Editorial

L’étincelle d’un meurtre raciste : fait exploser la colère sociale

fait exploser la colère sociale

C’est une véritable révolte qui traverse les États-Unis. Tous les jours, des centaines de milliers de personnes manifestent dans des dizaines de villes dans tout le pays. Dans une vingtaine d’États, la Garde nationale a été déployée. 5 000 personnes ont été arrêtées. Mais, le 2 juin, les manifestants bravaient toujours les couvre-feux et ne désarmaient pas.

Comment ne pas être révolté face à ce meurtre terrible, de sang-froid, face à ces policiers qui tuent en public un homme menotté et à terre, qui crie sa détresse et dit qu’il va mourir ? Ce qui est arrivé à George Floyd, tant de Noirs l’ont subi. Depuis l’époque de la ségrégation et des lynchages, tant d’entre eux sont morts aux mains des Blancs, pour n’avoir pas été suffisamment dociles ou tout simplement pour avoir été au mauvais endroit au mauvais moment.

Les policiers qui ont étouffé George Floyd pendant neuf interminables minutes ont fait comme bien d’autres avant eux, y compris récemment. Si leur crime n’avait pas été filmé et diffusé, c’est leur rapport mensonger invoquant un « incident médical » qui aurait fait foi. Et encore a-t-il fallu des jours de mobilisation pour qu’un seul policier soit inculpé et emprisonné. Dans l’immense majorité des cas, les policiers meurtriers ne sont même pas inquiétés.

Les États-Unis, ce pays qu’on nous présente souvent comme un modèle, se sont construits sur l’esclavage. La ségrégation et l’exploitation féroce de la main-d’œuvre libre lui ont succédé pour bâtir le capitalisme moderne. Aujourd’hui, le racisme et les discriminations pèsent toujours sur les Noirs, cette partie des prolétaires qui ont les emplois les plus durs et les salaires les plus bas, habitent les logements et les quartiers les plus pauvres, quand ils ne peuplent pas les prisons. Ils ont été plus durement frappés que les autres par le coronavirus. D’une certaine manière, les travailleurs blancs pâtissent également du racisme, car la domination du grand capital s’est appuyée sur cette division entre les Blancs pauvres et les Noirs pauvres.

Peut-être ce racisme est-il aujourd’hui moins général qu’à une époque, comme en témoigne la participation de nombreux jeunes Blancs aux manifestations. Mais il reste omniprésent, comme l’illustre la présidence de Trump. Fils d’un proche du Ku Klux Klan, élu en fustigeant les Noirs et les migrants, Trump surenchérit ces jours-ci, dans des appels à tirer sur les protestataires. À l’approche de la présidentielle, il mise sur la démagogie raciste et sécuritaire la plus crasse.

Le vent de révolte actuel résulte aussi sans doute de la dégradation brutale des conditions de vie de la classe ouvrière américaine. George Floyd vivait de petits boulots. Il avait été camionneur, puis agent de sécurité dans un restaurant. Depuis le confinement, il était sans emploi. Il a été tué non seulement parce qu’il était noir, mais aussi parce qu’il était pauvre. Cette pauvreté est celle de dizaines de millions de personnes, dans le pays le plus riche au monde, dont il y a encore six mois on nous vantait ici la croissance et le plein-emploi. 40 millions d’Américains viennent d’être mis au chômage et ne peuvent plus payer leur loyer ni leurs crédits, voire font la queue à l’aide alimentaire. Le coronavirus a exacerbé la guerre que la bourgeoisie fait aux prolétaires, jetés à la rue pour que les profits capitalistes soient préservés. Alors, aujourd’hui, tout le système craque.

Les dirigeants démocrates courent après Trump : les uns après les autres, Joe Biden en tête, ils condamnent les émeutiers avec des mots plus durs qu’ils n’en ont vis-à-vis des flics meurtriers. Dans les villes et les États qu’ils dirigent, ils envoient la troupe contre les manifestants. Fondamentalement, leur responsabilité vis-à-vis de la bourgeoisie est de défendre cet appareil d’État barbare, qu’ils dirigent à tour de rôle avec les républicains. Sous Obama, président pendant huit ans, la condition des Noirs ne s’est pas améliorée. Tout cela explose aujourd’hui.

Malgré toutes les différences avec les États-Unis, ce qui se passe là-bas concerne tous les travailleurs d’ici, en France et en Europe. Les violences policières, le racisme, le chômage massif sont les ingrédients connus des émeutes des États-Unis, mais la colère est salutaire car elle peut ouvrir des perspectives. À la base du racisme et de l’oppression des Noirs, il y a le système capitaliste, et il faut espérer que la révolte trouve les voies pour s’en prendre à ce système. Si c’était le cas, elle serait porteuse d’un espoir immense pour tous les travailleurs. Les prolétaires des États-Unis, quelle que soit la couleur de leur peau, mais aussi tous ceux qui se situent de ce côté-ci de l’Atlantique, ont besoin d’en finir avec un système économique et social en faillite.

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