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La transition numérique estonienne : une leçon

LE CERCLE/POINT DE VUE - L'Estonie est parvenue à développer un modèle de e-administration aujourd'hui éprouvé. La France ferait bien de s'en inspirer.

Le modèle estonien permet une amélioration réelle du service rendu à l'usager.
Le modèle estonien permet une amélioration réelle du service rendu à l'usager. (Shutterstock)

Par Antoine Picron (analyste en politiques publiques, chercheur à l’Institut Sapiens)

Publié le 19 juil. 2018 à 09:00

Il y a un peu plus d'un an, le 4 juillet 2017, devant l'Assemblée nationale, le Premier ministre Edouard Philippe déclarait : « Fixons-nous un objectif simple : avoir des services publics numériques de même qualité que ceux du secteur marchand […] J'étais, avec un certain nombre de membres du gouvernement, en Estonie, la semaine dernière, eux l'ont fait. »

La référence à l'Estonie, ancienne République soviétique de 1,3 million d'habitants, a, à première vue, de quoi surprendre. Pourtant, ce pays est effectivement parvenu à développer un modèle d'e-gouvernement aujourd'hui éprouvé.

Numérisation des services publics

Très tôt après l'effondrement du bloc soviétique, les pouvoirs publics estoniens ont souhaité acquérir un avantage comparatif par l'utilisation des technologies de l'information et de la communication. Ce fut chose faite au moyen de politiques publiques volontaristes.

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Cela a favorisé l'émergence d'un Etat plate-forme ouvert aux différents acteurs économiques et soucieux d'assurer tant les libertés des individus que l'efficacité de son administration. Au-delà même des économies réalisées par la numérisation de 99 % des services publics - de l'ordre de 2 % du PIB -, le modèle estonien permet une amélioration réelle du service rendu à l'usager.

Grâce aux cartes d'identité électronique, Estoniens comme résidents peuvent accéder à leurs ordonnances médicales, utiliser la signature électronique, enregistrer leur société en 18 minutes, ou encore voter en ligne. Enfin, la mise en place d'un système d'échange d'informations décentralisé, le X-Road, permet aux individus de contrôler l'utilisation de leurs données sans pour autant obérer l'action publique.

Depuis la mise en place en 2014 de son programme « e-résident » qui confère l'accès à la plupart des e-services estoniens depuis l'étranger, l'Estonie se plaît à se présenter comme une « nation digitale » dans un « Etat sans frontière ». 

Etat 2.0

Afin d'assurer la continuité et la souveraineté numériques d'un Etat 2.0, l'administration promeut l'utilisation de la blockchain dans les registres publics, et le gouvernement veut développer des ambassades de données aux quatre coins du monde. Dernièrement, c'est par sa volonté de développer l'« estcoin » sur le modèle des crypto-actifs et des initial coin offerings que l'Estonie s'est illustrée.

En outre, les pouvoirs publics estoniens mettent en place des régulations innovantes et flexibles facilitant la vie des entrepreneurs et catalysant les opportunités liées au numérique sur son territoire.

Face à l'émergence de l'économie collaborative par exemple, au lieu de restreindre, voire d'interdire l'accès aux plates-formes, l'administration estonienne a été la première à conclure avec celles-ci des accords ayant pour objet la transmission des données relatives aux revenus des particuliers. Autre illustration, dans le domaine de l'intelligence artificielle, où une réflexion mûrit sur l'octroi de la personnalité juridique aux robots.

Silicon Valley balte

La réussite du modèle d'e-gouvernement estonien est patente. Non seulement cet Etat balte peut se targuer d'être une Silicon Valley européenne avec un écosystème de start-up des plus attractifs, mais il se positionne aussi comme expert, initiateur de normes sur les scènes européenne et internationale comme l'ont démontré la présidence estonienne du Conseil de l'Union européenne ou la rédaction du « Manuel de Tallinn », qui propose une application du droit international aux cyberconflits.

Aujourd'hui, l'exportation du modèle et du savoir-faire estoniens bat son plein et les visites de gouvernements en Estonie se multiplient. La France ne fait pas exception à la règle et la majorité actuelle entend pleinement s'inspirer de cette réussite. Un accord renforçant la coopération dans le numérique entre les deux Etats a d'ailleurs été signé le 19 mars 2018. Gageons dès lors que le modèle estonien permette de mettre en marche la transition numérique de l'Etat français !

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Antoine Picron est analyste en politiques publiques, chercheur à l'Institut Sapiens.

Antoine Picron

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