Publicité
Interview

Pour la Sacem, « la directive droit d'auteur n'aboutira pas à un filtrage généralisé »

Le secrétaire général de la Sacem, David El Sayegh, explique pourquoi, post-directive, les internautes pourront toujours utiliser des musiques connues pour leurs vidéos personnelles et pourquoi les artistes débutants pourront toujours reprendre des tubes pour se faire connaître.

David El Sayegh, secrétaire général de la Sacem.
David El Sayegh, secrétaire général de la Sacem. (Lionel Pagès)

Par Nicolas Madelaine

Publié le 10 déc. 2018 à 16:16Mis à jour le 10 déc. 2018 à 17:42

YouTube redouble d'efforts de lobbying avant la dernière ligne droite de la réforme du copyright. Comment réagissez-vous ?

D'abord, nous sommes choqués par cette campagne de propagande. YouTube est censé être une plate-forme neutre. En finançant des youtubeurs pour qu'ils lisent des déclarations contre la directive européenne , elle démontre le contraire, tout est orchestré avec les énormes moyens de Google.

Mais surtout, les informations véhiculées sont inexactes. On cherche à nous expliquer que tout contenu devra être filtré. Or c'est faux. La réalité est qu'il y aura trois situations. La plupart des titulaires de droits voudront que leurs contenus soient sur les plates-formes et négocieront des licences. Il se passera ce qui se passe aujourd'hui. En plus des vidéos officielles, la licence couvrira aussi les actes d'exploitations des internautes, c'est-à-dire les vidéos fabriquées par les internautes contenant des oeuvres protégées. Deuxième situation, les ayants droit ne veulent pas que leurs contenus soient postés par des internautes sur la plate-forme. Dans ce cas, il n'y aura pas de filtrage a priori, comme essaye de le faire croire YouTube . Ce sera aux ayants droit de se manifester auprès des plates-formes avec des informations pertinentes (empreintes digitales, métadonnées…) pour que les contenus soient retirés. J'ajoute que les plates-formes n'auront rien à faire pour les contenus couverts par des exceptions : les citations, parodies… à des fins scientifiques ou pédagogiques, etc. Enfin, dernière situation, pour les ayants droit qui s'en fichent et ne cherchent pas à monétiser leurs contenus, YouTube n'aura rien à faire.

Concrètement, les gens ont peur qu'un jeune artiste ne puisse pas faire une reprise qui va le rendre célèbre ou que des amateurs ne puissent pas mettre une vidéo avec leur chanson préférée. Que répondez-vous ?

Publicité

Le cas du jeune chanteur Kendji Girac , qui s'est fait connaître grâce à la reprise d‘une chanson célèbre, a été évoqué. La directive ne changera rien à ce genre de situation. YouTube a un accord avec la Sacem et il en aura toujours un post-directive. Et cet accord permet notamment à des jeunes débutants de faire des reprises des chansons du répertoire géré par la Sacem.

Même chose pour les musiques en fonds sonores puisque les accords couvrent les actes d'exploitation des internautes. Une écrasante majorité des chansons seront couvertes. Nous, à la Sacem, en avons déjà 15 millions : vous pouvez vous marier plusieurs fois avec des chansons différentes pour votre vidéo personnelle !

Susan Wojcicki dit dans le « FT » que même pour « Despacito », il est difficile de retrouver les ayants droit…

C'est fou de dire une ânerie pareille. Un Spotify ou un TF1, qui jouent abondamment cette chanson ultra-célèbre, s'en sort très bien avec les mêmes difficultés. Si les ayants droit s'estimant floués ne se manifestent pas avec les bons arguments, YouTube ne sera pas responsable. Il faut savoir que l'écosystème gérant les droits d'auteur a l'habitude d'ajuster les paiements bien après la sortie d'un disque si de nouveaux ayants droit se manifestent et fournissent les bonnes informations.

Les plates-formes craignent que la directive bouleverse leur modèle économique…

Elle ne va pourtant pas révolutionner le système. Nous ne voulons pas la mort des contenus générés par les utilisateurs et les artistes ont besoin de YouTube. La seule chose qui va changer est que les plates-formes vont devoir être plus transparentes. Aujourd'hui, par exemple, c'est YouTube qui définit ce qu'est un contenu majoritairement musical. Pour lui, il n'y a que les vidéo-clips. Pour nous, non : il peut y avoir les captations de concerts, par exemple. Nous avons besoin de vraies données, comprendre pourquoi certaines vidéos ne sont pas monétisées. Nous voulons connaître le chiffre d'affaires généré par YouTube avec nos contenus.

La directive nous donnera aussi un vrai levier de négociation. Aujourd'hui, le rapport est asymétrique. Or les plates-formes ne se contentent pas d'héberger, ce sont des régies publicitaires. Donc les auteurs ont toute légitimité à être correctement rémunérés. Voire à vouloir, dans certains cas qui seront rares, que leurs contenus n'apparaissent pas.

Les plates-formes vous accusent de leur laisser toute la responsabilité des identifications de contenus…

A nous de donner les bonnes informations, mais à eux de mettre les dispositifs techniques pertinents. Ce sont eux qui diffusent ! Ce sont des sociétés de nouvelles technologies. Bizarrement, le système de reconnaissance des contenus ContentID de YouTube fonctionne mal alors que la filiale de Google sait cibler les contenus qui plairont aux internautes avec une grande précision. Je constate aussi que quand il y a des risques de « brand safety » avec des publicités apparaissant auprès de vidéos aux contenus douteux, YouTube se met en quatre pour ses annonceurs. Pourquoi, quand il s'agit des droits d'auteur, est-ce trop compliqué… ?

Nicolas Madelaine

MicrosoftTeams-image.png

Nouveau : découvrez nos offres Premium !

Vos responsabilités exigent une attention fine aux événements et rapports de force qui régissent notre monde. Vous avez besoin d’anticiper les grandes tendances pour reconnaitre, au bon moment, les opportunités à saisir et les risques à prévenir.C’est précisément la promesse de nos offres PREMIUM : vous fournir des analyses exclusives et des outils de veille sectorielle pour prendre des décisions éclairées, identifier les signaux faibles et appuyer vos partis pris. N'attendez plus, les décisions les plus déterminantes pour vos succès 2024 se prennent maintenant !
Je découvre les offres

Nos Vidéos

xx0urmq-O.jpg

SNCF : la concurrence peut-elle faire baisser les prix des billets de train ?

xqk50pr-O.jpg

Crise de l’immobilier, climat : la maison individuelle a-t-elle encore un avenir ?

x0xfrvz-O.jpg

Autoroutes : pourquoi le prix des péages augmente ? (et ce n’est pas près de s’arrêter)

Publicité