[Prédictions 2019] Jérémie Herscovic (SoCloz) : Allons enfants de la Patrie du retail !
Tous les jours, LSA vous propose les prédictions d'un expert du retail pour 2019. Aujourd’hui Jérémie Herscovic, le président de SoCloz, pointe un semblable sentiment de spleen qu’inspirent à la fois le pays France et secteur «retail ». Et il appelle à la mobilisation autour d’un programme de sortie de crise autour 4 grands axes : la proposition de valeur, l’expérience client, le modèle logistique et l’infrastructure technique.
Si le retail physique était un pays, ne s’appellerait-il pas France ?
Il est saisissant de voir la similitude dans le sentiment de spleen qu’inspirent tous deux France et Retail quand il s’agit de leur situation respective. Remplacez le mot France par retail, et vous en saisirez le parallèle troublant. « En France/retail, le sentiment de déclassement prédomine depuis de nombreuses années », « Les fermetures se multiplient », « La France / Le retail représente l’ancien monde, un monde dépassé par un autre émergent plus moderne », « C’est le modèle de la France / du retail qui est à revoir. ».
Par quel programme de transformation le retail doit-il passer ?
Le déclassement : une accumulation d’erreurs depuis 40 ans, pas une fatalité
Il est vrai que le retail traverse une crise importante. Une crise qui ne date pas de l’avènement du « nouveau monde » e-commerce, mais qui est bien plus ancien et a pris sa source, à l’image de la France, dans l’accumulation de freins depuis 40 ans.
La baisse de la part des dépenses des ménages dans le retail est une cause fondamentale qui s’explique par la hausse des prix de l’immobilier (+5% par an !!) et l’avènement de nouveaux types de dépenses (ex : abonnement téléphonique, services musiques et films, chaines de télévision payantes, etc.). L’avènement d’acteurs émergents puissants, parfois mondiaux, venant du continent E-commerce est venu se greffer par-dessus en accentuant la pression concurrentielle sur le retail. Au final, pris dans un étau concurrentiel, le retail subit une lente mais certaine baisse d’attractivité.
Le questionnement récurrent sur une éventuelle mort du retail a aussi peu de sens que si France se substituait au mot Retail... et s’apparente à une vision populiste extrême du retail. Représentant 85% des ventes de détail, possédant des atouts considérables et inimitables par l’e-commerce, il s’inscrit dans le temps. Cependant, en pleine tourmente, il doit opérer sa révolution, son 1789, pour libérer son peuple et ouvrir une phase de reconquête.
Le programme pour une sortie de crise
Pas besoin d’un grand débat national retail pour identifier la feuille de route. Le programme de sortie de crise est partagé par les acteurs et tient en 4 grands axes.
Remettre en question sa proposition de valeur
Dans un marché devenu hyperconcurrentiel, la proposition de valeur doit être d’autant plus apparente et identifiable. Les grands leaders du retail gagnent sur 3 axes de différentiations cumulables : force de la marque, force du produit, prix. Tout retailer n’arrivant pas à se positionner comme un leader sur au moins un de ces axes paie systématiquement les frais de l’offre pléthorique (exemples avec Surcouf, Mim). De nombreuses enseignes gagneraient à travailler bien plus sur leur proposition de valeur qui s’est affaissée avec l’arrivée de concurrents directs et indirects. Travailler plus pour gagner plus.
Modernisation de l’expérience client en magasin
La 2ième grande révolution de l’e-commerce tient au standard qu’il a imposé en matière d’expérience client. Habitué au confort shopping de l’e-commerce, les consommateurs sont 67% à ne plus être satisfaits par leur visite en magasin. Ils attendent une expérience sans points de friction : plus de queue en caisse, la possibilité de commander les articles non présents en stock, se faire livrer chez soi en quelques heures, etc. Ces services attendus (web-to-store, web-in-store, ship-from-store) démontrent par ailleurs des retours sur investissements majeurs : +4% de chiffre d’affaires en magasins pour le Click & Reserve, +5% pour la prise de commande, +3% pour les caisses mobiles. L’avènement de ce nouveau magasin remet en cause des piliers historiques du retail : l’organisation des équipes de vente, les schémas comptables ancestraux, mais surtout la notion même de système caisse. Pas de carabistouilles, le système caisse dans sa forme actuelle est voué à mourir. Il laissera place à un unique outil vendeur permettant de gérer l’ensemble de l’expérience magasin mais dont la naissance est lente. Lente de par la disruption qu’elle entraine du côté des éditeurs logiciels historiques qui éprouvent de grandes difficultés culturelles à embrasser cette révolution et qui a entrainé un appel d’air pour des éditeurs d’un nouveau genre (modèle SaaS, approche web, service & accompagnement). Une situation qui n’aide guère les Directeurs des Systèmes d’Informations à aller de l’avant car devant composer entre modernité, intégrité, stabilité.
Revoir son modèle logistique
L’avènement de l’e-commerce a créé un bug dans le modèle logistique des enseignes : une démultiplication des lieux de stockages (stock web, stock central, stocks magasins) entrainant ruptures en stocks par-ci, et surstocks par-là. Un ensemble de communautés de stocks qui ne travaillent pas ensemble au nom du PIB de la nation enseigne. Pour pallier à cela, le retail est en train de rassembler… rassembler en unifiant virtuellement tous les stocks d’une même enseigne afin que toute commande puisse être honorée, tout en diminuant les résiduels. Certaines enseignes ont réussi à gagner près de 4% de chiffre d’affaires en procédant ainsi. Une manière pour le retail physique de redécouvrir la force vive que représentent leurs magasins. Un modèle qui permet par ailleurs d’améliorer l’expérience client en permettant des livraisons en quelques heures. L’heure est au rassemblement !
Modernisation de l’infrastructure technique
Au-delà du système caisse, c’est l’ensemble de l’infrastructure technique qui est concernée par la modernisation du retail physique : l’ERP avec la vision des stocks et le réapprovisionnement, le CRM avec la base client. En effet, disposer des informations complètes sur un client nécessite la mise en place d’une unique base de données clients là où aujourd’hui, c’est un millefeuille de bases de données qui transitent entre administrations. La modernisation de l’infrastructure technique (ERP, Caisse, CRM) autorisera une évolution de l’expérience client online et en magasin, la refonte du modèle logistique, bref, une meilleure exploitation des atouts en présence.
Le jour de gloire va arriver…
Allons enfants de la Patrie du retail, le jour de gloire n’est pas loin d’arriver.
Aux armes citoyens du retail, marchons, marchons vers la refonte de ces piliers.
Patience, car cette refonte prendra plus qu’un quinquennat pour en apprécier les résultats.
Mais le retail est en marche…
L'auteur
Jérémie Herscovic, Président de SoCloz
SoCloz est l’éditeur d’une plateforme omnicanal de digitalisation des points de vente (web-to-store, web-in-store, ship-from-store) leader en Europe avec près de 30 000 points de ventes équipés sur 15 pays