Cela va bientôt faire deux ans que les Étaisiens n'utilisent plus leur robinet, rapporte un journaliste du Monde en Bourgogne. Le 16 octobre 2016, une analyse de la nappe phréatique d’Etais-la-Sauvin, menée par l’Autorité régionale de santé (ARS) de l’Yonne, met en évidence la présence trop importante de métazachlore, un pesticide utilisé pour la culture du colza dont les champs encerclent le village. Par principe de précaution, la préfecture publie un arrêté interdisant la consommation de l'eau courante.

Le journaliste sur place dépeint un décor cocasse, parfois ridicule : dans le seul restaurant d'Ethais, le patron fait ses glaçons "à la Cristaline", dilue son pastis "dans de la Cristaline" et fait bouillir sa potée auvergnate "dans de la Cristaline". Pour pallier à cette situation, la mairie est en effet forcée de distribuer des quantités astronomiques d'eau en bouteille. La tâche se complique dans les Ehpad, continue le journaliste, où les patients Alzheimers oublient que l'eau n'est pas potable.

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Devant un tel constat, les Ethaisiens, à commencer par le maire Claude Macchia, cherchent des coupables. Selon lui, les pesticides proviennent "à 98%" d'un agriculteur voisin, François Durand. Chez le principal concerné, c'est un autre son de cloche : "Ça ne vient pas de chez moi, le maire se trompe de cible", répond-il. Un autre agriculteur ajoute : "M. Durand ne peut être tenu pour unique responsable. L’ensemble des parcelles situées sur le bassin d’alimentation du captage est concerné par un risque de transfert, vers l’eau du captage, des molécules utilisées par les agriculteurs." Une étude a été confiée en 2017 à la chambre d’agriculture de l’Yonne pour déterminer l’origine des pesticides et sera publiée le 18 septembre.

L'eau courante, un combat symbolique

En attendant les résultats, le maire avoue être dans une impasse. Demander aux agriculteurs de renoncer aux pesticides ? Une idée qui récolte de ricanements dans le village. L'usage de ces produits est trop important pour les cultivateurs, seul l'État pourrait légitimement imposer une interdiction. Construire une unité de traitement des eaux ? La petite commune de 640 habitants n'a pas assez d'argent. Se raccorder à la Fédération des eaux Puisaye-Forterre, réseau local mieux équipé qui alimente déjà 27 communes alentour et perdre son autonomie ? C'est pour cette option qu'a opté le maire, non sans nostalgie. "Mon pépé et mon frère ont fait les tranchées à la pioche pour mettre l’eau ici, et aujourd’hui, tout est balayé d’un coup de crayon", souffle-t-il, amer. Depuis mai 2018, l'eau qui coule au robinet est saine.

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La commune doit encore refaire ses 40 kilomètres de tuyauterie souterraine pour que tous les habitants puissent avoir accès à l'eau. En 2026, Claude Macchia devra de toute façon déléguer la « compétence eau » de sa commune à des structures intercommunales publiques ou à l’un des trois grands acteurs privés (Saur, Suez, Veolia).