Président de la Confédération internationale des sociétés d’auteurs et compositeurs (Cisac), une ONG représentant 4 millions d’artistes issus de 121 pays (des musiciens pour la plupart, mais aussi des écrivains, des spécialistes des arts audiovisuels et visuels…), Jean-Michel Jarre défend les créateurs face aux « monstres d’Internet ». Et ce, alors que la directive sur le droit d’auteur doit être votée par la commission des affaires juridiques du Parlement européen, le 20 juin à Bruxelles, avant son adoption définitive, début juillet. Le pionnier de l’électro, qui a pesé de tout son poids pour influencer le texte, doit expliquer son point de vue aux parlementaires européens, le 26 juin.
Quels sont, pour les créateurs, les enjeux du vote de la directive sur le droit d’auteur dans le marché unique numérique ?
Ce qui se joue, c’est le futur des créateurs, de notre culture, et le rayonnement de nos artistes. Les enfants qui rêvent de devenir photographe, écrivain, cinéaste ou musicien passeront à côté de leur rêve si on ne détermine pas un modèle économique juste pour le XXIe siècle en matière de diffusion et de consommation de la culture dans le monde à travers Internet et les nouveaux médias. Pour autant, il ne s’agit pas de stigmatiser les grands acteurs du Web, et de dire que les GAFA (Google, Apple, Facebook et Amazon) sont nos ennemis. Ils peuvent être nos interlocuteurs et nos partenaires potentiels.
Que demandez-vous précisément ?
Bruxelles doit définir un cadre législatif, pour nous permettre d’entrer en négociation avec des acteurs comme YouTube, qui se définissent comme des plates-formes de stockage et d’archives, et non des plates-formes de contenu.
Pourquoi ? Parce que la loi permet qu’elles ne paient pas de droits. Google et YouTube en jouent depuis des années. Pour n’importe qui, la première plate-forme de streaming, c’est YouTube. Seul Google ne le reconnaît pas.
Le défi est de parvenir à lutter contre des gens qui ont développé des choses formidables il y a une vingtaine d’années dans leurs studios et ont créé des monstres, au sens étymologique du terme. Ils n’ont pas pris en compte les dommages collatéraux qu’ils pouvaient engendrer. Refuser de réglementer Internet au nom de la liberté d’expression, c’est comme refuser le code de la route au nom de la liberté de circulation.
Comment faire pour que YouTube rémunère enfin les créateurs comme Spotify ?
C’est extrêmement simple. YouTube doit être considéré, dans la loi, comme une plate-forme de services au même titre que Spotify ou Deezer. Or, aujourd’hui, l’écart de rémunération va de 1 à 20 entre YouTube et Spotify. La valeur de la création a été transférée à ceux qui la distribuent. C’est tout le problème.
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