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Générale Boughani : “Les femmes réussissent très bien dans les missions de commandement”

La générale de gendarmerie Bettina Patricia Boughani prendra en janvier le commandement de la composante “police” de la mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation du Mali et y dirigera quelque 1 700 policiers et gendarmes. Dans une interview pour Acteurs publics, elle détaille ses missions. Troisième femme devenue générale de gendarmerie, elle évoque la place des femmes sur les postes à responsabilités au sein de son institution et estime qu’elles “seront encore plus visibles dans les années à venir à tous les niveaux”.

Vous prendrez le commandement de la composante “police” de la mission multidimensionnelle des Nations unies pour la stabilisation du Mali (Minusma) début janvier. Quels sont les enjeux de ce poste ?
Je déclinerai mes interventions au regard du mandat de la Mission de l’ONU pour la stabilisation du Mali, prorogé en juin dernier par le Conseil de sécurité jusqu’au 30 juin 2021. La Mission porte plusieurs enjeux stratégiques prioritaires, parmi lesquels : mettre en œuvre l’accord pour la paix et la réconciliation du Mali ; protéger les civils ; rétablir l’autorité de l’État ; réduire les violences intercommunautaires. Ces priorités sont assumées opérationnellement par des composantes civiles, militaires et de police. Pour la composante “police” de la Minusma, il s’agit particulièrement de fournir assistance et expertise, d’entraîner et de renforcer les services de police de l’État pour favoriser une appropriation locale, d’appuyer les services nationaux dans une planification stratégique et de soutenir la réforme du secteur de la sécurité de l’État. 

Comment le processus de sélection s’est-il déroulé ?
Un appel à candidatures avait été adressé aux 193 États membres de l’ONU en juin, auquel j’ai postulé. Un travail de sélection a été opéré et j’ai été retenue dans une short list pour passer une audition en septembre devant un panel de 3 représentants de l’ONU. La décision m’a été communiquée fin octobre. Je prendrai mes fonctions le 4 janvier et aurai à encadrer quelque 1 700 policiers et gendarmes de nationalités diverses. Cette mission d’un an peut être renouvelée trois fois.

Comment vous préparez-vous ? 
Je m’appuie sur mon expérience au sein de la gendarmerie, que j’avais rejointe à la fin des années 1990. J’ai par ailleurs pris contact avec l’actuel chef de la composante “police” pour échanger sur les responsabilités à assumer et je multiplie les entretiens avec les différents acteurs qui interviennent ou qui travaillent sur les problématiques liées au Mali, tant au sein de la gendarmerie que dans les autres ministères et au-delà. Je lis beaucoup sur le sujet. Je m’entretiens physiquement. J’ai pris quelques conseils également auprès du GIGN sur des conduites à tenir. Je me prépare activement. 

Le vivier de femmes pour occuper les plus hautes responsabilités au sein de la gendarmerie est constitué et les femmes réussissent très bien dans les missions de commandement.

Votre expérience au sein de l’ONU vous sera-t-elle précieuse ?
Je n’ai pas précisément œuvré au sein de l’ONU, mais auprès de la représentation française à New York auprès de l’ONU [de 2012 à 2016, en tant que conseillère “sécurité intérieure” au sein de la mission “Défense” près le représentant français, ndlr]. Bien sûr, ces années à New York, pendant lesquelles je suivais les questions doctrinaires sur le maintien de la paix et apportais une réflexion auprès de la division “Police” des Nations unies, me seront très utiles. J’avais également eu la chance d’être élue parmi mes pairs pendant deux années de suite comme présidente des conseillers “police”, ce qui m’avait amenée à travailler avec la division “Police” des Nations unies. C’est passionnant que de réfléchir à l’approche stratégique des opérations de paix. Mes missions à partir du 4 janvier s’inscrivent donc dans le prolongement de mon parcours. Avec cette fois le défi du terrain. 

La mission très importante que vous allez assumer est aussi un motif de fierté pour la gendarmerie… 
La gendarmerie française est une institution très respectée à l’étranger, au savoir-faire reconnu. La gendarmerie peut exercer à l’international dans un large éventail de situations, en temps de paix, de crise, en milieux dégradés. Elle sait assumer des missions de police du quotidien, répondre à des urgences, faire face aux crises. La division “Police” de l’ONU a développé une approche standardisée sur les métiers de commandement, de reconstruction capacitaire, etc., que je serai amenée à mettre en œuvre en m’appuyant sur mes connaissances acquises au sein de la gendarmerie sur les enjeux opérationnels. Je travaillerai en parfaite coordination avec les composantes militaire et civile. 

Dans quel état d’esprit êtes-vous ?
Je suis très heureuse d’avoir été retenue. Je suis humble également. Et j’attends avec hâte le 1er janvier pour me mettre en action !

Vous êtes la troisième femme de l’histoire de la gendarmerie promue au grade de générale. Les missions de “top management” vous semblent-elles plus accessibles aux femmes aujourd’hui de manière générale ? Un travail de pédagogie sur l’égalité professionnelle est-il toujours nécessaire ?
Il faut rappeler quelques dates : en 1983, un décret ministériel a permis aux femmes d’accéder aux concours des grandes écoles militaires. Les quotas ont été abandonnés en 1997 et en 2002, l’École des officiers de la gendarmerie nationale (EOGN) a ouvert ses concours directs, avec un recrutement ouvert aux femmes comme aux hommes. Ce contexte historique doit être pris en compte quand on évoque ces enjeux d’égalité professionnelle au sein de la gendarmerie nationale. Les femmes sont présentes à tous les niveaux de responsabilités [et des outils ont été développés afin de lutter contre toutes les formes de discriminations, ndlr]. Le vivier de femmes pour occuper les plus hautes responsabilités au sein de la gendarmerie est constitué et les femmes réussissent très bien dans les missions de commandement. Et c’est en voyant des femmes réussir que d’autres auront envie de postuler. Et elles seront encore plus visibles dans les années à venir à tous les niveaux ! Alors que les femmes représentent 50 % de la population française, il faut rappeler que la parité sur les postes du top management est synonyme d’efficacité accrue pour toute organisation.

Propos recueillis par Sylvain Henry

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