Julien Foussard a longtemps hésité entre deux carrières : le business et le poker. Sa décevante troisième place décrochée à 23 ans dans une émission de télé-réalité, « Poker : mission Caraïbes », achèvera de le convaincre : ce sera le monde de l’entreprise. De sa première passion pour le jeu, le jeune entrepreneur a gardé un talent certain pour le bluff. Un goût de la mystification qui lui a permis de faire fortune, mais qui n’a pas manqué d’éveiller l’intérêt de la justice.
Ce 25 mai 2018, en recevant des mains du milliardaire Bernard Arnault le prix LVMH de l’innovation pour sa dernière start-up, la solution de paiement Oyst, Julien Foussard, 33 ans, affiche un sourire triomphant. Ce jour-là, le jeune « loup » de la French Tech qui arpente les plateaux de BFM Business assouvit enfin sa soif de reconnaissance.
Depuis plus d’un an pourtant, le ciel de l’entrepreneur, dont le casier judiciaire est déjà bien rempli – cinq condamnations définitives depuis 2012, notamment pour escroquerie ou pratique commerciale trompeuse –, s’assombrit. La direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) s’intéresse de près à ses activités et a commencé à entendre certains de ses proches. Deux mois après la remise du prix, le service a transmis son enquête au parquet de Paris, qui a ouvert une information judiciaire le 27 juillet pour pratique commerciale trompeuse et blanchiment.
Dans le viseur de la répression des fraudes : son entreprise londonienne Iron SLS, connue sous le nom d’Iron Group. La justice soupçonne cette société d’être à l’origine d’une pratique commerciale trompeuse à grande échelle, dont le préjudice se monterait à plus de 100 millions d’euros, selon une source proche de l’enquête. Ses victimes ? Des centaines de milliers de Français désireux d’effectuer des démarches administratives en ligne.
Cette affaire est l’exemple le plus récent d’un mode opératoire déjà bien rodé dans la courte carrière de l’homme d’affaires, qui a refusé de répondre à nos questions : avant Iron, il avait déjà monté une myriade d’autres sites de démarches administratives, dont il accélérait le référencement afin de se trouver en tête des recherches sur Google. Ses clients s’acquittent d’un tarif fixe, affiché de façon lisible sur le site, ignorant qu’ils viennent en réalité de souscrire à un abonnement. Des infractions rarement sanctionnées, faute de plaintes.
Lundi 17 septembre, la DGCCRF a décidé de lancer une campagne de sensibilisations aux faux sites administratifs, à l’origine, selon le ministère de l’économie et des finances, de 150 millions d’euros par an de préjudice pour les Français.
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