Rithy Panh met l’histoire cambodgienne à portée de smartphone

Les jeunes ont besoin d’images mouvantes, constate le réalisateur, explorateur inlassable du génocide khmer. Il a donc conçu une application qui retrace la tragédie, depuis l’avènement de la dictature jusqu’au travail de justice mené depuis. 

Par François Ekchajzer

Publié le 14 septembre 2017 à 12h00

Mis à jour le 08 décembre 2020 à 01h42

Cest notamment pour cultiver le lien des Cambodgiens à leur propre mémoire, en leur donnant accès à un patrimoine audiovisuel soigneusement collecté, conservé et mis en valeur, que le cinéaste franco-cambodgien Rithy Panh a fondé, en 2006, le Centre Bophana à Phnom Penh. Attentif à toucher les jeunes générations, qui ont vu la période khmère rouge entrer au programme d’histoire du baccalauréat, l’auteur de L’Image manquante et d’Exil a lancé cet été une application autour du régime mortifère dont il a réchappé et dont traitent la plupart de ses documentaires. Disponible sur smartphones et tablettes, Khmer Rouge History évoque en huit chapitres l’avènement de la dictature (en 1975), l’idéologie qu’elle imposa et le génocide qu’elle engendra, jusqu’à la chute du régime (en 1979) et le difficile travail de la justice qui fut mené depuis.

« Je ne sais pas pourquoi les jeunes ont besoin d’images mouvantes pour appréhender l’histoire, s’étonne Rithy Panh. Les textes ne leur suffisent pas. Aussi avons-nous décidé de développer quelque chose qui combine les images, les sons et les textes, et qui tire profit des outils numériques qui leur sont familiers. Voilà l’idée qui a germé il y a plus de trois ans, dont est issue cette application, qu’ils peuvent télécharger gratuitement et consulter hors connexion, supprimer de leur appareil quand bon leur semble pour libérer de la mémoire… et re-télécharger s’ils le souhaitent un peu plus tard. »

“Une génération d’historiens a péri dans le génocide.”

Disponible en cambodgien, en anglais et probablement en français d’ici quelques mois, Khmer Rouge History est un objet pédagogique particulièrement bien fait. « Lorsque nous intervenons à l’université de Phnom Penh, qui compte sept cents étudiants, nous leur projetons généralement un film. S’ils veulent aller plus loin, il leur suffit de consulter l’application. Et s’ils désirent en savoir encore plus, ils peuvent aller voir les sources citées dans l’appli. » Ainsi offre-t-elle des moyens de découvrir comme d’approfondir un sujet sur lequel les Cambodgiens ont, finalement, peu écrit. « Une génération d’historiens a péri dans le génocide et la formation nécessaire de nouveaux historiens n’est pas tant que ça favorisée », déplore Rithy Panh, qui insiste sur le caractère extensible et collaboratif du projet. « Si l’on compte y intégrer certains de mes films, sous la forme d’extraits ou intégralement, tout le monde pourra participer à l’enrichissement de l’application, en passant évidemment par la validation d’un comité scientifique constitué pour l’occasion. Des échanges qui peuvent se nouer entre les jeunes et leurs aînés, sortiront peut-être des interviews. Pareil pour les archives. Je pense, par exemple, à un écrivain cambodgien que je connaissais de nom, mais dont je n’avais jamais vu le visage. Un Américain avait une photo de lui, qu’il a scannée et nous a envoyée par mail. Elle se retrouve sur l’appli. Khmer Rouge History n’en est qu’à ses débuts, mais ses possibilités de développement sont sans limites. »

Play Store : https://play.google.com/store/apps/details?id=org.bophana.krhistory

Apple Store : https://itunes.apple.com/kh/app/khmer-rouge-history/id1262423973?mt=8

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