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Tribune

L’économie du Bitcoin devient pire que celle des subprimes

LE CERCLE/HUMEUR - Les crypto-monnaies annoncent des «sous-jacents» alors qu'on n’y trouve que l’épargne de «geeks» prêts à tout pour être dans le coup et d’un grand nombre de gogos espérant toucher le gros lot.

L’économie du Bitcoin devient pire que celle des subprimes

Par Pascal Ordonneau (secrétaire général de l'Institut de l'Iconomie)

Publié le 22 sept. 2017 à 16:10

Le Bitcoin monte, le Bitcoin baisse, les Chinois ne veulent plus entendre parler du Bitcoin, mais à Dubaï on vend des appartements contre Bitcoins…. La liste est longue de ces informations, contre-informations, fausses informations ou informations biaisées où on lit que le Bitcoin est devenu le sujet de préoccupations des banques centrales, où on murmure que le Venezuela y penserait, que la Lituanie s’y livrerait et même l’austère Banque d’Angleterre…

Oublions ces «news» qui sont trop souvent de l’ordre du marketing viral et de l’appel pétaradant à l’épargne publique. Revenons vers ce qui devient de plus en plus en souterrain dans les crypto-monnaies, qui s’apparente plus à l’infiltration qu’à l’émergence, qui laisse à penser qu’elles ont du «sous-jacent» sous elle quand pour seul sous-jacent on n’y trouve que l’épargne de «geeks» prêts à tout pour être dans le coût et d’un grand nombre de gogos espérant toucher le gros lot.

Il faut considérer les monnaies cryptées, mais surtout le Bitcoin sous deux aspects : leur infiltration (l’écosystème des crypto-monnaies) et leurs interpolations (l’apparition de techniques de multiplication incontrôlées).

Une pyramide qui tient sur la pointe

Le bitcoin et les monnaies cryptées se claironnent glorieusement de nouveaux sommets, «news highs», et autres surperformances. On les calcule sous forme de capitalisation et on claironne des taux de progression impressionnants. En oubliant que ces capitalisations ne sont que poussière de monnaies bizarres face aux montants colossaux de l’ensemble des actifs mondiaux.

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Que valent 150 milliards de dollars lorsque le total des actifs «gérés» a dépassé les 75 milliers de milliards de dollars et quand on sait que la valeur de ces actifs a progressé de 50% en pleine crise.

Bien sûr, le Bitcoin (pas plus de 75 milliards de dollars de capitalisation quand ça va bien) n’en est qu’à ses débuts, comme toutes les autres monnaies cryptées, mais, on a envie de dire « tout ça pour si peu ! ». Peu importe, laissons le champ à ces exubérances et considérons l’éco-système.

Se multiplient dans l’orbite de la monnaie (acéphale disent ses disciples, décérébrée, disent ses opposants), toute une économie qui donne à penser que l’histoire des deux fripiers qui se vendent réciproquement un même pantalon pendant des mois a quelque chose de vrai.

Lire aussi : Comment le Bitcoin mène la danse des devises 2.0

Naissent tous les jours des courtiers, qui inondent les réseaux sociaux de leurs tweets racoleurs, et des plates-formes, où très sérieusement on vous annonce que l’application des règles du KYC et de la lutte contre le blanchiment est menée avec une conscience professionnelle et une éthique qui ridiculisent les banques. Les «wallets» sous des formes de plus en plus sophistiquées sont proposées à la clientèle avec des accents semblables aux vendeurs de coffres-forts et de portes blindées.

Les teneurs de marchés, sont là qui assurent les intervenants qu’il n’y aura pas de manipulation (mais qui sont totalement incapables d’empêcher des variations de valeurs telles qu’il est de plus en plus banal qu’après avoir atteint 3.000 on se retrouve à 2.000, et que de 5.000, il ne soit pas surprenant qu’on dégringole à 3.500).

Jeunesse d’un marché en voie d’achèvement ou petites affaires entre copains qui permettent de plumer quelques innocents. Plus sinistrement, quand on détient de l’argent pas net, on accepte qu’il soit soumis à de fortes variations de valeurs.

L’écosystème, ce sont tous ces gens qui ne rêvent que de faire venir d’autres gens dans le circuit. Plus ils seront nombreux, plus ils feront du bruit, plus le taux d’acceptation des monnaies cryptées s’accroîtra, ce qui est le début de la sagesse pour une monnaie quelle qu’en soit la nature.

Monnaies cryptées ou produits financiers ?

Ici encore, relativisons l’impact de ces fameuses monnaies. Elles sont bien menues quand on se souvient que dans le simple cas des produits dérivés et pour l'ensemble des banques dans le monde, on arrive au chiffre hallucinant de 552.900 milliards de dollars, après un sommet à 693.000 milliards de dollars en 2014.

On pourra dire que ce n’est pas glorieux et que les produits dérivés ont été, ne serait-ce que sous la forme des subprimes, à l’origine de la crise qui éclata en 2008. Ce n’est pas glorieux, mais on ne compte plus les tentatives pour faire du bitcoin le sous-jacent de quelques produits dérivés ou synthétiques.

Qu’on se souvienne des subprimes, ces crédits consentis à d’heureux bénéficiaires surnommés « Ninjna » (no income, no jobs, no assets) : il y avait un sous-jacent, une créance, (quelque pourrie qu’elle était, c’était une créance !) et voici qu’on en vient à proposer aux autorités boursières des Etats-Unis (le Nasdaq) et d’autres pays (souvent crypto-addicts) de monter des placements sur la base de bitcoin avec un peu d’effet de levier pour « booster » les rendements.

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Le sous-jacent, ce sera alors, moins encore qu’une créance pourrie, des 0 et des 1 perdus dans le tréfonds d’ordinateurs (tant qu’ils n’auront pas été hackés). Et aussi voit-on se profiler des produits à terme, vente et achats de bitcoin « futurs » ou mieux encore des ETF (exchange traded funds) en monnaies cryptées, c’est-à-dire des fonds d’investissements qui proposent à leurs investisseurs de suivre l’indice composite de l’ensemble des monnaies cryptées ou d’autres indices.

Lire aussi :Virtuel et volatil : Investir dans le bitcoin comporte de nombreux risques bien réels

Pire, voici que des CFD sont vendus sans retenue ! Ces fameux contrats pour la différence, boostés par des emprunts sur le dos des souscripteurs. La finance Mondiale a été abondamment critiquée pour avoir bâti des actifs « fictifs », « virtuels » et avoir conduit le monde dans une crise dont les conséquences sont encore très fraîches. Les leçons ne servent pas. Les thuriféraires des monnaies cryptées rêvent de produits financiers qui s’appuient sur l’objet de leurs passions : du vent numérique.

L’interpolation va plus loin encore avec un montage où on essaie de donner du poids à des images 3d et de la densité à des hologrammes. Cela se nomme des ICO (initial coin offering). Le sigle renvoie à IPO (initial public offering). Cette dernière technique financière porte sur les appels de fonds sous forme de souscription d’actions au profit de sociétés commerciales, organisées par des banques et des institutions financières et débouchant sur la cotation de ces actions sur les marchés financiers organisés.

L’ICO extrapole cette technique dans le but de ne pas passer par les fourches caudines des banques et autres institutions de placements et de supervision. Foin de ces intermédiaires qui se payent royalement et ne sont que de sinistres censeurs sans imagination. La nouveauté va s’appuyer sur les monnaies cryptées. On sait que rien n’est plus facile à lancer qu’une monnaie cryptée (on en compte maintenant près d’un millier).

L’entreprise qui souhaite se financer dans des conditions de souplesse et de rapidité surperformant les circuits traditionnels n’a simplement qu’à créer des jetons (tokens), monnaies cryptées à couverture de marché réduite, qui seront vendus pour une valeur dépendant de ses besoins et aussi d’une forme de marché OTC (over the counter) c’est-à-dire informel, c’est-à-dire sans régulation.

Ces tokens pourront être acquis contre monnaies cryptées (ce qui ne servirait pas à grand-chose pour l’entreprise) ou contre monnaies « officielles ». Une fois acquis, ils seraient échangeables contre des actions de la société ou contre monnaies cryptées et via les monnaies cryptées contre monnaies officielles. Autrement dit pas de marché de cotation et surtout, une double barrière pour les timorés qui ne voudraient pas conserver leurs tokens.

Il est savoureux de penser que cette technique avait son ancêtre en France (et peut-être ailleurs) sous la forme des « parts de fondateurs ». Technique qui permettait à des capitalistes de participer au lancement d’une nouvelle société tout en ne prenant pas le risque du Venture Capitalist, tout en étant apparemment un créancier, parfois privilégié, ce qui pouvait être utile en cas de ratage, mais tout en conservant un droit à devenir capitaliste si les nuages et les plâtres de la création se dissipaient. Le beurre et l’argent du beurre et même la crémière. Disparus de la circulation, les voilé réincarnés !

C’est ainsi que de proche en proche, suivant un rythme pareil aux techniques financières les plus risquées, les monnaies cryptées, le bitcoin en tête, mettent en scène, sans google glass pourtant, une économie virtuelle dans laquelle viennent s’investir, sans parfois s’en rendre compte, des centaines d’épargnants très réels. Les techniques financières les plus dangereuses sont fondées sur des promesses et des engagements sans cause ni fondements. Leur empilement en douteuses poupées russes est symptomatique de risques incontrôlés. Il est de plus en plus temps que des bornes soient mises à ce marché où en vend sans pudeur des milliers de miroirs aux alouettes.

Pascal Ordonneau est ancien PDG de HSBC Invoice Finance

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