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Comment garder la main dans la jungle des notifications et applications?

L'Express

J'ai 82 applications sur mon smartphone. Je les utilise absolument toutes, et régulièrement. Si je pouvais en supprimer ne serait-ce qu'une seule, je le ferai, pour gagner de la mémoire. Elles vont du niveau de bricolage au programmateur de publication Twitter, en passant par Ouigo de la SNCF, qui permet de réserver un train pas cher. Est-ce que je m'y perds? Non. Est-ce que mon oncle s'y perdrait? Sans doute.

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Ayant grandi en même temps que le smartphone, j'ai l'impression que mes capacités à le maîtriser se sont affinées en même temps que sa puissance hypnotique. Ni trop proche, ni trop lointain, mon smartphone et ses applications rangées en sous-dossiers me semblent aujourd'hui bien à leur place.

Un smartphone avec 82 applications "rangées".

Un smartphone avec 82 applications "rangées".

© / Julien Auriach

Mais soyons francs, cette sensation est venue assez tard, après de nombreux tâtonnements. Sur les 77% d'utilisateurs de smartphone que compte la France, je ne suis pas le seul à avoir développé mon petit code de conduite. En fait, on a chacun nos petits trucs pour ne pas se laisser débiliser par le téléphone intelligent, malgré les 68 minutes que nous lui dédions tous les jours.

Des oublis très volontaires

Résister, ne pas se faire "dévorer par l'information en continu", chez Clotilde, étudiante en journalisme, cela passe par des gestes concrets. Il lui arrive ainsi d'oublier exprès son téléphone dans sa chambre pour ne pas être tenté d'y revenir pendant la journée.

Quant à moi, je le laisse souvent au fond de mon sac, en silencieux, quand je partage un repas avec quelqu'un. De temps en temps je n'ai ni sac, ni poche libre, alors il finit sur la table, mais toujours face au sol, de peur d'être dérangé par une notification intempestive.

Certains, comme Domitille, étudiante en finances, refusent de fréquenter les réseaux sociaux et mettent un terme à leurs sirènes incessantes de notifications pushs. Whatsapp, mail et téléphone suffisent, selon elle, pour garder contact avec tout le monde. Ses SMS sont tous silencieux même en mode vibreur, mais elle les voit sur son écran d'accueil, sous la forme d'alertes. Pour elle, ce sont les appels qui priment. Très souvent en vacances, à la plage ou en montagne, son appareil est en mode avion.

Chasser l'artificiel, il revient au galop

Il m'est arrivé de faire une expérience. Pendant quelques semaines, je suis passé à 100% de notifications supprimées. Je n'étais plus du tout prévenu à la réception d'un SMS. Ni son, vibreur ou bandeau, ni pastille rouge qui indique le nombre de messages non lus. C'était à moi d'aller dans l'application pour vérifier si j'en avais.

Je me croyais maître de mon téléphone, "il ne me force pas d'un bip, c'est moi qui décide de l'allumer". C'était avant de développer une forme plus subtile de dépendance. Sans notification, j'ai commencé à prendre peur de manquer un SMS important (ce qui est arrivé une ou deux fois). Les anglo-saxons appellent ça la Fear Of Missing Out (FOMO), angoisse typique du possesseur de smartphone.

Pour me calmer, j'allais de plus en plus sur l'application SMS, sans raison, pour être sûr de ne rien perdre. J'ai arrêté après avoir pris conscience de ce que ma mesure avait de contre-productif: moins j'avais de notifications, plus je passais de temps à vérifier qu'effectivement je n'en n'avais aucune...

Digital détox hebdomadaire

Domitille aimerait bien passer le dimanche loin de son smartphone mais c'est très rare. Il faut une organisation chirurgicale, avoir fixé le point et l'horaire de rendez-vous pour déjeuner avec un ami la veille, et avoir pensé à mémoriser le trajet, écrit le code du digicode... Un planning qu'elle n'a pas pu respecter souvent mais à chaque fois qu'elle y parvenait, c'était une bouffée d'oxygène.

Tous les vendredi de l'année scolaire, Clotilde, étudiante en journalisme, a désinstallé Facebook, Instagram, Twitter, supprimant ainsi les fichiers "cache", accumulés progressivement en mémoire, et qui ralentissaient le téléphone. Elle ne les ré-installait que le lundi. Le cerveau et le silicium repartaient ainsi tous frais pour la semaine.

En temps normal, "c'est automatique, affirme Clotilde, quand je vois les applications, au moment où j'ouvre un SMS pour deux secondes, je clique sur Facebook, et j'y passe 10 minutes". On lit beaucoup moins de livres quand on a beaucoup d'applis". Le choix est donc vite fait. Cette habitude de digital détox a commencé peu après avoir testé un outil permettant de cacher le fil d'actualité de Facebook, conseillé par une amie.

La "brique", arme ultime pour faire une pause

Tous ces problèmes ne viennent qu'avec le smartphone. Avant d'entrer cette année en master de Finance et Stratégie, Domitille était équipée d'une "brique, un neuf touches, incapable d'Internet", ce qu'après l'avènement du smartphone, on a pu appeler -par contraste- dumbphone.

vieux téléphone

vieux téléphone

© / L'Express

Beaucoup y reviennent. C'est le cas de Jean-Baptiste, étudiant en droit, qui passait quasiment deux heures par jour à regarder des vidéos de foot, en amphithéâtre, à l'université. Depuis six mois, il a fait un pari avec lui-même: se remettre au dumbphone. Il estime ainsi avoir gagné une heure "de vie" par jour.

Mais cette victoire dont il est fier ne parvient pas tout à fait à masquer son inquiétude pour l'année prochaine: étudiant en échange en Italie, il ne pourra pas se passer de Whatsapp, pour échanger avec sa famille, et devra retrouver son smartphone, et les tentations qui vont avec...

Depuis qu'elle s'est équipée d'un téléphone qui lui permet d'aller sur internet, Domitille en reconnaît certains avantages: "Je me perds moins dans Paris grâce à Google Maps, je me retrouve aussi plus facilement dans mes SMS triés par conversation, ce qui n'était pas le cas avec mon ancien téléphone". Mais il y a aussi beaucoup d'inconvénients: perte de temps, de capacité de concentration, ou simplement de mémorisation du plan de métro.

Les jeunes contrôlent plus leur smartphone que leurs aînés

Evidemment, ces petits trucs ne sont pas innés, chacun a mis du temps à trouver ses propres réglages, parfois au prix de quelques disputes familiales. Longtemps les parents d'Alexandre -aujourd'hui jeune ingénieur- ont dû demander à leurs enfants d'éteindre les portables, avant de passer à table. Non sans mal. Les lasagnes du dimanche soir refroidissaient souvent le temps que leur mère les arrachent des écrans de téléphones sur lesquels ils jouaient aux jeux vidéos.

"Maintenant que nous sommes grands, supposés éduqués et que nos smartphones et tablettes réunissent de nombreuses fonctions, les rôles se sont paradoxalement inversés", explique Alexandre. Ce sont souvent les parents qui sortent "les joujous électroniques à table" sans retenue. Et ce sont les enfants qui aimeraient faire des pauses.

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