Santé Pour en finir avec la peur de la maladie mentale

La ministre de la Santé a présenté 37 actions sur la santé mentale visant notamment la « déstigmatisation ». Sur le terrain, associations et fondations œuvrent dans ce sens avec l’arrivée des premiers secours en santé mentale.
Sylvie MONTARON - 09 août 2018 à 05:00 - Temps de lecture :
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Manifestation de rue à Paris de la « Mad Pride » regroupant les utilisateurs des services de santé mentale et les familles des malades, en juin 2018. Photo Bertrand GUAY/AFP
Manifestation de rue à Paris de la « Mad Pride » regroupant les utilisateurs des services de santé mentale et les familles des malades, en juin 2018. Photo Bertrand GUAY/AFP

Comment réagir face à un collègue qui s’isole peu à peu, un ami dont on craint qu’il se suicide, un inconnu qui “pète un plomb” en pleine rue ? « La tendance naturelle, quand une personne manifeste des signes de mal-être, c’est de détourner le regard », note Roselyne Touroude,

vice-présidente de l’Union nationale de familles et amis de personnes malades et/ou handicapées psychiques (Unafam). Pourtant, comme il existe des premiers gestes physiques à réaliser sur une personne blessée avant l’arrivée des secours professionnels, il existe des « premiers secours en santé mentale » (PSSM) à prodiguer en attendant que la crise soit passée ou qu’une prise en charge adaptée ne soit trouvée.

Apprendre à réagir

Né en Australie en 2001, le programme PSSM vise à apprendre aux citoyens comment se comporter face aux premières manifestations de troubles psychiques, et à bien connaître le système de soins et d’accompagnement afin d’être en mesure d’aider les malades à s’orienter « vers un dispositif susceptible d’apporter l’écoute et les soins requis par leur état de santé », explique l’association PSSM France. Créé fin juin, cette structure – regroupant l’Unafam, Santé mentale France et l’organisme de formation INFIPP – dispensera, à partir de 2019, des formations à ce programme enseigné dans une vingtaine de pays dans le monde.

Ainsi, dans quelques mois ou années, votre employeur vous proposera peut-être, aux côtés de la formation de secouriste du travail, une formation aux PSSM… Comme la première, elle devrait durer deux jours et s’articuler autour de plusieurs troubles : l’anxiété, la dépression, la psychose, les addictions, la crise panique et les situations de violence.

« Un savoir-être très simple »

« Il ne s’agit pas d’apporter du soin, mais une aide », souligne Béatrice Borrel, trésorière de PSSM France. « L’objectif est de développer un savoir-être très simple, une écoute, une attention bienveillante… L’idée, c’est : comment aborder ces personnes sans être envahis par nos propres peurs et nos représentations de la maladie mentale », précise Rémi Forger. Infirmier au Mans, il fait partie des seize « instructeurs » formés pendant cinq jours à Lyon, du 9 au 13 juillet. Ceux-ci formeront à leur tour les premiers formateurs aux PSSM qui enseigneront à leur tour ce savoir auprès des publics « pilotes », en particulier les étudiants en santé, comme le souhaite la ministre de la Santé, mais aussi les travailleurs sociaux, les DRH, les policiers… dans des régions pilotes.

Diminuer le taux de suicides

Le démarrage est soutenu financièrement par la Direction générale de la santé, Santé publique France et la Fondation de France. Mais le déploiement du programme auprès d’un public plus large dépendra de la sensibilité et des moyens financiers que chaque structure (entreprise, collectivité…) sera prête à investir dans cette formation.

Le programme PSSM est l’occasion « d’inverser » le premier mouvement de recul face au malade psychique, « de changer le regard et de permettre un accès aux soins », souligne Roselyne Touroude, également futur instructeur. Car contrairement aux premiers secours physiques, « on n’est pas dans le ponctuel. On va traiter une crise, mais pas seulement. On est beaucoup dans une logique de compréhension : repérer les premiers signes, travailler sur la prise de conscience avec la personne et lui donner de l’information », explique Béatrice Borrel. Outre la « déstigmatisation » de la maladie mentale, l’enjeu est d’arriver à une prise en charge plus précoce des patients. Et peut-être de diminuer le taux de suicides car, avec 25 morts par jour – contre 9 tués par accident de la route –, la France affiche l’un des taux européens les plus mauvais (17e sur 28 en 2014).

L’efficacité du programme a été mesurée par plusieurs études internationales. Elles ont montré que les formations aux PSSM augmentaient les connaissances sur la santé mentale ainsi que les comportements d’aide, et réduisaient les attitudes négatives envers les personnes malades.