Travail : à quoi rêvent (vraiment) les jeunes diplômés ?

Notre série « Tribunes RH »  propose aux experts des questions RH et aux acteurs du recrutement et de l’emploi de prendre la parole sur Mode(s) d’Emploi. Cette semaine, Isabelle Bastide, Présidente du cabinet de recrutement spécialisé PageGroup se penche avec nous sur les aspirations professionnelles des jeunes diplômés. Qualifiés de « zappeurs », slasheurs, tour à tour inquiets pour l’avenir ou confiants, difficile de savoir ce qui les caractérise vraiment. Et peut-on vraiment faire des généralités ? Rien n’est moins sûr selon Isabelle Bastide. 

Les Millennials, une génération que l’on aime analyser…

Les Y, comme on aime à les catégoriser, sont d’ores et déjà dans les entreprises. Nombre d’entre eux sont même déjà à des postes d’encadrement. Ce sont les Z qui aujourd’hui font leurs débuts professionnels et frappent à la porte de l’entreprise. On lit beaucoup de choses sur ces populations : certains veulent de la sécurité, d’autres rêvent de grands groupes, d’autres enfin ne jurent que par les start-up et les aventures humaines qui s’y rattachent.

D’ailleurs aujourd’hui, à quoi associerait-on la « sécurité de l’emploi » ? Historiquement, on rapprochait cela de la fonction publique, du secteur bancaire parfois ou de grandes firmes industrielles. Des entreprises dans lesquelles on faisait carrière, parfois de génération en génération. Le modèle a changé.

Avant tout, ce que recherchent les candidats les plus juniors aujourd’hui, c’est une entreprise dans laquelle ils puissent s’exprimer, retrouver de la convivialité et une certaine flexibilité. Une entreprise qui « vive ». Les jeunes portent peut-être plus aujourd’hui un intérêt au dynamisme de l’entreprise, à l’ambition qui s’en dégage. C’est pourquoi les start-up ou les entreprises innovantes ont la cote.

Ces générations sont nées dans des environnements en mouvement, dans lesquels les technologies ont semblé tout accélérer : ils supportent de ce fait moins l’inertie que toléraient peut-être mieux leurs aînés.

Aujourd’hui plus qu’hier, une quête de sens dans le travail

C’est certain, il y a aujourd’hui plus qu’hier une quête de sens dans le travail. On doit pouvoir y trouver une satisfaction personnelle. Malgré un contexte économique difficile entre 2008 et 2016, on a pu observer que les jeunes professionnels refusaient certains compromis.

Les missions doivent intéresser, permettre l’épanouissement, et idéalement être en accord avec certaines valeurs. On accepte moins qu’hier la répétition des tâches, la stagnation, l’enfermement. Pour autant, dire que les plus jeunes sont aujourd’hui tous prêts à faire des concessions sur les niveaux de rémunérations pour privilégier un poste ou une entreprise dans lesquels ils pourront s’épanouir n’est pas une réalité. Ils ont néanmoins une réelle conscience des changements profonds du marché et acceptent mieux la flexibilité actuelle, qu’ils n’associent plus tant à « un manque de sécurité » qu’à un « vecteur d’opportunités » (expériences diverses, développement de nouvelles compétences, élargissement du réseau pro…).

L’équilibre vie pro/vie privée, véritable leit motiv pour les jeunes

Ce point est un vrai marqueur de la nouvelle génération de professionnels qui entrent sur le marché du travail. Il y a un réel refus de « subir » son travail et de laisser sa vie professionnelle empiéter sur sa vie privée. Peut-être un refus de reproduire un schéma vécu, observé à la maison, chez les parents, voire grands-parents parfois. Attention, cela ne signifie pas, loin de là, que les jeunes ne sont pas investis dans leurs missions ou engagés dans leur travail. Ils ne le sont pas moins que leurs aînés. Mais les modes de travail, de management, les outils : tout a évolué. Les influences extérieures se ressentent plus fortement : les expériences ramenées de l’étranger par exemple par la génération Erasmus ont participé des changements que l’on connaît dans l’entreprise française aujourd’hui.

Paradoxalement, comme nous l’évoquions dans notre étude « Blurring : quand le professionnel et le privé se confondent », les jeunes qui s’attachent à maîtriser leur équilibre vie pro/vie perso tolèrent, sous l’influence des outils numériques et mobiles notamment, l’intrusion du pro dans leur vie privée et intègrent également largement le privé dans le travail. C’est donnant-donnant mais il y a une vraie vigilance pour ce qui est du « temps privé ». Le « blurring » se fait jusqu’à un certain point, il est relativement contrôlé.

Cesser d’orienter les jeunes vers des filières sans débouchés

Il y a beaucoup de choses à améliorer en France pour mieux lier éducation, formation et emploi et ainsi faciliter l’insertion des jeunes. Les deux principales problématiques des jeunes lors de leur entrée sur le marché du travail sont le manque d’expérience professionnelle et le manque d’adéquation entre leur formation initiale et les profils effectivement recherchés par les entreprises.

Il nous faut inclure dans la réflexion de la formation initiale et de l’orientation la question fondamentale de l’adéquation entre l’offre de compétences disponible et la demande du marché. Nous ne pouvons pas continuer d’orienter massivement des jeunes vers des filières sans débouchés alors même que d’autres souffrent d’un déficit de candidats.

Pour sortir de l’inadéquation persistante entre offre et demande, il paraît essentiel de formaliser la collaboration entre les établissement d’éducation et d’orientation, les entreprises et l’Etat. Les acteurs de l’emploi les plus au fait de la réalité du marché devraient pouvoir transmettre aux organismes d’orientation les données clés qui garantiront une insertion facilitée aux jeunes.

« Les entreprises qui font rêver sont celles qui dégagent des valeurs fortes »

Quelles entreprises les font rêver aujourd’hui ? C’est avant tout l’ADN d’une entreprise, l’histoire qu’elle raconte, ses valeurs, ce qu’elle représente qui selon moi attire ou non. Il serait erroné d’affirmer : « les jeunes rêvent tous de start-up » ou « les jeunes rêvent de Google ou Airbus » ; ce n’est vrai que pour certains. Les entreprises qui font rêver sont celles qui dégagent des valeurs fortes, et dans lesquelles il est possible d’entrevoir différents parcours et opportunités d’évolution.

Il faut savoir parler « projet », afin que le collaborateur puisse se projeter dans l’entreprise. Une entreprise qui n’est pas innovante dans ses propositions prend un risque avec les jeunes générations que l’inertie rebute. Il faut réintégrer de l’humain dans l’entreprise si l’on souhaite voir les plus jeunes s’y épanouir car la liberté, les perspectives d’expression du potentiel (d’évolution donc) et de la personnalité, la convivialité et la flexibilité sont clairement des éléments clés dans la rétention des jeunes talents. 

Isabelle Bastide est Présidente du cabinet de recrutement spécialisé PageGroup (Page PersonnelMichael Page, Page Executive, Page Outsourcing). Elle est l’auteure du livre Le Recrutement réinventé (Cherche Midi éditeur). Ses prises de parole sur les questions d’acquisition des talents, de diversité, d’égalité des chances et de gestion du changement en entreprise en font un intervenant clé sur les thématiques liées à l’emploi. Suivez @IsabelleBastide sur Twitter.

(Photo : istockphoto.com/AJ_Watt)

Sujets liés : Jeunes diplômésTémoignages
  • EMANA BONIFACE,

    je suis bien flatté de ces situations qui donnent de l’espoir qu’ on peut être intégré.
    Pour moi,c’est encourageant motivant.
    J’attends une convocation pour un entretien.
    malgré que je reste au cameroun.

  • hamza tayachi,

    j’ai besoin de trouver un emploi d’être un homme de valeur et merci
    bien cordialement ..

  • James,

    Je me permet de rebondir sur l’équilibre vie privée/vie professionnel. Je ne sais de quelle lettre je fais parti mais je suis né en 1978 et je suis arrivé sur le marché du travail en 2003 après mes études. J’estime que je suis issu d’une génération à qui on n’a rien laissé passer. Et pour ce qui est de subir je ne crois pas c’est par choix que les gens bafouent leur vie perso mais par obligation. Je suis consterné de voir que le problème des diplomes sans débouchés ne soit pas non plus résolu celà fait 15 ans qu’on le sait en forçant tous les jeunes à avoir un Master il ne faut pas se demander pourquoi le marché est satûré

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