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La Belgique n’est pas un bon élève en termes d’utilisation de pesticides, bien au contraire!

Réplique à l’entretien que nous a récemment accordé Denis Ducarme sur l’utilisation des néonics (« Le Soir » du 14 septembre). Les auteurs de cette carte blanche tiennent à rectifier certaines erreurs et approximations qu’ils affirment avoir relevées dans le discours du ministre fédéral de l’Agriculture.

Carte blanche - Temps de lecture: 4 min

Le mythe que les pesticides sont nécessaires pour nourrir le monde a la vie dure. Nature et Progrès Belgique et le Pesticide Action Network (PAN) Europe souhaitent rétablir quelques contre-vérités énoncées par Denis Ducarme, ministre fédéral de l’Agriculture, dans Le Soir du 14 septembre.

À lire aussi Pesticides: il faut sauvegarder la biodiversité mais aussi l'emploi, dit Ducarme

Après les Pays-Bas, nous sommes les plus gros consommateurs de pesticides par hectare de l’Union Européenne (UE). Environ deux fois plus que nos voisins allemands ! De 2011 à 2016, les ventes de pesticides ont même augmenté de 10 % (1) malgré les inquiétudes légitimes des citoyens. De plus, notre administration accorde des dérogations fournissant à nos agriculteurs des pesticides hautement toxiques normalement interdits depuis longtemps au sein de l’UE, comme par exemple la chloropicrine.

Omniprésence dans notre environnement

Non, les pesticides ne sont pas sans risques pour la santé. En effet, le DDT, lors de son autorisation était considéré comme sûr. Malgré son interdiction pour cause de toxicité élevée il y a 40 ans, il est encore omniprésent dans notre environnement et fréquemment dans le lait maternel. La même situation s’est répétée avec les néonicotinoïdes tueurs d’abeilles et le glyphosate qui devait rapidement se dégrader alors que maintenant il pollue rivières et nappes phréatiques. Chaque nouveau pesticide est considéré comme sûr jusqu’à ce que, 20 ans plus tard, l’accumulation d’études scientifiques indépendantes prouvant sa toxicité mène à son interdiction.

Dangereuse surexposition

De plus, préciser qu’il n’y a pas de pesticides cancérigènes, mutagènes ou reprotoxiques autorisés en Belgique est inexact. Le thiaclopride a été classé comme reprotoxique 1B par l’Agence Européenne des produits chimiques en 2015. Depuis, l’autorisation de ce pesticide a été renouvelée en Belgique et même étendue à des cultures supplémentaires en juillet dernier, augmentant d’autant notre exposition à ce perturbateur endocrinien !

Des études sans équivoque

Afin de sortir de cette agriculture basée sur la chimie, l’agriculture biologique est la seule voie, une agriculture basée sur un sol et un environnement vivants. « Sans pesticides, il n’y aura pas assez de nourriture » ? C’est également le message que l’industrie des pesticides nous assène depuis toujours, en omettant de préciser qu’actuellement l’agriculture-pesticides ne nourrit pas le monde. Mais la science s’intéressant enfin à l’agriculture biologique, il apparaît que cet argument, que les Nations-Unies ont récemment qualifié de « mythe », n’a pas de fondements scientifiques valables. Au contraire, l’Institut National de Recherche Agronomique (INRA) français a publié cet été une étude indiquant que le contrôle des ravageurs des cultures par les méthodes biologiques était aussi efficace que les pesticides. Deux autres études récentes (voir aussi) sur la nutrition du monde par l’agriculture bio viennent confirmer qu’il est possible de nourrir sans pesticides les plus de 9 milliards d’êtres humains attendus pour 2050, en diminuant la consommation de viande et le gaspillage alimentaire.

Un coût sociétal colossal

Les pesticides ne sont donc pas vitaux à l’alimentation humaine, pas plus que le sucre. En effet, l’obésité et le diabète sont en augmentation permanente et dues en partie à une surconsommation de sucre. Cela génère un coût sociétal colossal. D’un autre côté, la Belgique importe une grande partie des fruits et légumes qu’elle pourrait produire localement. L’arboriculture et surtout le maraîchage nécessitent une main-d’œuvre importante, surtout en agriculture biologique. Dire que 8.000 emplois du secteur betteravier risquent de passer à la trappe sans néonicotinoïdes nous étonne car ce chiffre part du principe que cela va réduire à néant la culture de la betterave. Hors c’est sans compter sur la capacité d’adaptation du secteur agricole qui devra revoir les systèmes culturaux en allant vers plus d’autonomie. C’est également sans compter sur les emplois potentiellement créés par l’utilisation de ces terres pour réellement nourrir la population. Au lieu de donner une dérogation sur l’usage des néonicotinoïdes sur betteraves, pourquoi ne pas accompagner nos producteurs vers d’autres productions : création d’une filière belge de sucre de betterave, fruits, légumes ou encore céréales panifiables afin d’aider à se reconvertir ce secteur en crise ?

Développer les alternatives

Ce que nous proposons en demandant la mise en œuvre de l’interdiction des néonicotinoïdes, c’est de libérer l’agriculture du tout-chimique en développant les pratiques culturales alternatives afin de donner un avenir à nos agriculteurs. Les initiatives fleurissent dans nos campagnes : le développement de l’agriculture bio, du maraîchage de plein champ, la culture de nouvelles céréales… osons envisager une agriculture autonome, rentable et nourricière. Cette transition est nécessaire, pour le bien de la population, des agriculteurs et pour l’environnement de nos enfants !

(1) Source : Eurostat

 

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