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Des députés proposent des quotas individuels de carbone pour limiter les trajets en avion

Les députés Delphine Batho (Génération écologie) et François Ruffin (La France insoumise) ont présenté une proposition de loi visant à instaurer des quotas carbone individuels pour limiter l’usage de l’avion, mardi 30 juin à l’Assemblée nationale.

L’idée est d’instaurer un « quota maximal de kilomètres aérien par personne » et par an, expliquent-ils dans l’exposé des motifs de la loi. Ce quota, fixé par décret pour une durée de cinq ans et transférable à l’année suivante s’il n’est pas consommé, concernerait d’abord les transports individuels de loisir puis, à compter du 1er janvier 2023, les transports professionnels — un quota serait alors attribué aux personnes morales (entreprises, institutions). Il ne serait pas applicable aux trajets vers et depuis la Corse, les DOM-TOM et la Nouvelle-Calédonie, aux rapprochements familiaux et aux déplacements « strictement nécessaires aux besoins familiaux ou de santé », précise le texte de loi.

Par ce biais, les députés espèrent entraîner une décroissance du transport aérien, fortement émetteur de gaz à effet de serre et source d’aggravation des changements climatiques. « L’avion est hyper-émetteur, une gabegie : un aller-retour Paris-New-York en classe économique — 11.700 kilomètres — émet une tonne équivalent CO₂ par passager, rappellent-ils. Le trafic aérien explose : plus 2 milliards de passagers supplémentaires entre 2009 et 2019. Avant l’épidémie de Covid-19, les émissions de gaz à effet de serre liées à l’avion augmentaient de 5 % par an. Selon une étude du Shift Project, sur les cinq dernières années, le trafic mondial, en passagers.km, a augmenté en moyenne de 6,8 % par an, soit un doublement tous les dix ans (...) L’aviation représente entre 5 et 8 % des émissions mondiales, et près de 10 % des émissions françaises. »

De plus, ces émissions sont le fait d’une frange privilégiée de la population, indiquent-ils : « En France, l’essentiel de la clientèle du transport aérien est dans les 8e à 10e décile. On estime d’ailleurs que 15 % des Français n’ont jamais pris l’avion, tout comme 80 % des humains. L’avion, c’est le symbole d’une classe privilégiée, de sa capacité à sauter d’un continent à l’autre, à se tenir au-dessus du monde. »

Or, la plupart de ces trajets en avion ne correspondent pas à un « besoin vital », estiment-ils : « Selon la DGAC [Direction générale de l’aviation civile] elle-même, la moitié des déplacements en avion sont réalisés pour les loisirs, 28 % pour motifs professionnels et 23 % pour d’autres motifs - dont la visite à de la famille. » Ils plaident donc pour « relocaliser le tourisme, le “désavionniser” » : « L’idée est de permettre aux Français de faire un grand voyage, mais pas tous les ans, et encore moins plusieurs fois par an. »

Par cette proposition de loi, Mme Batho et M. Ruffin espèrent « lancer le débat sur un système de quotas équitables pour organiser la décroissance du trafic aérien », alors que « le gouvernement a offert 7 milliards d’euros de prêt garanti à Air France sans contreparties ni écologiques ni sociales. Il a ensuite annoncé un plan de soutien à l’aéronautique de plus de 15 milliards d’euros sans aucune perspective de transformation radicale du secteur ». Ils ne sont pas les premiers à s’emparer de la question ces derniers jours : les 150 membres tirés au sort de la Convention citoyenne pour le climat ont proposé parmi leurs mesures l’interdiction des vols intérieurs quand une alternative ferroviaire existe à moins de quatre heures de trajet de trajet ; vendredi 26 juin, une trentaine de militants écologistes d’Extinction Rebellion ont bloqué une piste de l’aéroport francilien d’Orly pour réclamer l’interdiction des vols intérieurs.

Le 22 juin, le gouvernement avait déjà annoncé l’interdiction de toutes les liaisons intérieures desservies par le train en moins de deux heures et demie, annonce reprise lundi 29 juin par Emmanuel Macron face à la Convention citoyenne pour le climat.

  • Source : Delphine Batho (courriel)
  • Photo : Pxhere
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