Contre une directive EU mortelle pour l’éclairage de spectacle

Quelle mouche a donc piqué les têtes pensantes de la Commission européenne, nul ne le sait, le fait est que sans réaction de notre part avant le 7 mai, l’industrie de l’éclairage scénique au sens large du terme, mais aussi tous ceux qui exploitent cet éclairage en France et dans les 27 autres États membres, subiront à partir du 1 septembre 2020, les foudres de Bruxelles.

Reprenons depuis le début

Dans une quête parfaitement légitime de chasse au gâchis énergétique, la Commission européenne a lancé des travaux appelés Ecodesign Working Plan en 2005 incorporant études préparatoires, prévisions d’économies d’énergie et propositions de solutions dans un très grand nombre de domaines allant de la climatisation aux serveurs de données, des télés aux machines à laver, des sèche-linge aux « lighting products ».
Et c’est là que ça se complique car les études pour ces éclairages ont été finalisées en décembre 2015, les économies attendues de l’ordre de 50 TWh d’électricité par an pour l’ensemble des 28 pays, et un certain nombre de règles pour y parvenir ont été édictées. Tout ceci est indiqué sur le draft de la version 2016-2019 de l’Ecodesign Working Plan, même si, à l’instant où vous lisez ces lignes, nous ne sommes pas parvenus à mettre la main sur l’ensemble des documents officiels précisant certains des chiffres que nous allons indiquer plus avant. Nous mettrons à jour cette news dès qu’on les aura.

La mesure la plus absurde qui risque d’être votée en l’état et risque de mettre à mal toute notre industrie, mais aussi tous les techniciens qui en vivent, est l’interdiction de mettre en vente dans l’Union Européenne, une source lumineuse, qu’elle soit à lampe ou leds, qui ne soit pas au moins dans la future classe énergétique F, et donc en mesure d’offrir une efficacité minimale d’au moins 85 lumens par watt, à partir du 1er septembre 2020. Aujourd’hui, aucun de nos produits n’atteint la future classe G qui démarre à 60 lumens par watt.

Si à l’avenir les fabricants y parviennent, cela nécessitera de facto le remplacement de tout le parc existant. Cela s’apparente à un enterrement de 1re classe de nos métiers. Bien entendu, aucune lampe tungstène ou à arc ne peut y souscrire et comme plus aucune recherche n’est menée sur ces technologies, autant dire que même si vous gardez vos machines, légalement rien ne vous y en empêchera, il ne sera plus possible de les lamper une fois épuisé votre stock et celui de votre fournisseur, sauf à devenir pirate. Drôle de perspective.

Seconde mesure, aucune machine ou lampe ne pourra consommer plus de 0,5 watt en stand-by. Je connais quelques bureaux d’études qui se grattent la tête limite calvitie précoce car là aussi, cela semble plus qu’irréaliste sur les complexes lyres motorisées qui composent l’essentiel du parc mondial. Rien que d’attendre des ordres DMX, cela consomme plus…
Des exonérations semblent exister pour les vidéoprojecteurs (le cinéma a dû ruer dans les brancards) et semble-t-il pour le spectacle, comme par exemple la possibilité d’utiliser des projecteurs de 82 000 lumens et plus, mais comme le précise Adam Bennette, le directeur d’ETC à Londres, la barre a été mise au moins 20 000 lumens trop haut. Toujours Adam précise que de toute évidence les auteurs de cette possible directive, n’ont travaillé qu’autour de la lumière blanche, oubliant totalement que dans l’univers du spectacle, on travaille surtout en couleur et qu’en pareil cas, les niveaux demandés sont encore moins possibles.

Les confrères anglais de l’ALD (Association des Lighting Designers) qui ont levé le loup et sont à la pointe du combat qui s’engage, confirment la déconnection entre nos métiers et outils et le contenu de textes qui, tout en accélérant de fait le progrès et les économies ce qui est louable, ne concernent essentiellement que les sources de lumière blanche à usage domestique.

Inutile de vous dire à quel point nous sommes pro européens à SoundLightUp, mais aussi à quel point ce genre d’amalgame, de solutions à l’emporte-pièce et ce manque absolu de concertation avec des filières qui consomment par ailleurs peu de courant, ont basculé très vite sur la LED très économe et surtout rendent la vie plus belle grâce à la magie des spectacles de toute sorte, nous chagrinent.

Il faut en effet comprendre de ce texte que même les parcs d’éclairages télé, ceux pour le cinéma et bien entendu l’ensemble des lumières du spectacle vivant, des parcs d’attractions, même des monuments comme le phare de la Tour Eiffel seront au mieux figés durant des années dans l’attente que l’industrie propose des sources F soit « 85 lumens/watt » , au pire retirés quand la source lumineuse devra être remplacée.
Mais quels prestataires ou producteurs pourront s’offrir un parc neuf et dans les clous, tout en jetant l’existant qui n’aura plus AUCUNE valeur de revente. Cela signe l’arrêt de mort des industriels du secteur qui devront engager des études coûteuses et à marche forcée sans rien vendre en attendant, et la disparition de prestataires qui verront leurs business plans profondément remis en cause.

Robe par la voix de son PDG Josef Valchar vient de publier un texte alarmant et a pris l’attache des pouvoirs publics, tout comme Christopher Ferrante P.d.g d’Ayrton. Il ne fait aucun doute que l’ensemble des décideurs français de notre branche en fera autant dans les jours à venir.

Pour info on vous rappelle que la consultation publique où il est possible de faire état de son mécontentement face à ces potentielles décisions, sera clôturée le 7 mai 2018. Elle est ici
Et vous trouverez ici la liste de nos parlementaires européens afin de leur faire part de votre désapprobation.

Oui on aime l’Europe car on ne veut plus de conflits, on ne veut plus de ruches pleines d’abeilles mortes, on ne veut plus d’incohérence dans les taux d’imposition ouvrant grand la porte à l’évasion fiscale, mais pour autant on ne veut pas de lois stupides, bricolées à la va-vite et actant comme de véritables pompes à populisme et à rejet de l’Europe.
C’est pourquoi et dans l’attente qu’une vraie réponse s’organise en France, sans doute un moratoire permettant soit d’exclure des activités comme les nôtres de la directive, notre consommation de courant est minime et n’impactera en rien les économies escomptées de 50 TWh d’électricité par an, soit de retarder la mise en pratique de ces directives, on vous conseille tous, sondiers comme lighteux, prestataires comme régisseurs, même vous spectateurs et artistes, à signer immédiatement la pétition que l’ALD a mise en ligne sur Change.org

SoundLightUp va en attendant fédérer, coaguler (mot à la mode) les avis, les réactions, les idées et malheureusement aussi les craintes légitimes du marché français en postant régulièrement des points et en amendant ce même billet et le reste de nos news dans l’hypothèse où nous ayons surestimé ou sous-estimé la portée de ces règles à venir.
Croyez bien qu’il est très complexe d’aller chercher dans les méandres des décisions, des directives, et en général au cœur du travail obscur mais souvent utile de Bruxelles. Souvent mais pas toujours.

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Crédits - Texte Ludovic Monchat

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