Agnès Varda chez le Facteur Cheval à Hauterives

Cette exposition autour de la correspondance d’Agnès Varda est la première d’une trilogie étalée sur trois ans. Ce premier volet explique l’intérêt de l’artiste collectionneuse pour les échanges entre les personnes (ici, avec le peintre sétois Pierre François) mais aussi son goût des mots et des images. Le lieu est très approprié car Agnès Varda était venue plusieurs fois visiter le Palais idéal du Facteur Cheval et l’avait photographié en 1956.

Dans sa maison de la rue Daguerre, Agnès Varda entassait les objets qu’elle chinait. Elle collectionnait les cartes postales anciennes et les albums photographiques. Sa collaboratrice Julia Fabry a disposé ici des cartes datant de la Première Guerre mondiale, sur lesquelles figurent des roses et des violettes, témoignages d’amour que l’on envoyait aux soldats lorsqu’ils étaient dans les tranchées.

Le lien entre Agnès Varda et la correspondance postale prend un tour surprenant quand on constate qu’un portrait de Jean Vilar, qu’elle réalise en 1953, est utilisé pour faire un timbre en hommage à l’acteur et metteur en scène. Un autre cliché, montrant la beauté de Sophia Lauren, est devenu une carte postale !

Tout au long de l’exposition, on croise des artistes comme Kikie Crêvecoeur, Chris Marker ou Calder. Celui-ci écrivait à Agnès Varda, illustrait ses enveloppes de dessins amusants et lui a même offert un collier, présent dans l’exposition. La plasticienne Annette Messager lui rend un hommage pertinent à partir des lettres de son prénom : « Aventurière, Géniale, Nombriliste, Envahissante, Sérénissime ».

Dans l’œuvre filmée d’Agnès Varda figurent de nombreux postiers qu’elle qualifie de « complices du destin ». Elle rencontre le facteur Jacky Patin à Bonnieux, dans le Lubéron. Plus tard, JR va le photographier, installe un agrandissement de ce cliché sur sa maison du village et, comme une mise en abime, cette installation figure dans « Visages Villages », le film qu’Agnès Varda et JR produisent en 2017.

Dans la Villa Alicius, près du potager du Facteur Cheval, on retrouve des éléments d’une installation d’Agnès Varda conçue pour la 50e Biennale d’art contemporain de Venise. On la voit porter son costume patate près d’une cheminée surréaliste débordant de pommes de terre. Ces légumes rappellent le film Les Glaneurs et la glaneuse, tourné en 2000 et parlant des récupérateurs. De fil en aiguille, on retrouve le tableau des Glaneuses de Jean-François Millet (1857), l’un des tableaux français les plus reproduits.