Une intelligence artificielle pour détecter le Covid-19 testée à Toulouse

Le Cnes et le CHU de Toulouse ont développé un système de détection automatique des lésions pulmonaires caractéristiques du Covid-19 à partir d'une simple échographie. Cette innovation pourrait être utilisée à terme pour surveiller l'ensemble des pathologies respiratoires sévères. Présentation.
Le service de réanimation du CHU de Toulouse a testé un système automatique pour détecter le Covid-19.
Le service de réanimation du CHU de Toulouse a testé un système automatique pour détecter le Covid-19. (Crédits : Rémi Benoit)

Au plus fort du pic épidémique, le CHU de Toulouse a accueilli simultanément plus de 200 patients souffrant du Covid-19. Pour faciliter le tri des patients, les équipes de réanimation du CHU de Toulouse travaillent depuis le mois d'avril avec le Cnes sur un système de détection automatique des lésions pulmonaires caractéristiques du virus à partir d'une simple échographie.

"L'échographie est un examen bien connu du grand public, notamment pour le cœur, le foie ou les voies biliaires. Mais étonnamment, elle est utilisée seulement depuis une dizaine d'années pour les poumons où le scanner est privilégié. Les poumons sont remplis d'air, ce qui bloque la visualisation par les ultrasons lors de l'échographie. Le médecin obtient des images difficiles à interpréter", avance Stein Silva, médecin réanimateur au CHU de Toulouse et coordonnateur clinique du projet.

Quantifier l'atteinte pulmonaire

La collaboration avec le centre national des études spatiales vise à quantifier l'atteinte pulmonaire notamment chez les patients Covid.

"L'échographie est une image très brouillée. En cas de lésions pulmonaires, de l'eau entre dans les poumons et des lignes verticales apparaissent de haut en bas de l'image. Notre système s'appuie sur des outils d'intelligence artificielle et de traitement d'images conventionnel pour compter précisément le nombre de lignes et leur épaisseur. Ce dernier point est un indicateur de gravité : plus la ligne est large à l'image et plus le patient a d'eau dans ses poumons et plus la forme de la maladie est sévère. L'outil parvient aussi à détecter des lésions invisibles à l'œil nu", décrit Eric Morand, responsable du projet au Cnes.

Stein Silva complète : "cette innovation permettra de dire s'il s'agit d'une atteinte pulmonaire grave ou non, autrement dit s'il faut préconiser au patient de rentrer chez lui, de l'hospitaliser dans un secteur conventionnel ou s'il faut l'admettre dans un service de réanimation. De quoi de mieux aiguiller les patients". Le médecin souligne que l'outil n'est pas réservé aux patients Covid. Il pourrait être utilisé pour l'ensemble des pathologies respiratoires sévères : infection, œdème, forme grave de grippe, etc. L'idée est d'offrir une alternative au scanner thoracique, l'examen de référence pour ce type d'atteinte pulmonaire.

"Contrairement à l'échographie qui peut être réalisée dans le lit du patient, un scanner nécessite de déplacer le patient dans l'hôpital. Cela représente un risque de contagion dans un contexte épidémique avec aussi la possibilité de fragiliser l'état de santé du patient lors du transfert. Par ailleurs, le scanner est un examen irradiant. Il ne vaut mieux pas en faire chaque semaine. On pourrait réaliser en revanche plusieurs fois par jour des échographies pulmonaires. L'intérêt est d'assurer un suivi plus régulier des patients et d'évaluer si les médicaments sont efficaces", détaille Stein Silva.

L'innovation toulousaine a pu être testée auprès d'une soixantaine de patients admis au CHU de Toulouse avec de premiers résultats plutôt encourageants. "Le taux de véracité est au-dessus de 90%. L'algorithme doit encore être amélioré pour réduire le nombre de cas de faux positifs", commente Eric Morand. Les équipes du projet aimeraient également se rapprocher d'autres centres hospitaliers pour toucher plus de patients et atteindre la masse critique de données nécessaire au développement d'usages supplémentaires comme de prédire l'évolution de la maladie.

En cas de succès, cette grande première pourrait faire l'objet d'un brevet. "L'intelligence artificielle est à la mode. Beaucoup de projets ont émergé par exemple sur l'analyse automatique des images des scanners thoraciques mais rien n'a encore été lancé sur l'échographie du poumon", fait remarquer Stein Silva.

Bientôt dans l'ISS ?

De son côté, le Cnes inscrit cette innovation dans le cadre du projet de recherche Echo Finder. Lors de son séjour dans la Station spatiale internationale (ISS), l'astronaute Thomas Pesquet avait testé dans le cadre du projet Echo, un système d'échographie à distance. "Depuis Toulouse, un médecin actionnait une sonde équipée d'accéléromètres et les mouvements étaient reproduits à bord de l'ISS. Pour Echo Finder, le médecin n'aura plus besoin de prendre l'image, le système est capable de le faire".

L'outil testé au CHU de Toulouse pourrait à terme être utilisé lors des vols habités mais également pour de la télémédecine dans les déserts médicaux ."On peut très bien imaginer un échographe comme Echo Finder qui ne nécessiterait pas la présence d'un médecin sur place mais d'une simple connexion par satellite pour envoyer les images des poumons du patient", illustre Eric Morand.

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