nigel Heap : « Pour recruter un candidat, LinkedIn ne suffit pas »

Pour le dirigeant de Hays, les réseaux sociaux permettent seulement d'identifier les talents dans des secteurs où la pénurie de candidats est importante.

Le dirigeant de Hays, les réseaux sociaux permettent d'identifier les talents dans des secteurs où la pénurie de candidats est importante.
Le dirigeant de Hays, les réseaux sociaux permettent d'identifier les talents dans des secteurs où la pénurie de candidats est importante. (Jonathan Banks/Photobanks Ltd./Hays)
Publié le 12 nov. 2018 à 10:45

Quels profils les cabinets de recrutement spécialisés comme Hays cherchent-ils ?

En tant que cabinet de recrutement spécialisé, les candidats avec lesquels nous travaillons sont des individus dotés de compétences souvent très pointues et techniques, qui sont recrutés dans des postes plutôt « senior ». Nous avons en permanence des postes à pourvoir dans le domaine de l'informatique et des nouvelles technologies. Il s'agit très certainement du secteur qui connaît le développement le plus spectaculaire, que ce soit en Europe ou dans le reste du monde. Nous recherchons également souvent des profils d'ingénieurs. Tous les indicateurs suggèrent que cette tendance est loin de s'inverser. Il s'agit d'un secteur dans lequel les pénuries de talents sont importantes. Identifier et recruter les candidats que nos clients attendent n'est pas une mince affaire, car les nouvelles technologies évoluent plus rapidement que le niveau de compétence des candidats. La difficulté majeure consiste donc à trouver des profils dotés à la fois des capacités techniques pour répondre et accompagner ces évolutions technologiques rapides, mais aussi des aptitudes réelles pour s'adapter à des environnements changeants et à des cultures d'entreprise très diverses.

Comment précisément répondre à cette pénurie et trouver les talents que recherchent les entreprises ?

Une part croissante de notre travail consiste à maintenir le contact avec des candidats dits « passifs », en suivant leurs évolutions de carrière et en leur envoyant des contenus à lire et des propositions d'emploi qui peuvent susciter leur curiosité. Ces candidats passifs sont des candidats en poste que nous connaissions, et qui ont auparavant travaillé avec nous au cours de leur recherche d'emploi.

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Auparavant, nos processus de recrutement consistaient à prendre connaissance des besoins d'une entreprise pour un poste particulier, lui proposer une liste de candidats potentiels, et enfin recruter celui qui convenait le mieux. Nous sommes en train de dépasser ce modèle. Progressivement, les entreprises nous demandent de rechercher des « profils » et non pas des candidats spécifiques pour une position donnée. Nos clients ont le discours suivant : « Voici les compétences que nous recherchons, nous sommes prêts à recruter un certain nombre de ces profils si vous parvenez à les trouver. » Nous passons donc beaucoup de temps à identifier des candidats talentueux, et à établir un dialogue avec eux au long cours, même quand ils ne sont pas en recherche d'emploi. Nous leur envoyons des contenus pertinents au sujet de leur secteur d'activité, dont la lecture pourrait les intéresser. Le pari étant que quand ils se décideront à quitter leur emploi, c'est vers nous qu'ils se tourneront. Bien entendu, les réseaux sociaux comme LinkedIn, voire des plates-formes plus informelles, constituent des outils très importants pour mettre en oeuvre cette stratégie.

Les réseaux sociaux et les nouvelles technologies transforment-ils la nature de votre travail ?

Le monde du travail est de moins en moins formel, qu'il s'agisse des modes de communication avec nos collègues et clients, des tenues que nous portons au travail ou encore de la manière dont les espaces de travail sont organisés. Cela a également des conséquences sur la manière dont les personnes vont chercher du travail. Il y a quinze ou vingt ans, un candidat aurait cherché son futur poste dans les petites annonces des journaux, puis avec le développement d'Internet, sur des sites spécialisés, comme Monster. Désormais, les candidats sont beaucoup plus passifs. Bien souvent, ils attendent d'être approchés via les réseaux sociaux. Afin de rester en contact avec eux, ces plates-formes constituent une ressource précieuse.

On peut évidemment aussi les percevoir comme une menace, car ces outils facilitent le contact direct entre les entreprises et les candidats. Certains y voient un risque pour notre activité, réduisant la nécessité pour les entreprises d'avoir recours à un cabinet de recrutement pour faire l'intermédiaire. Je ne suis pas aussi pessimiste. Certes, les entreprises peuvent contacter les candidats sans passer par nous. Toutefois, il y a une grande différence entre prendre contact avec un candidat et réussir à le recruter. Nous avons une vraie valeur ajoutée lorsqu'il s'agit de s'assurer que les bons profils sont mis en relation avec les bonnes entreprises. Seules des années d'expérience et de connaissance du marché permettent de s'assurer qu'on met en relation les bonnes personnes entre elles. Ce ne sont pas des compétences qui pourront être remplacées rapidement par la technologie.

Comment incitez-vous au recrutement de femmes à des postes très spécialisés et/ou techniques ?

Parmi les entreprises avec lesquelles nous travaillons, celles qui ont le plus de succès auprès des candidats sont celles qui montrent leur engagement en faveur de la diversité. Une part non négligeable de notre travail consiste à pousser nos clients à choisir des profils divers, et à faire preuve de transparence dans leurs processus de recrutement. Présenter des CV anonymes aux managers, sans le nom ou le sexe du candidat, est une technique que nous trouvons intéressante, et qui réduit les problèmes de discrimination auxquels les femmes sont parfois confrontées lorsqu'il s'agit d'accéder à des postes spécialisés.

Quels profils sont les mieux adaptés pour faire face à un environnement de travail de plus en plus complexe ?

Le monde du travail est en effet plus complexe et plus volatil aujourd'hui, et dans ce contexte une collaboration accrue entre les individus et entre les équipes est cruciale. Les profils qui réussissent le mieux sont ceux qui savent collaborer et travailler en équipe. Les personnes qui savent dialoguer et travailler avec des collègues éparpillés à travers le monde ont une vraie valeur ajoutée. A l'heure où la hiérarchie des grands groupes est bousculée, et où les personnes sont de moins en moins nombreuses à travailler huit heures par jour aux côtés de leurs collègues, la capacité à communiquer et à travailler en collectif à distance est très importante. Il est beaucoup plus difficile d'acquérir ces compétences, ces « soft skills », que de développer des capacités techniques . Il faudrait orienter les efforts de formation pour aider les individus à acquérir ces compétences, car elles vont continuer à être importantes pour le bon fonctionnement du travail en entreprise.

En 2018, Hays a recruté plus de travailleurs en contrats temporaires que permanents. Comment expliquez-vous cette tendance ?

Une des grandes évolutions actuelles du monde du travail est la part croissante des contrats de travail temporaires. Sur certains marchés plus matures, comme le Royaume-Uni, les Etats-Unis ou l'Allemagne, de nombreux candidats souhaitent d'ailleurs être recrutés sur des postes temporaires. Ils veulent avant tout développer de nouvelles compétences. Rester au sein de la même entreprise, en gravissant tous les échelons, est de moins en moins leur aspiration. Au contraire, développer de nouveaux savoir-faire et vivre des expériences nouvelles dans des environnements divers est très valorisé. Cela pousse les individus à rechercher des postes temporaires, plus flexibles. C'est une tendance qui commence à prendre forme sur le marché européen, et même à l'échelle mondiale, et qui est très marquée dans le monde de l'informatique et de l'ingénierie.

Léa Surugue

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