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Faute de visibilité, le commerce de gros peine à recruter

Le grossiste livre par exemple les médicaments dans les pharmacies, les fleurs chez le fleuriste ou encore le matériel électrique chez l'artisan.

Le grossiste livre par exemple les médicaments dans les pharmacies, les fleurs chez le fleuriste ou encore le matériel électrique chez l'artisan. - Martin Bureau - AFP

Pour approvisionner les professionnels des grandes métropoles mais aussi des villages, les grossistes sont à la recherche de chauffeurs livreurs. Un emploi non délocalisable et qui offre des possibilités d'évolution, mettent en avant les spécialistes du secteur.

"Une vraie pénurie": à la Berrichone, PME qui livre les artisans boulangers-pâtissiers d'Ile-de-France, on peine à recruter des chauffeurs-livreurs, illustrant les difficultés du commerce de gros à se faire connaître.

Rouage indispensable de l'économie, le commerce de gros, fort de ses 150.000 entreprises employant près d'un million de personnes, pèse près de 800 milliards de chiffre d'affaires. Le grossiste livre par exemple les médicaments dans les pharmacies, les fleurs chez le fleuriste, le matériel électrique chez l'artisan ou encore les repas dans les cantines et les hôpitaux.

Des emplois ouverts à des jeunes non-qualifiés

Pourtant, "le commerce de gros semble invisible", regrette le président de la Confédération du commerce de gros et international (CGI), Philippe Barbier, dans son rapport d'activité 2017. Ces entreprises, des PME à 95%, approvisionnent pourtant chaque jour les professionnels "des grandes métropoles jusqu'au plus petit village".

"Partout, nous créons des emplois non +délocalisables+, y compris pour des jeunes non-qualifiés", le secteur recrutant 90.000 personnes par an, souligne Philippe Barbier.

Certes, "je pense que les salariés aiment leur emploi", affirme à l'AFP Vincent Senecaux, secrétaire fédéral de la CFDT-Services, le syndicat majoritaire chez les grossistes, mais "si on avait une grille des salaires un peu plus élevée, plus de personnes seraient incitées à nous rejoindre".

Le service militaire offrait des opportunités de formation

Pour Grégoire Guillemin, directeur de la branche "Délice et Créations" du groupe Pomona, à laquelle appartient La Berrichone, les problèmes de recrutement viennent notamment de l'arrêt du service militaire.

"Avant, on formait les chauffeurs-livreurs à l'armée, ils y passaient le permis poids lourd" et trouvaient facilement du travail après, explique-t-il à l'AFP. "Aujourd'hui, on constate un vrai décrochage dans ce domaine alors qu'en parallèle, le métier de la livraison - et notamment celui +du dernier kilomètre+ - s'est considérablement développé".

Or, soutient Grégoire Guillemin, les perspectives d'évolution interne sont réelles, citant l'exemple d'un employé arrivé sans formation et passé en quelques années de chauffeur-livreur à l'un des meilleurs commerciaux de France de la société.

Pour pallier ce manque, les PME affiliées à la CGI "jouent sur la mobilité interne, l'alternance, la formation continue", souligne-t-il.

Un point sur lequel la CFDT est plus nuancée: "les multi-compétences et la polyvalence des salariés ne sont pas encore assez valorisées", affirme Vincent Senecaux.

Des contraintes de circulation qui pèsent lourd

Pour Hugues Pouzin, directeur général de la CGI, les grossistes sont actuellement confrontés à un autre problème: les contraintes de circulation en centre-ville, "de plus en plus compliquées et techniques". Or, "les stocks (des commerçants) sont portés par les grossistes", qui doivent les approvisionner tous les jours.

"Entre les couloirs de bus, les places de stationnement dédiées à la livraison déjà occupées, la hauteur de nos camions dans les tunnels urbains, etc.", le travail au quotidien des chauffeurs-livreurs se transforme en casse-tête, explique à l'AFP le directeur de la Berrichone, Jean-Louis Benard. Si, à ces contraintes de voirie, s'ajoutent les aléas climatiques, comme les épisodes neigeux de l'hiver dernier, l'activité devient vraiment problématique.

"Et ça ne va pas s'arranger", avance Grégoire Guillemin, les élus "oubliant" souvent l'aspect opérationnel des tâches des grossistes quand ils lancent un nouveau plan de circulation réduisant de plus en plus la place des voitures, et a fortiori des camions.

"D'autant plus que les constructeurs automobiles ne sont pas encore prêts à lancer des poids lourds de 7,5 tonnes hybrides ou électriques", souligne le dirigeant, pour qui chaque tournée est gérée de façon optimale afin de réduire au maximum le bilan carbone.

Malgré tout, le secteur "va bien", soutient Hugues Pouzin, car "on a énormément revu notre stratégie: on ne vend plus des produits, mais du service et des solutions".

Certes, tempère Grégoire Guillemin, mais "nous vivons dans une société où le service n'est pas toujours valorisé".

C.C. avec AFP