Des solutions blockchain à l’étude pour accompagner le déconfinement

Technologie : En anticipation de l'après-confinement, les acteurs de la blockchain mettent au point des protocoles innovants pour aider à combattre la pandémie de Covid-19 et accompagner le déploiement de tests de dépistage.

Par Clarisse Treilles

  • 4 min

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La phase de déconfinement qui démarre le 11 mai s’accompagnera d’un déploiement massif de tests de dépistage du Covid-19 sur le territoire. Comme l’a annoncé hier le Premier ministre Edouard Philippe devant l’Assemblée, l’application StopCovid, sur laquelle les parlementaires doivent encore débattre, sera placée au rang de mesure complémentaire dans la stratégie du gouvernement pour endiguer la propagation du virus.

Face à la méfiance suscitée par les solutions dites de « contact tracing », la technologie de la blockchain est présentée, par certains, comme une alternative sérieuse. Elle comporte des avantages pour « sa transparence et ses bases de données infalsifiables », affirmaient dans une tribune Ghislaine Azémard, vice-présidente de la Fondation Maison des Sciences de l’Homme, titulaire de la chaire UNESCO ITEN et professeure émérite en SIC (Université Paris-8), et Matthieu Quiniou, chercheur en sciences de l’information et de la communication à la chaire UNESCO ITEN.

« Une application développée avec cette technologie présente un intérêt pour la minimisation de l’impact sur la restriction des libertés individuelles dans la lutte contre le Covid-19 : la preuve à divulgation nulle de connaissance. Ce concept au cœur du mouvement d’autogestion de l’identité (self sovereign identity) permettrait à un individu qui remplit les conditions nécessaires à son déconfinement de prouver qu’il a le droit de sortir, sans révéler ses données de géolocalisation ou son état de santé », écrivaient-ils alors.

Garantir l’anonymat

Sur le terrain, certaines initiatives en ce sens prennent les devants, comme le nouveau protocole Unikname C.A.R.E. (pour « Citizen Anonymous Reporting Epidemic »), basé sur la technologie de la blockchain uns.network, dédiée à la gestion d’identifiants universels anonymes et opérationnelle à partir du 4 mai. « Les polémiques qui ont entouré le projet d’application mobile StopCovid montrent combien le sujet est sensible dans la société civile. Le danger potentiel du stockage des résultats des tests dans des bases de données centralisées doit pousser les Etats vers des approches plus innovantes », a déclaré dans un article de blog, Laurent Lourenço, CEO d’Unikname, à la tête de ce projet.

Les citoyens qui se font dépister par un laboratoire pourront afficher le résultat du test sur leur smartphone afin d’accéder à l’espace public, explique Laurent Lourenço. Les résultats des tests seront alors stockés par les laboratoires d’analyses « de manière totalement anonyme » sur une blockchain semi-publique, à partir de laquelle l’application installée sur le téléphone pourra retrouver les résultats d’analyse via un identifiant universel anonyme.

C’est donc « uniquement lorsque le citoyen doit volontairement présenter son résultat pour accéder à un lieu ou un service réservé uniquement aux personnes non porteuses du SARS-CoV-2 comme un Ehpad, ou encore lors de l’embarquement pour un vol commercial, que le lien entre le résultat du test et une pièce d’identité est réalisé sur l’écran du smartphone grace à l’App my.unikname.app », précise le CEO.

Conscient des défis techniques et de sécurité, Laurent Lourenço reconnaît qu’il « sera indispensable d’apporter l’assurance technique que ni l’autorité publique, ni une entreprise, ni même un pirate informatique (qui aurait réussi à s’infiltrer sur un serveur public ou celui du laboratoire d’analyses) ne mette la main sur un fichier contenant la liste des personnes infectées ».

Cibler les institutions et les structures médicales

Le collectif Block Covid a annoncé ce mois-ci le lancement de son application baptisée « Dépistage » permettant de tracer l’ensemble des données issues des tests de dépistage du Covid-19 dans un système informatique.

Conçu par une équipes de bénévoles composée de particuliers et d’entreprises (comme Unblocked, ChainOps, Uzzit, Omniow, Datatelling, entre autres), ce système repose sur la technologie Hyperledger Fabric, un projet hébergé par la Linux Foundation et open source, indique le consortium dans un communiqué.

« L’objectif est d’identifier, à partir des résultats des tests, de manière totalement fiable, les personnes qui sont immunisées et non contagieuses de manière à pouvoir créer des « vides sanitaires » auprès des personnes à risque », explique ce dernier. Le projet cible les institutions et les structures médicales et devrait être proposé gratuitement aux autorités, aux administrations ou directement aux Ephad par exemple.

Conformément au RGPD, les données seront donc entièrement anonymisées. Pour l’instant, l’outil n’en est qu’à la phase de PoC, précise Patrice Van de Velde, fondateur de Unblocked, à ZDNet. Le collectif est « en attente d’un donneur d’ordre et du financement associé pour mettre la solution en production », ajoute-t-il.

Anticiper une deuxième vague ?

Au-delà de la phase de déconfinement, la solution de Block Covid devrait également permettre de « mieux structurer et fiabiliser les données pour les analyses postérieures (IA, machine learning, etc.) et mieux adapter la réponse en cas de deuxième vague », explique Patrice Van de Velde.

Pour les chercheurs Ghislaine Azémard et Matthieu Quiniou, un dispositif basé sur la blockchain doit être en mesure d’impliquer « plusieurs types d’acteurs » afin de « garantir son auditabilité, sa sécurité, son caractère proportionné et sa réversibilité. Il faudrait que ces dispositifs mobilisent des institutions garantes des libertés fondamentales, de la protection des données personnelles, des entreprises de cybersécurité et des lanceurs d’alertes », notent-ils.

Interrogé par ZDNet, Matthieu Quiniou estime aussi judicieux d’ouvrir ce type de solution « au grand public avec une médiation scientifique importante et une vraie transparence pour permettre aux personnes non-technophiles de comprendre comment construire leur identité numérique auto-souveraine ».

Il souligne de ce fait l’intérêt d’inclure dans ces dispositifs un système de preuve à divulgation nulle de connaissance (ZKP). « Le problème des applications de tracking actuellement proposées, qui ne s’appuient pas sur la blockchain et le ZKP (ROBERT, Apple/Google, etc.) réside dans leur finalité qui est trop ambitieuse pour du numérique d’urgence. De plus, leur architecture est très centralisée, ce qui rend les dispositifs de chiffrage/sécurité qu’ils prévoient presque sans intérêt », constate-t-il.

/ Powercenter

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