L’Internet gratuit vit peut-être ses dernières heures. Du moins en Europe. Le 17 mai 2019, le Journal officiel de l’Union européenne a promulgué la directive sur les droits d’auteur après deux ans de bataille féroce. Objectif : faire payer Google, YouTube et les autres pour le contenu qu’ils diffusent.
Puis, en juillet, la France est devenue le premier pays à se doter d’un « droit voisin » pour la presse afin que les agrégateurs d’actualité sur Internet, comme Google News ou Yahoo! Actualités, rémunèrent les éditeurs de presse et les agences lorsqu’ils utilisent les articles, les dépêches, les photos et les vidéos des journalistes. La proposition de loi a été adoptée par le Parlement français, lequel s’est appuyé sur l’une des dispositions phares de cette même directive européenne sur « le droit d’auteur et les droits voisins dans le marché unique numérique », que les Etats membres doivent tous transposer dans leur loi d’ici au 7 juin 2021.
Enfin, le ministre français de la culture, Franck Riester, a demandé, fin juin, à son Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique, de relancer l’idée d’une taxe « Google Images » en vue de rémunérer en 2020 – sur le même principe que le droit voisin de la presse – les auteurs de photos mises en ligne sur les « services automatisés de référencement d’images ».
« Une approche rétrograde »
La bataille du copyright sur Internet s’invite partout : dans la musique, le cinéma, l’audiovisuel, l’édition et toutes les industries culturelles. « Désastre » pour les uns, « victoire » pour les autres, rarement une directive européenne aura été aussi controversée. Six pays ont voté contre (Italie, Finlande, Suède, Luxembourg, Pologne et Pays-Bas) et trois se sont abstenus (Belgique, Estonie et Slovénie). Après deux ans de lobbying sans merci dans les deux camps, les professionnels de la culture ont obtenu gain de cause face aux grandes plates-formes Internet. Google, sa filiale YouTube, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft, mais aussi Netflix, Spotify, Deezer, Dailymotion, Yahoo! et bien d’autres, vont être contraints d’assurer aux créateurs une « rémunération appropriée et proportionnelle » pour leurs contenus mis en ligne et de « fournir [leur] meilleur effort » pour lutter contre le piratage – au nom de la propriété intellectuelle.
Les enjeux financiers sont considérables et les nouvelles responsabilités imputées aux plates-formes numériques pourraient leur coûter très cher, en paiement de redevances aux ayants droit, voire en amendes en cas d’infraction. « Sans qu’on puisse déjà en chiffrer le bénéfice, l’adoption définitive de la directive sur le droit d’auteur pose les bases d’un modèle économique plus juste dans le marché du numérique », assure le musicien Jean-Michel Jarre, président depuis six ans de la Cisac, la Confédération internationale des sociétés d’auteurs et compositeurs.
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