jeune femme yeux fermés avec peinture sur le visage

STARTER, le livre d'art qui casse les préjugés sur la GenZ

© JR Korpa via Unsplash

Lì-Lù June, 17 ans, a lancé STARTER, un livre d’art qui raconte les artistes de sa génération. Elle y dépeint une jeunesse pétrie de contradictions : solitaire bien que connectée, épicurienne mais disciplinée, pessimiste quant à l’avenir, mais pleine de ressources et de créativité.

Au téléphone, celle qui se fait appeler Lì-Lù June paraît beaucoup moins sévère que dans son clip promo. Originaire de Montpellier, cette jeune bachelière de 17 ans y énonce les lignes directrices de son projet d’art STARTER : briser les préjugés formulés à l’égard de sa génération (la Z ou la Y, on ne sait plus bien), montrer que la relève artistique est bien en place et qu’elle manie « aussi bien le pinceau que les logiciels ».

Lorsque l’on tombe sur le crowfunding de son livre d'art, on a d'ailleurs du mal à croire qu'il puisse être l’œuvre d’une lycéenne. Design léché, interviews solides et photos d’artistes en argentique, vidéo à l’esthétique Windows 98… le projet d’édition donne envie. Il nous promet la découverte de 24 jeunes artistes de moins de 28 ans – à travers leur démarche créative, mais surtout leur vie, leurs rêves, leurs regrets et la façon dont ils imaginent leur futur.

Un livre d'art en réaction aux préjugés sur la GenZ

Si Lì-Lù a lancé STARTER, c’est en réaction aux préjugés qui écornent sa génération et considèrent les jeunes comme « des branleurs » passant leur temps sur leur téléphone. « Il y a un fossé, une incompréhension qui s’est installée entre notre génération et celle de nos parents et grands-parents, en partie à cause des nouvelles technologies, estime Lì-Lù. Nous sommes nés avec un téléphone et avec Internet. Pour ma part, je considère les réseaux sociaux comme un CV. Pour m’en sortir aujourd’hui, je pars du principe que je dois savoir m’en servir ». Elle aborde d’ailleurs le sujet avec les artistes qu’elle interviewe et photographie. La plupart arrivent à la conclusion suivante : oui les réseaux sociaux sont nocifs, mais ce sont aussi de véritables leviers lorsqu’ils sont placés au service d’une passion. 

La preuve à l’intérieur du livre, où l'on voit se succéder les profils de différents artistes. On y découvre Jade de Brito, étalonneuse autodidacte qui n’a jamais fini ses études mais qui au moins « a du taff », Mamadou Bathily, danseur électro avec un BTS en génie civil en poche, Majeur Mineur, ancien produit d’école de commerce devenu beatmaker… On y reconnaît aussi Morgane Ortin, littéraire experte des correspondances épistolaires et créatrice du compte Instagram @Amours_Solitaires. « J’avais déjà une liste d’artistes "coups de cœur" en tête, mais j’ai aussi passé des heures sur les réseaux sociaux pour trouver des personnalités qui me plaisent », explique Lì-Lù. À ses côtés, Louise Robert et Lana Lofé, respectivement cheffe de projet et graphiste, l’aident à cadrer les choses. Plus âgées (l’une a 30 ans, l’autre 27, ndlr), elles n’ont pas hésité à parier sur le projet de leur cadette.

Jade de Brito, étalonneuse / STARTER

« Tatoueurs, réalisateurs, danseurs, make-up artistes… Je voulais atteindre la parité entre filles et garçons et en matière de disciplines artistiques », poursuit la lycéenne. À bientôt 18 ans, cette fondue de mode et de photographie n’en revient pas elle-même. En moins de deux mois, STARTER a déjà récolté 7 585 euros sur les 10 000 euros initialement demandés. Preuve que sa génération intéresse. « Je ne m’attendais pas à ce qu’il y ait un tel engouement. Je pensais sincèrement que seuls mes parents et les amis de mes parents me soutiendraient financièrement », admet-elle en riant. Pourtant, les dons et les retours sont nombreux, en particulier sur la page Instagram du projet. « Nous avons reçu tellement de messages de jeunes, beaucoup affirmant que ce projet leur donne espoir, qu’il leur donne envie de continuer. Ils en ont besoin je pense. On est tellement peu valorisés… », se désole la créatrice.

Ouriel Zeboulon, tatoueur / STARTER

Repenser les codes du livre d'art

Chasse gardée des artistes les plus reconnus, le livre d’art est – en plus d’être onéreux – bien souvent inaccessible aux jeunes artistes. C'est différent pour STARTER. Pour le moment en précommande, le livre est accessible pour 25 euros. « Mon but n’est pas de compiler le travail d’artistes ultra connus. Ce que je veux, c’est montrer l'oeuvre de @Stiletto.Crandarret par exemple, un mec en intérim à Montpellier qui passe son temps à dessiner dans sa chambre et qui s’avère être ultra talentueux », poursuit Lì-Lù.

Quand on lui pose la question du choix du papier, elle y répond par le sens. Pour « casser les codes des réseaux », déjà, et peut-être échapper à la dictature de l’instantané. « J’avais envie d’avoir l’objet en mains, d’un support qui reste dans le temps. Dans 10 ans, on ouvrira ce livre et on saura qui on était », espère la curatrice.

 
 
 
 
 
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Entre contradictions et convictions

Lì-Lù concède toutefois une certaine contradiction propre à sa génération, un flirt incessant entre une addiction au smartphone banalisée et l’envie d’y résister pour véritablement « se connecter ».

Mais à bien y réfléchir, cette même génération est aussi capable de sortir de sa bulle de filtres. Pour le climat, par exemple !   « Ça m’a donné des frissons de voir autant de jeunes mobilisés dans la rue, poursuit Lì-Lù au sujet de la dernière marche organisée en mai à Montpellier. Nous avons séché les cours et sommes descendus avec des pancartes et des sacs poubelle pour ramasser des mégots et du plastique. C'était fort et vraiment beau. »

Avec tout ça, on est tout de même bien loin des zombies shootés à la lumière bleue.

En savoir plus sur STARTER

Margaux Dussert

Diplômée en marketing et publicité à l’ISCOM après une Hypokhâgne, Margaux Dussert a rejoint L’ADN en 2017. Elle est en charge des sujets liés à la culture et la créativité.
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