Taxe dividendes : l'exécutif obligé de revoir à la hausse le déficit 2018 à 2,8 %
Le trou laissé par l'annulation de la taxe à 3 % sur les dividendes amène le gouvernement à revoir sa trajectoire budgétaire. La taxe exceptionnelle sur les bénéfices 2017 des grands groupes rapportera 5,4 milliards, mais pèsera particulièrement sur 233 entreprises.
Par Renaud Honoré
Sur un navire, cela revient à colmater de toute urgence une voie d'eau. Le gouvernement espère à nouveau pouvoir voguer sans encombre vers l'horizon d'un déficit public sous l'étiage des 3 % du PIB, après l'adoption ce jeudi en Conseil des ministres de la taxe exceptionnelle sur les bénéfices 2017 des grands groupes. Le dispositif a été prévu pour compenser partiellement la facture de 10 milliards d'euros tombée brusquement début octobre, quand le Conseil constitutionnel a annulé la taxe à 3 % sur les dividendes instituée en 2012 et ouvert la voie à de coûteux remboursements. « C'était ça ou sortir des clous européens », a expliqué Bruno Le Maire, lors d'une audition, jeudi, devant la commission des Finances de l'Assemblée nationale.
« Quelques incertitudes »
Cette taxe exceptionnelle devrait rapporter 5,4 milliards d'euros à l'Etat, dont 4,8 milliards dès 2017 au titre d'un acompte réclamé fin décembre aux 320 entreprises concernées. Cela « correspond à la somme qui devrait être remboursée en 2017 par l'Etat au titre du contentieux » lié à l'annulation de la taxe à 3 %, est-il écrit dans le texte de projet de loi de finances rectificatif publié à cette occasion. Une estimation qui « présente quelques incertitudes », a jugé le Haut Conseil des finances publiques dans un avis paru mardi , ajoutant que cette répartition de la facture de 10 milliards entre 2017 et 2018 « devra être confirmée formellement par l'Insee en lien avec Eurostat ».
Pour l'heure, le gouvernement estime donc que les quelque 5 milliards récoltés permettront de maintenir le déficit à 2,9 % du PIB en 2017, comme prévu. En revanche, comme l'Etat va prendre à sa charge en 2018 les 5 milliards restant, la trajectoire budgétaire va en être affectée . La prévision de déficit pour 2018 « passera de 2,6 % à 2,8 % », a indiqué Bruno Le Maire, lors de son audition.
Un « effort important »
Le ministre a reconnu « l'effort important » réclamé. Environ 320 entreprises réalisant plus de 1 milliard d'euros de chiffre d'affaires vont se voir imposer une surtaxe sur leur impôt sur les sociétés (IS), qui va faire passer leur taux d'IS de 33,33 % à 38,33 %. Pour 110 entreprises engrangeant plus de 3 milliards de chiffre d'affaires, un effort additionnel sera réclamé, le taux d'IS s'établissant à 43,33 %. « Le produit de la taxe sera concentré sur ces entreprises ayant un chiffre d'affaires supérieur à 3 milliards », a assuré Bruno Le Maire. Ces dernières auraient même dû avoir un taux à 45 % . « La mise en garde du Conseil d'Etat sur le plafonnement qui était prévu nous a amenés à y renoncer et du coup à réduire le taux d'IS », explique-t-on à Bercy.
La méthode choisie par le gouvernement fait que certaines entreprises - qui ne bénéficieront pas du remboursement de la taxe à 3 % - payeront, en revanche, la surtaxe exceptionnelle. Le dispositif devrait occasionner « 95 gagnants et 233 perdants, dont une dizaine de très perdants », a reconnu Bruno Le Maire. De quoi alimenter le mécontentement du Medef, qui a parlé de « mauvaise démarche ».
Renaud Honoré