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Pass Culture : bons baisers de l'Etat providence

LE CERCLE / POINT DE VUE - La mise en place du Pass Culture constitue une véritable innovation dans la politique culturelle française. Elle transfère une partie des mécanismes d'aides de l'offre vers la demande.

Depuis soixante ans, l'Etat prône la décentralisation culturelle en incitant les collectivités territoriales à investir et en aidant à l'émergence de nouveaux acteurs culturels en région (ici, les Francofolies de La Rochelle).
Depuis soixante ans, l'Etat prône la décentralisation culturelle en incitant les collectivités territoriales à investir et en aidant à l'émergence de nouveaux acteurs culturels en région (ici, les Francofolies de La Rochelle). (AFP)

Par Mario d’Angelo (professeur émérite à Burgundy School of Business)

Publié le 20 août 2018 à 07:21Mis à jour le 21 août 2018 à 09:14

Tous les ans, le succès de la Fête de la musique témoigne du prodige de cet événement culturel présent dans 120 pays. Son concept central, une concentration sur un temps très court, avait été transféré, avec pertinence, vers d'autres domaines, comme les Journées européennes du patrimoine.

A juste titre, les Français peuvent s'enorgueillir de ces heureuses innovations. Beaucoup pensent que la dynamique culturelle française résulte de l'effort financier généreux et durable des collectivités publiques, là où d'autres pays se sont montrés plus parcimonieux. Il faut pourtant souligner que la stratégie publique durable ne s'est pas réduite au seul soutien direct (subventions, locaux, aides promotionnelles, commandes publiques). Bien qu'il soit plus visible et plus gratifiant pour les politiques.

Un second pilier participe également d'une stratégie publique réussie : le soutien que l'on qualifiera d'indirect car ciblant des éléments de contexte (fiscalité, réductions de charges, régime de l'intermittence, etc.). Il reste certes davantage l'affaire des cénacles professionnels. Le cinéma français, pour ne citer que lui, en a été l'un des grands bénéficiaires (taxe parafiscale, financement par les diffuseurs TV, Sofica, etc.).

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Agir sur la demande

Pourtant, de toutes les innovations possibles dans le soutien indirect, une seule n'avait pas été tentée par l'Etat, bien qu'au ministère de la Culture certains y avaient pensé dès 1983. Il s'agit du chèque culture. Il est vrai que les milieux culturels voyaient cet intrus avec la plus grande méfiance.

L'essentiel de la politique publique culturelle en France est donc resté orienté vers le soutien aux acteurs culturels qui font l'offre, avec le pari que celle-ci entraîne (et éduque) la demande.

Il manquait donc à la panoplie de l'Etat providence une action d'envergure sur la demande de culture, en la stimulant par un pouvoir d'achat fléché. En revanche, des collectivités territoriales, comme la région Paca ou le Grand Dijon, se sont essayées au passe ou à la carte culture. La mise en oeuvre d'une telle mesure fléchant des offres culturelles en présentiel (public se rendant dans des lieux d'art et de culture) semble plus facile sur une aire limitée.

Flécher les demandes

Mais, à l'âge numérique, réseaux, plates-formes et applications apportent de nouveaux outils à la gestion d'un passe, rendu possible à très grande échelle. Ils n'en suppriment pourtant pas certains pièges. L'Italie, qui s'était lancée la première dans cette démarche en 2016, a vu qu'il ne suffisait pas de garnir de 500 euros les porte-monnaie, fussent-ils électroniques, des dix-huit ans.

En appliquant Le « passe culture » sera bien lancé en 2018, le ministère de la Culture passe judicieusement par une phase de tests dans cinq départements. La question est justement de flécher les demandes des jeunes vers les offres culturelles de proximité.

Depuis soixante ans, l'Etat prône la décentralisation culturelle en incitant les collectivités territoriales à investir et en aidant à l'émergence de nouveaux acteurs culturels en région. Mais l'outil Pass favorise une recentralisation, offrant un même service public pour tous les territoires.

Cette question d'échelle devrait d'ailleurs aussi faire réfléchir Bruxelles. Un passe culture européen serait autrement plus créateur de lien entre l'Europe institutionnelle et ses citoyens que l'actuel saupoudrage de son milliard et demi d'euros sur 27 pays.

Mario d'Angelo est professeur émérite à BSB (Burgundy School of Business) et coordinateur de projet à Idée Europe.

Mario d'Angelo

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