Céline Anaya Gautier en pèlerinage à Compostelle

par Céline Anaya Gautier
Les + du mag En 2018-2019

Ce chemin vers le sanctuaire espagnol, la photographe franco-péruvienne l’a emprunté huit fois entre 2003 et 2019. Plus de 7.000 kilomètres parcourus pour profiter de la beauté des paysages et trouver l’apaisement au fil des rencontres. Dans Polka#46, elle raconte son expérience spirituelle et photographique. Extraits.

Près de Hornillos del Camino, 2015
© Céline Anaya Gautier.

Mon histoire avec le chemin de Compostelle débute à Paris, en 2003. Je travaillais depuis trois ans à “Cœur de femmes”, un projet sur les SDF, quand l’une d’elles est morte brutalement. Elle s’appelait Maria, elle était péruvienne, comme moi. J’étais très proche d’elle. C’était mon premier sujet, je n’avais que 27 ans et j’avais assisté à la déchéance de cette femme, décédée d’une septicémie foudroyante après avoir été piquée par l’aiguille infectée d’un toxicomane. J’étais allée la voir à l’hôpital, j’étais bouleversée.

Deux jours après l’enterrement, les autres pensionnaires de la Halte Femmes, un foyer d’accueil de jour dans lequel je me rendais depuis plusieurs années, avaient voulu lui rendre hommage. Elles avaient organisé une cérémonie au cours de laquelle elles avaient toutes récité une prière, chacune dans leur langue. C’était magnifique. J’ai fondu en larmes, je ne pouvais plus m’arrêter.

En sortant de la Halte, j’étais vidée, perdue. J’ai pris le métro et me suis assise face à un couple qui parlait du chemin de Compostelle. C’était la première fois que j’entendais ce nom. De retour chez moi, j’ai fait quelques recherches sur Internet. Et le lendemain, sur un coup de tête, je me suis acheté un sac à dos et suis partie pour Saint-Jean-Pied-de-Port, la ville d’où s’élancent la plupart des pèlerins. […]

Chemin vers Olveiroa, 2016.
© Céline Anaya Gautier.

Depuis, je suis repartie sept fois. J’ai marché plus de 7.000 kilomètres. J’ai abandonné à deux reprises. Une année, j’ai démarré à la porte de chez moi, à Montreuil, et je suis arrivée jusqu’à Saint-Jacques, la dernière étape. J’ai rencontré des centaines de pèlerins: Hugo, Ricardo, Martha, Marcel… J’ai emmené mon fils Santiago, 7 ans, en 2014, pour son passage de “petit homme”. Il a parcouru 1.200 kilomètres en quarante-deux jours. J’ai demandé à ma mère, 72 ans, de m’y accompagner l’an dernier.

Compostelle offre une expérience d’introspection incroyable. Vous avez beau l’avoir fait plusieurs fois, les paysages ne vous rendent jamais la même chose. Tout dépend de l’état, physique et psychologique, dans lequel vous êtes. […]

En 2010, j’étais à nouveau complètement paumée face à ce métier de photographe que j’exerçais depuis peu de temps. C’était à la suite de mon deuxième projet, “Esclaves au paradis”: j’avais passé six mois dans les champs de canne à sucre entre Haïti et la République dominicaine pour dénoncer l’esclavage qui y sévissait. Ce travail avait connu pas mal de succès, des publications, de l’affichage dans le métro… Ça avait été très rapide et ça se produisait très tôt dans ma carrière. Que faire après cela? Comment continuer? Je suis partie sur le chemin avec toutes ces questions. […]

Fisterra, 2004.
© Céline Anaya Gautier.
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