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Il y a environ 500 millions d’années, à l’occasion de l’explosion du Cambrien, apparaissaient les animaux pluricellulaires (métazoaires) qui conduiront il y a environ 300000 ans à la naissance de l’Homo sapiens. Et comme le souligne l’historien et professeur d’histoire Yuval Noah Harari dans son best-seller international « Sapiens, une brève histoire de l’humanité », ce qui caractérise l’Homo Sapiens (par rapport à l’Homme de Néandertal), c’est sa capacité à collaborer, à apprendre, à échanger et à communiquer : l’Homo sapiens n’est plus chasseur, mais cueilleur et fourrager, puis cultivateur. Il vit et crée des communautés allant jusqu’à 150 personnes, il transmet de grandes quantités d’informations sur l’environnement extérieur et les relations au sein de la communauté. Et surtout, avec la révolution sociale et cognitive, il crée des mythes, des divinités tribales, des religions, puis des nations et des sociétés anonymes comme Microsoft. Et à chaque fois, en donnant du sens.

C’est la recherche de ce sens profond qui a guidé toutes ces années passées en tant que manager, puis leader, chez Microsoft, entreprise que j’ai intégrée il y a plus de 30 ans. Car ce sens que l’on donne – et que l’on finit aussi par recevoir – est à la fois le moteur et le cap d’un leadership positif.

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Une vision claire de la mission à mener

Le 2 mai 1984, je débutais chez Microsoft, une start-up de moins de 500 personnes dans le monde alors peu connue. Pourtant, son fondateur et CEO, Bill Gates, avait déjà une vision claire de la mission très inspirante que devait avoir l’entreprise : démocratiser l’accès à l’information, en créant la plateforme et l’écosystème logiciel permettant de rêver qu’un jour il y aurait un PC sur chaque bureau et dans chaque foyer.

Savoir définir une telle mission est un moteur puissant. Aristote disait à ce sujet : « Là où vos talents et les besoins du monde se rencontrent se trouve votre vocation ». En d’autres termes, là où les talents uniques de votre organisation rencontrent les besoins du monde réside votre but, votre raison d’être.

Et c’est cette puissance créatrice qui m’a porté et poussé pendant les années 1980, avec de nombreuses équipes Microsoft, à viser des BHAG (Big hairy audacious goals – des objectifs énormes, audacieux et culottés) et à équiper des milliards de PCs avec Windows, puis Office, à entrer dans l’ère du client-serveur, à embrasser l’Internet naissant puis l’informatique d’entreprise.

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Avec de grands pouvoirs viennent de grandes responsabilités

En chemin, j’ai appris et reçu une autre grande leçon de leadership : « Avec de grands pouvoirs viennent de grandes responsabilités ». Ce fut l’ère d’un Windows omni présent et d’une condamnation de la Commission européenne. En ce début des années 2000, alors Président pour l’Europe, le Moyen-Orient et l’Afrique, je fus chargé de redéfinir le rôle des directeurs généraux des filiales de Microsoft dans le monde et décidais de fonder ce rôle sur un leadership responsable. Un leader responsable est un leader qui ne définit pas le succès de ses équipes par la seule performance financière, la satisfaction de ses clients et de ses collaborateurs mais qui sait aussi forger le quotidien et l’âme de l’entreprise au regard de sa contribution sociétale dans chacun des pays où elle opère. Ce fut une période d’humilité, de reconstruction mais aussi de réaffirmation du sens positif de la mission originale de Microsoft, celle de démocratiser l’accès à l’information à plusieurs milliards de personnes sur terre.

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Que manquerait-il sur terre si votre entreprise venait à disparaître ?

Vingt ans plus tard, en février 2014, Microsoft se dote d’un nouveau CEO en la personne de Satya Nadella, qui avait rejoint l’entreprise 25 plus tôt. C’est un tournant. Rapidement s’impose la nécessité de définir une nouvelle mission, de redonner du sens à plus de 100000 employés mais aussi à l’ensemble de nos clients. Une nouvelle mission n’est pas un exercice de communication, ni une auto prophétie, mais fondamentalement doit devenir la raison d’être de l’entreprise. Pour la définir, la question à se poser est : « Que manquerait-il sur terre si votre entreprise venait à disparaître ?

Le mot d’ordre devient : donner à chacun et à chaque organisation les moyens de réaliser ses ambitions. L’aspiration est grande mais surtout inspirante pour les équipes qui embrassent une nouvelle voie, celle de la transformation de nos clients, personne par personne, entreprise par entreprise, ONG par ONG, pays par pays…

La mission en tant que telle ne suffira pas à transformer l’entreprise. Trois autres piliers fondamentaux devront être construits : la Culture, le Concept unique (la proposition de valeur) de l’entreprise véhiculé par ses produits ou services, et bien entendu les Compétences distinctives (humaines, innovation, processus) qui lui permettront d’exécuter sa stratégie avec succès.

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Faire évoluer l’état d’esprit général

Dans tout processus de transformation, se réinventer passe d’abord par une renaissance culturelle. Conscients que nous ne pourrons pas totalement changer une culture d’entreprise très affirmée par plus de 40 ans d’existence, nous sommes résolus à la faire évoluer de manière significative. Nous décidons de développer une culture centrée sur le client, enrichie par la diversité de tous les talents qu’offrent l’entreprise et de faire évoluer l’état d’esprit général vers un « growth mindset ». Finis les « je sais tout » et vive le « je suis prêt à tout apprendre ». Empruntée à la sociologue Carol Dweck, cette philosophie du growth mindset est contagieuse : peu importe son expérience, sa formation, son rang hiérarchique, on doit démontrer son « growth mindset », autrement dit un esprit ouvert et entreprenant au quotidien. On accepte de ne pas savoir et de remettre en cause ses habitudes de travail pour découvrir, risquer, innover sans la peur de l’échec et de la sanction et démontrer ainsi son appétit d’apprendre à chaque instant.

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C’est dans cette perspective que je suis amené à réaliser et déployer le plus grand projet de transformation de l’organisation mondiale des ventes, marketing et opérations de l’histoire de Microsoft en juillet dernier en redéfinissant le rôle, les process et la manière de fonctionner de plus de 25000 collaborateurs dans 190 pays. Je m’applique à porter les trois principes essentiels du leadership de l’entreprise : donner de la clarté à chacun des salariés, leur transmettre une énergie positive et les conduire au succès.

Abandonner l’approche analytique pour plus d’empathie

Plus que jamais je réalise que seule l’empathie peut me permettre de communiquer efficacement avec nos clients comme avec nos collaborateurs. Je m’inspire alors de mon père disparu, lui qui en sa qualité de médecin avait le don de créer une relation si personnelle et si forte avec ses patients. L’approche analytique et rationnelle derrière laquelle je me réfugiais, même si elle peut rassurer, ne peut pas inspirer. Accepter d’être vulnérable pour vivre chaque instant de manière authentique avec les autres et savoir générer une énergie positive sont les seuls vrais moteurs du changement.

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Tolstoï disait vrai : “Chacun rêve de changer l’humanité, mais personne ne pense à se changer lui-même.”

Et pour nourrir cette nouvelle culture, il nous fallait un nouveau concept, la vision d’une intelligence artificielle omniprésente qui se déporte du cloud vers les objets, quels qu’ils soient. C’est ce que nous réalisons tous les jours avec les plus grandes entreprises, mais aussi des PME, des start-up, des administrations publiques ou encore avec celles et ceux qui en ont le plus besoin.

Donner du sens mais aussi en recevoir

C’est ainsi que nous avons bâti un modèle prédictif de décrochage scolaire pour les enfants scolarisés dans l’état d’Andra Pradesh, au sud de l’Inde. Développé par l’algorithmique de notre moteur de machine learning sur notre plateforme cloud Azure, il permet de baisser significativement le décrochage scolaire en attaquant le problème à la source auprès des enfants les plus à risque parmi les cinq millions d’étudiants dans plus de 10000 écoles.

C’est en permettant à de multiples organisations et personnes de réaliser leurs ambitions partout dans le monde que nos collaborateurs et nos leaders se nourrissent de sens au quotidien. Ce sens reçu et donné génère une énergie positive incroyable auprès de chacun des salariés, et devient un véritable moteur de la transformation d’entreprise.

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Voilà plus de deux ans aussi que j’entreprends ma propre transformation au contact régulier de plusieurs centaines de jeunes qui veulent changer le monde. Des jeunes qui innovent au service de l’intérêt général à l’image de Yassine qui, à travers son projet Humans Relais, développe des solutions numériques pour aider les personnes sans abri, de Kayoum qui révèle le marché caché des compétences avec Whire et propose des alternatives aux personnes éloignées du marché du travail ou encore de Cassandra qui recycle et transforme les déchets plastiques en entreprise avec sa machine Plast’if. Aujourd’hui, plus de 300 jeunes ont rejoint la communauté des « Entrepreneurs for Good », inspirant et développant l’action de Live for Good, une association que j’ai cocréée avec ma famille et qui a pour mission de révéler le potentiel de jeunes venus de tous les horizons par l’entrepreneuriat social et le numérique.

Live for Good leur propose un programme de formation et d’accompagnement complet afin de leur permettre de lancer leur start-up sociale. Et puis surtout, j’ai le grand plaisir de coacher individuellement chacun des cinq lauréats de l’année du Prix Gabriel un samedi par mois, et de recevoir en plein cœur le sens qu’ils donnent à leur projet et avant tout à leur vie.

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Donner du sens à l’action de son entreprise, comme à sa vie, c’est se poser la question essentielle du « Pourquoi ? ». L’écrivain, essayiste et humoriste américain Mark Twain avait bien saisi l’essence de cette question lorsqu’il disait : « Les deux jours les plus importants de votre vie sont le jour de votre naissance et le jour où vous découvrez pourquoi [vous êtes né] ». Trouver la réponse à cette question constitue un formidable espoir et une chance à saisir pour cette nouvelle génération d’entrepreneurs et de leaders positifs.

Jean-Philippe Courtois sera l’un des intervenants de la 3ème Nuit de l’entreprise positive, qui aura lieu jeudi 30 novembre, à Lyon, et dont Harvard Business Review France est partenaire.

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