ENTRETIEN. « Le commerce du bio est en pleine mutation »... |
Magasins spécialisés, grandes surfaces, drives… La concurrence redouble sur le marché en pleine croissance des produits bio. Antoine Lemaire, rédacteur-en-chef du magazine BioLinéaires, analyse un marché en pleine mutation.
Selon l’Agence bio, en France, les achats des produits alimentaires bio ont progressé de 17 % en valeur entre 2017 et 2016. Antoine Lemaire, rédacteur-en-chef du magazine BioLinéaires, analyse un marché du bio en pleine croissance et en pleine mutation.
Pourquoi la grande distribution est-elle passée à l’offensive sur le bio ?
La grande distribution arrive au bout de son modèle. Elle cherche des leviers de croissance. Depuis 2016, elle met les bouchées doubles sur le créneau des produits bio, porteurs d’image, de qualité, des valeurs de commerce équitable.
Elle essaye de redorer son image avec le bio. Elle n’est évidemment pas insensible aux 15 à 30 % de croissance enregistrés par les magasins bio spécialisés depuis 2010. Elle veut capter cette croissance.
Comment s’y prend la grande distribution pour augmenter ses ventes de bio ?
Elle agrandit les rayons dédiés au bio dans ses hypers. Elle développe des gammes de produits bio sous ses marques propres.
Les drives de la grande distribution proposent sur internet de plus en plus de produits bio, au milieu des produits conventionnels. Une fois que vous avez mis vos œufs bio, vos pâtes bio, votre lait bio et votre jus d’orange bio dans votre panier, votre commande est enregistrée pour être automatiquement reproposée chaque semaine.
Le commerce digital démultiplie les quantités. Avec des volumes plus importants, la grande distribution peut faire pression sur les fournisseurs, peut aller chercher du prix quelquefois au détriment de la qualité.
Pourquoi la concurrence devient-elle de plus en plus forte ?
Il y a de la concurrence entre la grande distribution et les magasins bio spécialisés. Il y a de la concurrence entre les magasins bio. En 2017, 265 magasins bio ont ouvert. Dans certaines villes, il y a trop de magasins bio.
De nouveaux opérateurs arrivent sur le marché. Les enseignes de la grande distribution ouvrent des grandes surfaces spécialisées bio : Carrefour bio, Auchan bio, Bio village (groupe Leclerc). Cette dernière enseigne fait peur parce qu’elle va distribuer des marques historiques du bio et entrer en concurrence frontale avec les magasins bio.
Il y a aussi les épiceries alternatives de proximité, les drives fermiers, les coopératives de consommateurs, les réseaux vrac.
Les prix baissent-ils ?
La grande distribution tire les prix vers le bas. Elle fait avec le bio ce qu’elle a fait avec les produits conventionnels. Elle développe des marques de distributeurs (MDD), moins disant qualitativement, avec des variétés plus faciles à produire, plus productives, mais moins intéressantes sur le plan nutritionnel.
Comment les magasins bio spécialisés peuvent-ils résister ?
Les magasins bio ne pourront pas s’aligner sur les prix avec la grande distribution. Ils peuvent résister à condition de se différencier : avec du bio made in France, une offre de produits adaptée aux seniors, du conseil, des produits à plus forte qualité nutritionnelle, par la formation du personnel, un lien fort avec les producteurs locaux, avec des marques historiques.
On se dirige vers une agriculture bio à deux vitesses ?
On a une bio à deux vitesses depuis plusieurs années. D’un côté, une bio industrielle avec de gros volumes d’achat, approvisionnée par des filières industrialisées. De l’autre, une bio artisanale, historique qui prône la responsabilité sociétale des entreprises, le commerce équitable.