Ce mercredi, à midi exactement, comme chaque semaine, une cinquantaine de personnes se sont réunies dans une salle anonyme du 7e arrondissement de Paris. Debout – c’est la règle –, chacune d’entre elles dispose d’une minute, pas une seconde de plus, pour décrire l’état d’avancement de son projet, les difficultés rencontrées ou les succès engrangés.
A chaque prise de parole, des encouragements plus ou moins nourris saluent l’orateur, à l’américaine. Cette fois, la palme de l’applaudimètre revient à Léry Jicquel, un trentenaire présent pour la première fois : « Je suis venu vous annoncer la création de la première start-up à la Cour des comptes ! » L’institution de la rue Cambon va mettre en place un outil pour simplifier les échanges de documents lors de ses contrôles…
Cette scène surprenante ne se déroule pas dans un hall géant de l’Est parisien fourmillant de start-up, ni dans l’un de ces multiples lieux consacrés à l’écosystème numérique, mais au 20, avenue de Ségur, dans l’un de ces immeubles austère des années 1930 qui abritent l’administration française. C’est là que s’est installée, sous l’impulsion de la Direction interministérielle du numérique et du système d’information et de communication de l’Etat (Dinsic), une véritable communauté d’agents publics, de développeurs et de « coachs », dont l’objectif est de mettre au point des services publics numériques grâce à une méthode agile – d’où l’appellation de « start-up d’Etat ».
Au total, une soixantaine de ces jeunes pousses ont déjà fleuri, au sein de la Dinsic, mais aussi à Pôle emploi, dans trois ministères et même en province. Elles apportent des solutions numériques à des problèmes aussi variés que la dématérialisation des démarches, l’organisation de voyages scolaires, la centralisation de la commande des taxis ou encore le partage d’expérience sur les classes à douze élèves… Mais, au-delà, elles préfigurent une nouvelle façon de penser l’Etat et son organisation. Et donnent au passage une leçon de management à nombre de grandes entreprises, enfermées, elles aussi, dans leur bureaucratie.
« Politique des petits pas »
« Tout est parti d’une note que j’ai écrite en 2013, qui plaidait pour la création d’un incubateur au service de l’Etat, raconte Pierre Pezziardi, actuel entrepreneur en résidence au sein de la Dinsic et animateur de l’incubateur de start-up d’Etat. En substance, cette note expliquait que tout le monde est concerné par l’innovation. Or l’innovation, ce n’est pas que les nouvelles idées, c’est surtout abandonner les anciennes. »
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