A partir du mois de novembre, les députés provinciaux dont le bureau n’est pas équipé d’une couchette disposeront de 300 euros supplémentaires, soit 1.200 euros par mois, pour louer un pied-à-terre dans la capitale, à condition qu’ils renoncent à la prise en charge des nuitées d’hôtel par l’institution. Une décision que les questeurs, chargés de la gestion du Palais Bourbon ont pris d’un commun accord le président Richard Ferrand “pour tenir compte du niveau élevé des loyers parisiens”, selon un rapport interne consulté par l’AFP.

Cette décision, confirmée à Capital mardi 15 octobre a choqué une partie des petites mains de l’Assemblée nationale. À l’image d’Astrid Morne, membre (USCP-UNSA) de l’intersyndicale des collaborateurs parlementaires, qui a carrément jugé l’augmentation de la dotation logement “honteuse”. Avant d’enfoncer le clou sur Twitter en affirmant que “1.200 euros”, c’est parfois le salaire que certains “généreux” députés accordent à leurs collaborateurs”. Sans aller jusque là, on peut légitimement se demander si cette mesure est vraiment nécessaire. Et a fortiori, si elle n’entre pas en contradiction avec les efforts budgétaires volontiers mis en avant par la présidence.

La suite sous cette publicité
Publicité
La suite sous cette publicité
Publicité

Disons le tout net pour éviter les malentendus : aucun des 104 bénéficiaires actuels de la dotation ne s’apprête à louer un loft avec vue sur Seine grâce à l’augmentation du plafond à 1.200 euros. Impossible, au regard du prix moyen du mètre carré en location à Paris, qui culmine à 28 euros selon Meilleursagents.com. C’est encore plus vrai dans le cossu 7e arrondissement, siège du majestueux Palais Bourbon, où le mètre carré atteint cette fois 36 euros, selon seloger. Pour louer un studio (20m2 environ) près de l’Assemblée, il faut donc un budget moyen de 800 à 900 euros, selon les relevés de prix de LocService.fr.

Capture seloger.com
La suite sous cette publicité
Publicité

Une fois ces chiffres en tête, on peut les mettre en parallèle avec le montant de la dotation d’hébergement des députés. Avant la réforme, il était fixé à 900 euros mensuels. Sachant que dans son rapport annuel pour 2018, la déontologue de l’Assemblée nationale avait expressément précisé que la dotation d’hébergement doit servir uniquement à loger “une personne seule”, on peut déduire qu’un studio était donc jugé adapté par l’institution, pour accueillir les députés provinciaux lors de leurs fréquents séjours dans la capitale.

Capture Locservice.com

Il suffit d’un rapide calcul pour s’apercevoir qu’au prix moyen des loyers dans le 7ème arrondissement, près du Palais Bourbon, l’ancien montant de la dotation permettait donc déjà de louer un bien de ce type. Avec une surface certes modeste, située entre 20 et 25 mètres carrés. En cas de dépassement - avec les charges par exemple - les bénéficiaires du dispositif conservaient d’ailleurs la possibilité de piocher dans leur Avance de frais de mandat (AFM) - une indemnité mensuelle de 5.373 euros bruts servant à financer les dépenses liées à leurs fonctions - afin de compléter.

La suite sous cette publicité
Publicité
La suite sous cette publicité
Publicité

Sera-ce toujours le cas avec le passage du plafond à 1.200 euros ? Les questeurs ne l’ont pas précisé. Toujours est-il que les députés éligibles à la dotation logement vont pouvoir louer (un peu) plus grand grâce à cette réforme. Environ 30m2 dans le 7e arrondissement, près de l’Assemblée nationale. Même si elle n’a rien d’extravagant, il n’est pas certain que cette surface soit vraiment nécessaire pour un pied-à-terre destiné à loger quelques nuits par semaine à Paris. Par extension, on peut s’interroger sur l’utilité des dépenses supplémentaires consenties par l’Assemblée, avec la hausse du plafond.

Une politique de rationalisation des dépenses à l'Assemblée

C’est d’autant plus légitime que Richard Ferrand et les questeurs de l’Assemblée nationale se sont engagés dans une politique de rationalisation des dépenses du Palais Bourbon, comme le rapportent nos confrères du Parisien. Bien sûr, l’état-major de l’hémicycle a raison de rappeler que la hausse de la dotation logement est un simple alignement sur celle du Sénat. Ou d’affirmer que cette allocation permet d’alléger significativement la facture des nuitées d’hôtel remboursées aux députés : 350.000 euros de moins en 2019, selon les chiffres fournis à Capital par la questure.

La suite sous cette publicité
Publicité

Mais la réforme de la dotation d’hébergement va aussi engendrer un surcoût non négligeable pour l’institution : 304.500 euros dépensés en plus par an selon les questeurs. Et cela, “au minimum”, précisent-ils à l’AFP... C’est-à-dire dans l’hypothèse, peu probable, où aucun nouveau député ne demanderait à bénéficier de la dotation, désormais revalorisée. Autant dire qu’en matière d’hébergement, “la cure d’austérité” à laquelle a décidé de s’astreindre l’institution risque, dans un premier temps, de produire peu d’effets.

>> À lire aussi - L’Assemblée offre un bonus de 300 euros aux députés qui louent un pied-à-terre à Paris