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Êtes-vous prêt à être recruté par une intelligence artificielle ?

Les entreprises sont de plus en plus nombreuses à utiliser l’intelligence artificielle pour recruter. Si cette technologie permet de gagner en efficacité, elle présente un risque d’uniformisation et de déshumanisation.

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39% des recruteurs aimeraient utiliser l’IA pour recruter leurs candidats, selon une étude du cabinet Robert Walters. (Shutterstock)

Par Amélie PETITDEMANGE

Publié le 3 janv. 2019 à 08:00Mis à jour le 3 janv. 2019 à 10:41

L’intelligence artificielle sera l’arme secrète des recruteurs dans les années à venir, selon l’étude LinkedIn Global Recruiting Trends 2018. 76% des recruteurs interrogés estiment que l’impact de l’IA sur le recrutement sera important.

En Corée du Sud, cette innovation est utilisée depuis mars dernier par le cinquième conglomérat le plus riche du pays, le groupe Lotte. Des milliers de CV et de lettres de motivation ont été analysés par une intelligence artificielle afin de procéder à 800 recrutements. Selon une étude du cabinet de recrutement Robert Walters, 40% des recruteurs et des candidats estiment que les algorithmes leur permettent de gagner du temps et/ou de l’argent. 

Pour certains recruteurs, c’est aussi un moyen de rendre objectif  le traitement des CV, en limitant les biais humains. Est-ce pour autant la fin de la discrimination ? Rien de moins sûr pour Antoine Morgaut, CEO de Robert Walters. “Il y a un risque d’uniformisation. L’intelligence artificielle est programmée pour recruter les mêmes profils que ceux qui sont les plus performants. Or si dans cette entreprise, les hommes réussissent mieux que les femmes, cela ira en s’accentuant. Et qui va dire à l’intelligence artificielle que c’est illégal de favoriser le recrutement des hommes ?”.

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Une DRH virtuelle nommée Vera

Si 39% des recruteurs aimeraient utiliser l’IA pour recruter leurs candidats, seuls 14% le font, selon l’étude de Robert Walters. Cette technologie est majoritairement utilisée dans la tech, où les candidats y sont plus réceptifs, mais s’étend également à d’autres domaines où s'opèrent des recrutements de masse, comme la vente.

Parmi ces entreprises, L’Oréal a utilisé une DRH virtuelle pour recruter en Russie. Développée par la startup Stafori, cette intelligence artificielle nommée “Véra” a déjà séduit 300 entreprises, comme Ikea et Pepsi. En plus de présélectionner les candidats, elle appelle les heureux élus pour leur proposer un entretien téléphonique. Au bout du fil ou devant Skype... c’est encore Véra qui interroge les candidats.

Une intelligence artificielle peut en effet analyser vos intonations et vos expressions faciales, la vitesse à laquelle vous parlez, les mots utilisés… pour sélectionner les profils qui correspondent à l’entreprise.

Une expérimentation qui ne devrait pas se généraliser, selon Antoine Morgaut. “Si trier des milliers de CV automatiquement est un gain de temps formidable, un entretien d’embauche ne prend pas si longtemps. L’intelligence artificielle doit rester un outil complémentaire plutôt que de remplacer le RH”.

Frustration et sentiment d'injustice

A contrario, certaines entreprises vont désormais jusqu’à automatiser tout le processus de recrutement. Antoine Morgaut cite Google, qui reçoit des milliers de candidatures de jeunes diplômés. “Ces jeunes sont les cobayes des nouveaux modes de recrutement. Chez le géant américain, vous déposez votre CV en ligne puis vous passez plusieurs heures devant votre écran à réaliser des tests. Ce genre de méthode génère de la frustration et un sentiment d’injustice si votre candidature n’est pas retenue”.

Selon l’étude de Robert Walters, 62% des candidats estiment que l’usage de l’IA dans le recrutement présente un risque de déshumanisation ou de manque de personnalisation. “Cela explique que ces techniques, bien que plébiscités par les recruteurs, n’explosent pas. Les candidats sont frileux car ils veulent parler à quelqu’un et recevoir des conseils. Il y a une relation qui se tisse avec le DRH de l’entreprise, des éléments émotionnels qui entrent en compte”.

Si les compétences et les diplômes sont importants, le choix de recruter un candidat dépend aussi et surtout de la relation tissée lors de l’entretien, de l’impression dégagée et de ses soft skills que vous avez détectées. Les recruteurs en témoignent : certains candidats qui n’avaient pas le meilleur profil se révèlent excellents sur le poste. “Nos meilleurs recrutements ne sont pas forcément ceux qui étaient les mieux diplômés”, abonde Antoine Morgaut.

Amélie Petitdemange

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