L’étrange quotidien des mineurs chinois dans les fermes géantes de bitcoins

Quartz s’est rendu dans une mine de bitcoin, qui dépense une énergie folle chaque jour pour faire tourner 25 000 serveurs et générer la monnaie virtuelle.

L'étrange quotidien des mineurs chinois dans les fermes géantes de bitcoins

Les premières années, quelques ordinateurs suffisaient à « miner » du bitcoin, la première des monnaies virtuelles, née en 2009. Puis des mines entières ont commencé à naître. On ne connaît pas leur nombre exact, mais la Chine – qui serait par ailleurs entrée en phase de test de sa devise virtuelle, concurrente du bitcoin – en abriterait aujourd’hui près de la moitié. Ce qu’on y trouve ? Des milliers de serveurs, qui tournent en permanence pour effectuer les calculs nécessaires, valider les transactions et sécuriser le réseau. Dans la banlieue d’Ordos, en Chine, cinquante travailleurs bichonnent nuit et jour des dizaines de milliers de ces machines à créer de la monnaie. Le site américain Quartz les a rencontrés. 

Au beau milieu des steppes de la Mongolie intérieure, Ordos devait être un « mini Hong Kong », et héberger des centaines de milliers de travailleurs. La ville n’a jamais connu le destin qu’on lui promettait. Transformée aujourd’hui en gigantesque ville fantôme, elle offre le spectacle saisissant de centaines de squelettes de béton à l’abandon. C’est là, au sein d’un parc industriel en ruine aux confins de la ville, que se situe l’une des plus grandes mines de bitcoin au monde.

Une mine de bitcoin ? Les premières infrastructures sont nées il y a environ cinq ans. Personne n’y creuse le sol pour y déterrer de métal précieux. « Miner » des bitcoins, c’est générer cette monnaie virtuelle grâce à du calcul, du calcul et encore du calcul. Or, plus le mineur augmente sa puissance de calcul par rapport à la puissance de calcul du réseau, c’est-à-dire de tous les mineurs réunis, plus il reçoit de bitcoins : d’où l’intérêt de créer ces « fermes » de grande ampleur. 

Huit entrepôts, une cantine et un dortoir

La mine visitée par Quartz emploie 50 personnes. Leur travail : surveiller nuit et jour les huit entrepôts de 150 mètres de long dans lesquels moulinent les 25 000 machines (la plupart dédiées au bitcoin, et 4.000 au litecoin, une autre crypto-monnaie). Les 21.000 serveurs pour le bitcoin représentent près de 4 % de la puissance de calcul du réseau mondial.

Les employés ont une vingtaine d’années. Peu s’y connaissent en monnaies virtuelles, mais la plupart ont quand même investi. « C’est juste un pari  », raconte Han Lei, 28 ans, qui a lui choisi d’investir 20 000 yuans (2 987 dollars) en litecoin, mais évite le bitcoin dont le cours actuel, autour de 4 000 dollars, lui semble trop haut. Hou Jie, 24 ans, attend lui aussi le bon moment pour investir. 

Dans un bâtiment adjacent aux huit entrepôts, une cantine, et un dortoir. Ainsi va le quotidien de cette étrange entreprise active 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, 365 jours par an. Les employés s’assurent que les serveurs tournent bien, que la poussière ne s’infiltre pas, que la température est adéquate, et réparent les machines dès qu’elles tombent en panne ou surchauffent, pour qu’un maximum soient en fonction et que soit maximisée la puissance de calcul. Le travail peut être rapidement « ennuyeux », admettent-ils, mais demande moins d’effort physique et menace moins leur santé que les autres emplois qu’offre la région, dans les mines de charbon ou dans l’industrie de fonte d’aluminium. 

39 000 dollars d’électricité par jour

La ferme est gérée par une filiale de la Beijing Bitmain Technologies, attirée ici à Ordos, au milieu de nulle part, par une réduction de 30 % sur le prix de l’électricité, offerte par le gouvernement local. Dans cette région riche en charbon, l’énergie est disponible abondamment, et à bas prix. 

Ce qui n’empêche pas Bitmain de payer, même avec la remise, une facture quotidienne de 39 000 dollars… La mine consomme en effet de l’électricité à la puissance de 40 megawatts, « l’équivalent de ce qu’utiliseraient 12 000 foyers sur le même temps  ». De quoi rappeler le coût énergétique immense et souvent sous-estimé des data center qui nourrissent Internet.

Bitmain, qui gère d’autres mines dans le Yunan et le Sichuan, vient de finir la construction d’une nouvelle mine dans le nord du Xinjiang. Elle doit être trois fois plus grande que la mine d’Ordos. En septembre 2016, le Washington Post s’était de son côté rendu dans les montagnes du Tibet, au coeur d’un autre de ces hangars du nouveau monde. Un nouveau monde bien réel, extrêmement énergivore, et un brin dystopique, qui raconte une autre partie de l’histoire de cette monnaie autonome, non-régulée et décentralisée. 

 

Image à la Une : Aurélien Foucault pour Quartz. 

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